Название: Les grandes espérances
Автор: Чарльз Диккенс
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
isbn:
isbn:
«Je t'assure, mon petit Pip, que c'est on ne peut plus étonnant!»
J'ai des raisons de penser que l'intelligence de Joe s'était éclairée par ce qu'il avait vu, et que, pendant notre trajet jusqu'à la maison de Pumblechook, il avait ruminé et adopté un projet subtil et profond. Mes raisons s'appuient sur ce qui se passa dans le salon de Pumblechook, où nous trouvâmes ma sœur en grande conversation avec le grainetier détesté.
«Eh bien! s'écria ma sœur; que vous est-il arrivé? Je m'étonne vraiment que vous daigniez revenir dans une aussi pauvre société que la nôtre. Oui, je m'en étonne vraiment!
– Miss Havisham, dit Joe en me regardant, comme s'il cherchait à faire un effort de mémoire, nous a bien recommandé de présenter ses… Était-ce ses compliments ou ses respects, mon petit Pip?
– Ses compliments, dis-je.
– C'est ce que je croyais, répondit Joe: ses compliments à Mrs Gargery.
– Grand bien me fasse! observa ma sœur, quoique cependant elle fût visiblement satisfaite.
– Elle voudrait, continua Joe en me regardant de nouveau, et en faisant un effort de mémoire, que l'état de sa santé lui eût… permis… n'est-ce pas, mon petit Pip?
– D'avoir le plaisir… ajoutai-je.
– … De recevoir des dames, ajouta Joe avec un grand soupir.
– C'est bien, dit ma sœur, en jetant un regard adouci à M. Pumblechook. Elle aurait pu envoyer ses excuses un peu plus tôt, mais il vaut mieux tard que jamais. Et qu'a-t-elle donné à ce jeune gredin-là?
– Rien! dit Joe, rien!..»
Mrs Joe allait éclater, mais Joe continua:
«Ce qu'elle donne, elle le donne à ses parents, c'est-à-dire elle le remet entre les mains de sa sœur mistress J. Gargery… Telles sont ses paroles: J. Gargery. Elle ne pouvait pas savoir, ajouta Joe avec un air de réflexion, si J. veut dire Joe ou Jorge.»
Ma sœur se tourna du côté de Pumblechook, qui polissait avec le creux de la main, les bras de son fauteuil, et lui faisait des signes de tête, en regardant alternativement le feu et elle, comme un homme qui savait tout et avait tout prévu.
«Et combien avez-vous reçu? demanda ma sœur en riant.
– Que penserait l'honorable compagnie, de dix livres? demanda Joe.
– On dirait, repartit vivement ma sœur, que c'est assez bien… ce n'est pas trop… mais enfin, c'est assez…
– Eh bien! il y a plus que cela,» dit Joe.
Cet épouvantable imposteur de Pumblechook s'empressa de dire, sans cesser toutefois de polir le bras de son fauteuil:
«Plus que cela, ma nièce…
– Vous plaisantez? fit ma sœur.
– Non pas, ma nièce, dit Pumblechook; mais attendez un peu. Continuez, Joseph, continuez.
– Que dirait-on de vingt livres? continua Joe.
– Mais on dirait que c'est très beau, continua ma sœur.
– Eh! bien, dit Joe, c'est plus de vingt livres.»
Cet hypocrite de Pumblechook continuait ses signes de tête, et dit en riant.
«Plus que cela, ma nièce… Très bien! Continuez, Joseph, continuez.
– Eh bien! pour en finir, dit Joe en tendant le sac à ma sœur, c'est vingt-cinq livres que miss Havisham a données.
– Vingt-cinq livres, ma nièce, répéta cette vile canaille de Pumblechook, en prenant les mains de ma sœur. Et ce n'est pas plus que vous ne méritez. Ne vous l'avais-je pas dit, lorsque vous m'avez demandé mon opinion? et je souhaite que cet argent vous profite.»
Si le misérable s'en était tenu là, son rôle eût été assez abject; mais non, il parla de sa protection d'un ton qui surpassa toutes ces hypocrisies antérieures.
«Voyez-vous, Joseph, et vous, ma nièce, dit-il en me tiraillant par le bras, je suis de ces gens qui vont jusqu'au bout et surmontent tous les obstacles quand une fois ils ont commencé quelque chose. Ce garçon doit être engagé comme apprenti, voilà mon système; engagez-le donc sans plus tarder.
– Nous savons, mon oncle Pumblechook, dit ma sœur en serrant le sac dans ses mains, que nous vous devons beaucoup.
– Ne vous occupez pas de moi, ma nièce, repartit le diabolique marchand de graines, un plaisir est un plaisir; mais ce garçon doit être engagé par tous les moyens possibles, et je m'en charge.»
Il y avait un tribunal à la maison de ville, tout près de là, et nous nous rendîmes auprès des juges pour m'engager, par contrat, à être l'apprenti de Joe. Mais ce qui ne me sembla pas drôle du tout, c'est que Pumblechook me poussait devant lui, comme si j'avais fouillé dans une poche, ou incendié un meuble. Tout le monde croyait que j'avais commis quelque mauvaise action et que j'avais été pris en flagrant délit, car j'entendais des gens autour de moi qui disaient: «Qu'a-t-il fait?» Et d'autres: «Il est encore tout jeune; mais il a l'air d'un mauvais drôle, n'est-ce pas?» Un personnage, à l'aspect bienveillant, alla même jusqu'à me donner un petit livre, orné d'une vignette sur bois, représentant un jeune mauvais sujet, portant un attirail de chaînes, aussi complet que celui de l'étalage d'un marchand de saucisses et intitulé: «POUR LIRE DANS MA CELLULE.»
C'était un endroit singulier, que la grande salle où nous entrâmes. Les bancs me parurent encore plus grands que ceux de l'église. Il y avait beaucoup de spectateurs pressés sur ces bancs, et des juges formidables, dont l'un avait la tête poudrée. Les uns se couchaient dans leur fauteuil, croisaient leurs bras, prenaient une prise de tabac, et s'endormaient. Les autres écrivaient ou lisaient le journal. Il y avait aussi plusieurs sombres portraits appendus aux murs et qui parurent à mes yeux peu connaisseurs un composé de sucre d'orge et de taffetas gommé. C'est là que, dans un coin, mon identité fut dûment reconnue et attestée, le contrat passé, et que je fus engagé. M. Pumblechook me soutint pendant tous ces petits préliminaires, comme si l'on m'eût conduit à l'échafaud.
En sortant, et après nous être débarrassés des enfants, que l'espoir de me voir torturer publiquement avait excités au plus haut point, et qui furent très désappointés en voyant que mes amis m'entouraient, nous rentrâmes chez Pumblechook. Les vingt-cinq livres avaient mis ma sœur dans une telle joie, qu'elle voulut absolument dîner au Cochon bleu, pour fêter cette bonne aubaine, et Pumblechook partit avec sa voiture pour ramener au plus vite les Hubbles et M. Wopsle.
Je passai une bien triste journée, car il semblait admis d'un commun accord que j'étais de trop dans cette fête, et, ce qu'il y a de pire, c'est qu'ils me demandaient tous, de temps en temps, quand ils n'avaient rien de mieux à faire, pourquoi je ne m'amusais pas.
Et que pouvais-je répondre, si ce n'est que je m'amusais beaucoup, quand, hélas! je m'ennuyais à mourir?
Quoi qu'il en soit, ils étaient tous grands, sensés raisonnables et pouvaient faire ce qu'ils voulaient et ils en profitaient. Le vil Pumblechook, à qui revenait l'honneur de tout cela, occupait le haut de la table, et quand il entama son speech sur mon engagement, il eut СКАЧАТЬ