Название: Correspondance, 1812-1876 — Tome 5
Автор: Жорж Санд
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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Thuillier et Ramelli étaient folles. Il faut dire qu'elles ont joué admirablement. Ribes n'a pas le même ensemble: il est laid, disgracieux, pas cabotin du tout; mais, par moments, il est si sympathique et si nerveux, qu'il électrise le public et recueille en bloc les bravos que les autres reçoivent en détail. Je vous raconte tout ça pour vous amuser. Si vous voyiez mon calme au milieu de tout ça, vous en ririez; car je n'ai pas été plus émue de peur et de plaisir que si ça ne m'eût pas regardé personnellement, et je ne pourrais pas expliquer pourquoi. Je m'étais préparée à ce qu'il y a de pire, c'est peut-être pour ça que l'inattendu d'un succès si inconcevable, en ce qui me concerne, m'a un peu stupéfiée. Il faut voir le personnel de l'Odéon autour de moi! je suis le bon Dieu. Je dois leur rendre cette justice que, tout le temps des répétitions, ils ont été aussi gentils que le jour de la victoire; que, la veille, ils n'ont pas été pris de la panique ordinaire qui fait qu'on veut mascander4 la pièce parce qu'on a peur de tout. Ils vont faire de l'argent, je l'espère. En ce moment, ils pourraient faire quatre mille francs par soirée; mais ils tiennent à laisser entrer les écoles, beaucoup d'ouvriers, de bourgeois libres penseurs, enfin les amis naturels et ceux qui lancent le succès par conviction. En cela, ils agissent bien, et ils sont honnêtes gens.
Il y a eu ce soir encore un peu de tapage sur la place. On voulait recommencer la promenade d'hier au soir, car je ne savais pas hier quand je vous ai écrit tout ce qui s'était passé. Six mille personnes au moins, les étudiants en tête, ont été à la porte du club catholique et de la maison des jésuites, chanter en fausset: Esprit saint, descendez en nous! et autres cantiques, en moquerie. Ce n'était pas bien méchant; mais, comme tous ces enfants s'étaient grisés par leurs cris et leur queue de douze heures sur la place, on craignait de les voir aller trop loin, et la police les a dispersés. Quelques-uns ont été bousculés, déchirés et menés au poste. Ni coups ni blessures pourtant. On s'attendait à du bruit et on avait consigné deux régiments, avec l'ordre d'être prêts à monter à cheval.
Les jeunes gens avaient résolu de dételer mes chevaux du sapin et de m'amener rue Racine. On a, Dieu, merci, empêché et calmé tout. On a un peu taquiné l'impératrice en lui chantant le Sire de Framboisy. Mais l'empereur a bien agi, il a applaudi la pièce, il est sorti à pied jusqu'à sa voiture, que la foule empêchait d'arriver. Il n'a pas voulu que la police lui fit faire place. On lui en a su gré et on l'a applaudi.
Il devrait bien faire supprimer l'escouade de mouchards qui l'acclament à son entrée, et auxquels les étudiants ont imposé silence hier; je suis sure que, sans elle, toute la salle l'applaudirait.
Les journaux d'aujourd'hui racontent de mille manières ce qui s'est passé hier; mais ce que je vous raconte à bâtons rompus est exact. Aujourd'hui, il y avait dans la salle pas mal de catholiques qui essayaient de prendre des airs dédaigneux et embêtés. Mais ils ne pouvaient pas seulement cracher, et la moindre parole de leur part eût fait éclater une tempête. Décidément tout le monde ne les aime pas, et ils n'oseront pas broncher. Ils se vengeront dans leurs journaux, soit!
J'ai encore un jour ou deux à donner à Villemer; et puis j'ai à voir M. Harmant, et puis la pièce de Dumas, qui vient samedi, et quelques affaires de détail à terminer; l'impression de mon manuscrit de Villemer à livrer, c'est-à-dire la correction d'un manuscrit conforme à la mise en scène. J'espère avoir fini tout cela la semaine prochaine et courir vers vous et mon Coco ton qui pousse bien, j'espère, pendant que je pioche, ce cher petit amour! Je vous bige mille fois. Parlez-moi de vous et de lui.
DL
AU MÊME
Paris, 8 mars 1864
Villemer va toujours merveilleusement. La grande presse est encore plus élogieuse que la petite, et cela sans restriction. Ces messieurs qui m'avaient déclarée incapable de faire du théâtre, me proclament très forte. L'Odéon fait tous les soirs quatre mille francs de location et de cinq à six cents francs au bureau. Il y a file de voitures toute la journée pour retenir les places, puis autre file le soir et queue au bureau.
L'Odéon est illuminé tous les soirs. La Rounat en deviendra fou. Les acteurs sont toujours rappelés entre tous les actes. C'est un succès splendide, et, comme il n'est plus soutenu par personne que le public payant, il est si unanime et si chaud, que jamais les acteurs n'en ont vu, disent-ils, de pareil. Ribes se soutient; le succès lui donne une vie artificielle et le guérira peut-être. Il a des moments où on l'interrompt trois fois par des applaudissements frénétiques comme le premier jour. Les voyageurs qui arrivent à Paris et qui passent le soir devant l'Odéon, font arrêter leur sapin avec effroi et demandent si c'est une révolution, si on a proclamé la République.
La pièce d'Alexandre a été mieux reçue ce soir5; mais elle soulève de l'opposition et n'aura pas de succès. Elle est pourtant amusante et pleine de talent; mais elle scandalise.
Les épreuves de ma photographie n'ont pas encore très bien réussi chez Nadar; j'y retourne demain. M. Harmant vient pour sûr mercredi. Il m'a envoyé une loge pour ce jour-là; car il faut bien que je connaisse son théâtre. Je voudrais aussi voir Villemer, que je n'ai encore fait qu'apercevoir à moitié. J'ai demandé hier trois places, pas une qui ne soit louée jusqu'à samedi.
DLI
M. GUSTAVE FLAUBERT
Paris, 10 mars 1864.
Cher Flaubert, Je ne sais pas si vous m'avez prêté ou donné le beau livre de M. Taine. Dans le doute, je vous le renvoie; je n'ai eu le temps d'en lire ici qu'une partie, et, à Nohant, je n'aurai que le temps de griffonner pour Buloz; mais, à mon retour, dans deux mois, je vous redemanderai ces excellents volumes d'une si haute et si noble portée.
Je regrette de ne vous avoir pas dit adieu; toutefois, comme je reviens bientôt, j'espère que vous ne m'aurez pas oubliée et que vous me ferez lire aussi quelque chose de vous.
Vous avez été si bon et si sympathique pour moi à la première représentation de Villemer, que je n'admire plus seulement votre admirable talent, je vous aime de tout mon coeur.
GEORGE SAND.
DLII
A M. CHARLES DUVERNET, A NEVERS
Nohant, 24 mars 1864.
Mon cher ami, Nous changeons de place pour quelque temps. Mes enfants ne veulent pas habiter Nohant sans moi; ils ont raison et ils me font plaisir. Nous allons tous nous caser auprès de Paris, afin de pouvoir nous occuper de théâtre et d'autres travaux plus réalisables là où nous serons. Nous organisons Nohant sur un bon pied de conservation, afin de pouvoir, tous les ans, y passer une saison tous ensemble. Voilà. Ce n'est pas un départ ni un abandon du pays, ni une séparation de famille, c'est une installation plus légère à porter et à transporter; car nous avons aussi pour l'année prochaine des projets de voyage. Il me semble que vous faites un peu de même en n'habitant pas le Coudray toute l'année. Espérons que nos loisirs de campagne se rencontreront СКАЧАТЬ
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Abîmer.
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