Название: La coucaratcha. I
Автор: Эжен Сю
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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– A sa santé, car il est fou, dit l'autre femme.
Et ils se mirent tous à hurler, en frappant sur la table avec leurs gobelets de fer-blanc, à sa santé! à sa santé!.. tandis que lui les regardait fixement et avec mépris.
Il pouvait avoir trente ans; ses traits étaient beaux, mais pâles; ses cheveux noirs se joignaient à d'épais favoris noirs qui encadraient sa figure rude et sévère…
Du reste, il portait un costume de matelot, de simple matelot, mais propre et soigné…
– A sa santé!.. A sa santé, crièrent encore les autres avec un redoublement de rire et de bruit…
– Tu n'entends donc pas, sauvage! hurla le jeune garçon, les yeux remplis de vin, les lèvres violettes, et les bras tremblants et lourds.
– On boit à ta santé, monsieur l'Air-en-dessous, dit la Jambe de bois en le tirant par la manche de sa veste.
– Allons, bois donc; tu nous embêtes à la fin, dit Pierre, tout-à-fait ivre, en lui heurtant violemment le verre contre les lèvres…
Ici je ne distinguai plus rien, car du premier coup de poing que donna l'homme pâle, la lampe s'éteignit, mais j'entendis un tapage infernal, des blasphèmes, des cris de douleur et de joie cruelle, et dominant sur le tout, la voix de l'homme pâle, qui criait: Ah chiens! vous parlez de mère et du 13 octobre; par satan! ce sera la dernière fois…
Comme les gémissements devinrent étouffés, j'allais sortir pour appeler Polard, lorsqu'il parut.
– Allez vite, lui dis-je, ils se tuent là-dedans…
– Ah bah!.. mon officier, c'est l'histoire de rire;… ils jouent.
– Les couteaux sont de la partie, lui dis-je.
– Est-ce que Ulrik s'en est mêlé? me demanda-t-il.
– Comment? Ulrik…
– Oui, mon officier, le grand pâle, il s'appelle Ulrik; c'est qu'il est brutal en diable… et fort, fort comme un cabestan…
– Oui, oui, il s'en est mêlé; ainsi, allez vite, car ils s'égorgent… Entendez-vous ces cris?
– Ah bah!.. N'y a pas de mal, mon officier: petite pluie abat le gros grain. Avez-vous fait votre choix?..
– D'abord, maître Polard, deux étaient ivres-morts…
– Je parie que c'est Cavelier et Jangras…
– C'est possible… Les deux autres m'ont l'air de vrais corsaires.
– Le petit blond… pas vrai? mon officier, et le gros noirot… Vous avez raison… Deux faï-chiens, deux carognes… Vous venez de la part du brave commandant B***, je ne voudrais pas vous tromper. Ici, il n'y a que Ulrik qui puisse vous convenir: c'est fort, c'est sage, mais sombre et taciturne en diable.
– Va pour Ulrik, lui dis-je tout rêveur; vous me l'enverrez à bord demain au coup de canon.
– Suffit, mon officier; j'irai avec lui pour les avances, comme de juste.
– A la bonne heure, je vous attends.
Au point du jour, Polard était à mon bord avec Ulrik; je les fis tous deux descendre dans ma chambre.
– Capitaine, dit Polard, voici Ulrik dont je vous ai parlé…
– Approche, lui dis-je.
Il s'approcha. – Où as-tu navigué en dernier lieu?
– J'arrive de Lima, capitaine, passager sur le brick l'Alexandre.
– Passager!..
– Oui capitaine…
– Pourquoi pas matelot?..
– Parce que j'étais passager, capitaine.
– Et que faisais-tu à Lima?
– Je naviguais dans la mer du Sud… au service des Colombiens…
– Ah! diable… As-tu des papiers?..
– Non…
– Aucun?
– Si… un certificat du capitaine de l'Alexandre… Le voici…
– Il est bon… Veux-tu venir à mon bord?
– Comme vous voudrez, mais je ne vous y engage guère.
– Comment?
– Je m'entends, capitaine.
– Ne l'écoutez pas, dit Polard, c'est un braque; d'ailleurs, il me doit deux mois d'auberge; s'il fait l'original je le mets dehors, et il ira coucher et vivre où il voudra…
– Alors, capitaine, prenez-moi… mais tant pis pour vous…
– C'est dit, je t'arrête… Polard, envoyez-lui son coffre ici; nous compterons après pour ce qu'il vous doit… Et toi, mon garçon, tu vas aller là-haut, on est en train de rider les haubans et d'enverguer un hunier; nous verrons ce que tu sais… Va… Voilà ta pièce d'amarrage (le denier d'adieu).
J'avoue que la bizarrerie de cet homme m'avait singulièrement frappé, et presque décidé à le retenir à mon bord.
D'ailleurs, sa figure quoique sombre et triste, ne présageait rien de fatal…
Huit jours après, j'avais choisi Ulrik pour maître d'équipage, car jamais matelot ne s'était montré plus habile, plus prompt, plus entendu, et plus au fait du service…
D'une régularité parfaite, il ne descendait jamais à terre; son service fini, il allait s'asseoir dans les porte-haubans d'artimon, et restait là des heures entières sombre et silencieux.
L'équipage, qui le craignait comme le feu, l'avait surnommé le Croque-Mort.
Mon chargement fait, je mis à la voile le vendredi du 21 novembre, et sortis du port avec une jolie brise de S. – O. J'allais à Buénos-Ayres…
Ulrik avait été plus sombre qu'à l'ordinaire le jour de l'appareillage… Il s'était approché plusieurs fois de moi comme pour me parler, puis s'était retiré sans mot dire.
Vers le soir, la brise fraîchit; je fis serrer les perroquets, et nous louvoyâmes sous nos basses voiles pour nous tenir écartés de la côte…
– Eh bien! maître, dis-je à Ulrik, il vente bon frais… Qu'en penses-tu?..
– Capitaine… je vous avais prévenu, me répondit-il d'un air grave et solennel qui m'imposa.
– Que veux-tu dire?
Lui, СКАЧАТЬ