Название: Correspondance, 1812-1876 — Tome 5
Автор: Жорж Санд
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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G. SAND.
DLVII
A M. OSCAR CASAMAJOU, A CHATELLERAULT
Nohant, mai 1864.
Ne crois donc pas ces bêtises, mon cher enfant. Ce sont les aimables commentaires de la Châtre sur un fait bien simple. Je me rapproche de Paris pour un temps plus long que de coutume, afin de pouvoir faire quelques pièces de théâtre qui, si elles réussissent, même moitié moins que Villemer, me permettront de me reposer dans peu d'années. Maurice aussi est tenté d'en essayer, et, comme il a bien réussi dans le roman, il peut réussir là aussi. Mais, pour cela, il ne faut pas habiter Nohant toute l'année, et, si on s'absente, il ne faut pas y laisser un train de maison qui coûte autant que si l'on y était. En conséquence, nous nous sommes entendus pour réduire nos dépenses ici et pour avoir un pied-à-terre plus complet à Paris. Nous n'aimons la ville ni les uns ni les autres; nous ferons notre pied-à-terre d'une petite campagne à portée d'un chemin de fer. Je compte aller à Paris le mois prochain, Maurice doit aller voir son père avec Lina et Coco, à cette époque. Il me rejoindra à Paris, et Nohant, mis sur un pied plus modeste, mais bien conservé par les soins de Sylvain et de Marie, qui y resteront avec un jardinier, nous reverra tous ensemble quand nous ne serons pas occupés à Paris. A tout cela nous trouverons tous de l'économie, et j'aurai, moi, un travail moins continu. Nous vivons toujours en bonne intelligence, Dieu merci; mais, si les gens de La Châtre n'avaient pas incriminé selon leur coutume, c'est qu'ils auraient été malades.
Je te remercie, cher enfant, du souci que tu en as pris. Mais sois sûr que, si j'avais quelque gros chagrin, tu ne l'apprendrais pas par les autres. Ta femme a envoyé à Lina des amours de robes. Coco a été superbe avec ça, le jour de son baptême, avant-hier. Il est gentil comme tout. Nous vous embrassons tendrement, mes chers enfants.
Quand tu iras à Paris, comme j'ai quitté la rue Racine, dont les quatre étages me fatiguaient trop, tu sauras où je suis, en allant rue des Feuillantines, 97; mets cela sur ton carnet.
Je te disais que, si j'avais un gros chagrin, je te le dirais. J'ai eu, non un chagrin, mais un souci cet hiver. Mon budget s'était trouvé dépassé et je me voyais surchargée de travail pour me remettre au pair. C'est alors que, tous ensemble, nous avons cherché une combinaison d'économie pour Nohant et que nous l'avons trouvée. Quant à l'arriéré, Villemer l'a déjà couvert.
DLVIII
A M. GUILLEMAT, LIBRAIRE, A LA CHÂTRE10
Nohant, 11 juin 1861
Monsieur, Je suis vivement touchée de la lettre collective qui m'a été écrite au nom de plusieurs artisans et commerçants de la Châtre; je vous prie de leur en exprimer ma reconnaissance et de leur dire que je n'oublierai jamais notre bon pays et les sympathies que j'y ai rencontrées. Elles me payent largement des petites persécutions qui m'ont été suscitées en d'autres temps et que j'aurais rencontrées partout ailleurs; car le monde ne comprend pas toujours que l'humanité n'est qu'une seule et même famille, et il faudra encore du temps pour que l'on sache où est le bonheur.
Il serait dans la sainte fraternité et son jour viendra, les poètes n'en peuvent pas douter; car c'est le pressentiment qui les fait vivre.
Nous traversons, en attendant, une époque de civilisation où le travail est anobli dans l'opinion des honnêtes gens et où beaucoup de souffrances et de fatigues ne font rien perdre à l'homme de son indépendance et de sa dignité, quand il sait les comprendre.
Plusieurs comprennent: patience avec ceux qui ne comprennent pas!
Je ne m'absente que pour peu de temps, j'espère; mais, de loin ou de près, croyez bien, messieurs, que mon coeur restera avec vous et que votre belle et bonne lettre sera un de mes plus doux souvenirs.
Recevez-en mes remerciements avec l'expression de mon dévouement sincère.
GEORGE SAND.
DLIX
A MAURICE SAND, A GUILLERY
Palaiseau, 18 juin 1801.
Mon Bouli, J'ai reçu ce matin ta lettre de jeudi soir, et, à l'heure qu'il est, tu es encore à Nohant. Celle-ci (de lettre) te trouvera à Guillery, d'où il me tarde bien d'avoir des nouvelles de votre voyage. Ce brave Cocoton va-t-il être étonné de dormir avec ce tapage de chemin de fer, lui qui ne veut pas que sa mère respire trop fort à côté de lui! Ce sera de quoi le corriger; car il faudra bien qu'il prenne son parti de ce vacarme.
On dit dans les journaux qu'il pleut à verse dans toute la France, si bien que je crains que vous ne trouviez pas le beau temps à Guillery. Mais pourtant le baromètre remonte.
Ici, le mauvais temps est supportable. La maison est si gentille et si bien appropriée à tous mes besoins, je suis si bien installée et outillée pour écrire, que je ne m'impatiente pas d'y rester. Hier, il faisait beau, nous avons fait un tour dans le vallon de la petite rivière. La rivière est trouble en ce moment, mais le pays est délicieux. Les gens de la campagne sont tous cultivateurs, propriétaires, franchement paysans et très gentils à la rencontre. Ils vous disent bonjour comme à Gargilesse.
Il y en a qui ont, pour tout avoir, un champ de roses jeté au milieu des champs de blé, et ce champ de rosés embaume à un quart de lieue à la ronde. Je ne sais pas si ce pays serait à ton goût; moi, il me plaît énormément. Il est rustique au possible, ce qui ne i'empêche pas d'avoir un grand style, à cause de ses beaux arbres et de ses verdures immenses.
Jusqu'ici, je ne sais rien de ma dépense, il faut quelques semaines pour s'en rendre compte. Je sais que la table est exquise et que je n'ai jamais si bien mangé. Les fruits et les légumes, dont je vis principalement, sont d'un pays de Cocagne. Si nous avions Nohant en pareille terre, nous serions riches. On se procure au reste ici tout ce qu'on veut comme à Paris, poissons de mer, etc., en s'entendant avec les gens de l'endroit, qui sont serviables au possible. Enfin on ne manque absolument de rien. Ce doit être aussi cher ou peu s'en faut qu'à Paris; mais Lucy me parait une grande économe: elle fait un plat pour quatre jours, et, tous les jours, elle vous le sert tellement transformé, qu'on croit manger du nouveau. Je ne sais de quoi vivent son mari et elle. Si cela dure, c'est merveilleux. Les nouveaux balais swepe vounelo11 comme disait le bon Cauvières12. On m'assure pourtant que ceux-ci dureront, parce qu'ils ont fait leurs preuves ailleurs. Nous verrons bien.
Parlez-moi de vous, de ma Cocote, que je bige mille fois, et de mon Cocoton et de Guillery. Dis mes amitiés à ton père. Bonjour à Marie.
J'ai vu en esprit la délivrance des lérots13 et des poissons. Quelle noce! Ceux-là ne nous regrettent pas, Moi, je cherche un brochet pour nettoyer le petit nymphée, où les grenouilles frayent un peu trop. Je me suis payée hier des pots de fleurs. On va me donner deux canards de Chine pour mon eau. Il y a ici, dans le jardin, un criocère énorme et d'un rouge foncé; c'est un insecte magnifique et très abondant. Je l'appelle criocère СКАЧАТЬ
10
En réponse à une lettre collective des ouvriers de la Châtre, faisant leurs adieux à George Sand, qui allait quitter Nohant, pour s'établir à Palaiseau (Seine-et-Oise).
11
Les nouveaux balais balayent bien.
12
Docteur médecin à Marseille.
13
Genre de petits écureuils que Maurice Sand avait apprivoisés et qui vivaient en cage dans la salle à manger de Nohant, à côté d'un aquarium peuplé de tanches, de vérons et d'épinoches.