Название: Les grandes espérances
Автор: Чарльз Диккенс
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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Le lendemain, Dolge Orlick était à son travail, quand je rappelai à Joe le congé qu'il m'avait promis. Orlick ne dit rien sur le moment, car Joe et lui avaient justement entre eux un morceau de fer rouge qu'ils battaient pendant que je faisais aller la forge; mais bientôt il s'appuya sur son marteau et dit:
«Bien sûr, notre maître!.. vous n'allez pas accorder des faveurs rien qu'à l'un de nous deux… Si vous donnez au petit Pip un demi-jour de congé, faites-en autant pour le vieux Orlick.»
Il avait environ vingt-quatre ans, mais il parlait toujours de lui comme d'un vieillard.
«Et que ferez-vous d'un demi-jour de congé si je vous l'accorde? dit Joe.
– Ce que j'en ferai?.. Et lui, qu'est-ce qu'il en fera?.. J'en ferai toujours bien autant que lui, dit Orlick.
– Quant à Pip, il va en ville, dit Joe.
– Eh bien! le vieil Orlick ira aussi en ville, repartit le digne homme. On peut y aller deux. Il n'y a peut-être pas que lui qui puisse aller en ville.
– Ne vous fâchez pas, dit Joe.
– Je me fâcherai si c'est mon plaisir, grommela Orlick. Allons, notre maître, pas de préférences dans cette boutique; soyez homme!»
Le maître refusa de continuer à discuter sur ce sujet jusqu'à ce que l'ouvrier se fût un peu calmé. Orlick s'élança alors sur la fournaise, en tira une barre de fer rouge, la dirigea sur moi comme s'il allait me la passer au travers du corps, lui fit décrire un cercle autour de ma tête et la posa sur l'enclume, où il se mit à jouer du marteau, il fallait voir, comme si c'eût été sur moi qu'il frappait, et que les étincelles qui jaillissaient de tous côtés eussent été des gouttes de mon sang. Finalement, quand il eut tant frappé qu'il se fut échauffé et que le fer se fut refroidi, il se reposa sur son marteau et dit:
«Eh bien! notre maître?
– Êtes-vous raisonnable maintenant? demanda Joe.
– Ah! oui, parfaitement, répondit brusquement le vieil Orlick.
– Alors, comme en général vous travaillez aussi bien qu'un autre, dit Joe, ce sera congé pour tout le monde.»
Ma sœur était restée silencieuse dans la cour, d'où elle entendait tout ce qui se disait. Par habitude, elle écoutait et espionnait sans le moindre scrupule. Elle parut inopinément à l'une des fenêtres.
«Comment! fou que tu es, tu donnes des congés à de grands chiens de paresseux comme ça! Il faut que tu sois bien riche, par ma foi, pour gaspiller ton argent de cette façon! Je voudrais être leur maître…
– Vous seriez le maître de tout le monde si vous l'osiez, riposta Orlick avec une grimace de mauvais présage.
– Laissez-la dire, fit Joe.
– Je pourrais être le maître de tous les imbéciles et de tous les coquins, repartit ma sœur, et je ne pourrais pas être le maître de tous les imbéciles sans être celui de votre patron, qui est le roi des buses et des imbéciles… et je ne pourrais pas être le maître des coquins sans être votre maître, à vous, qui êtes le plus lâche et le plus fieffé coquin de tous les coquins d'Angleterre et de France. Et puis!..
– Vous êtes une vieille folle, mère Gargery, dit l'ouvrier de Joe, et si cela suffit pour faire un bon juge de coquins, vous en êtes un fameux!
– Laissez-la tranquille, je vous en prie, dit Joe.
– Qu'avez-vous dit? s'écria ma sœur en commençant à pousser des cris; qu'avez-vous dit? Que m'a-t-il dit, Pip?.. Comment a-t-il osé m'appeler en présence de mon mari?.. Oh!.. oh!.. oh!..»
Chacune de ces exclamations était un cri perçant. Ici, je dois dire, pour rendre hommage à la vérité, que chez ma sœur, comme chez presque toutes les femmes violentes que j'ai connues, la passion n'était pas une excuse, puisque je ne puis nier qu'au lieu d'être emportée malgré elle par la colère, elle ne s'efforçât consciencieusement et de propos délibéré de s'exciter elle-même et n'atteignit ainsi par degrés une fureur aveugle.
«Comment, reprit-elle, comment m'a-t-il appelée devant ce lâche qui a juré de me défendre?.. Oh! tenez-moi!.. tenez-moi!..
– Ah! murmura l'ouvrier entre ses dents, si tu étais ma femme, je te mettrais sous la pompe et je t'arroserais convenablement.
– Je vous dis de la laisser tranquille, répéta Joe.
– Oh! s'entendre traiter ainsi! s'écria ma sœur arrivée à la seconde période de sa colère, oh! s'entendre donner de tels noms par cet Orlick! dans ma propre maison!.. Moi! une femme mariée!.. en présence de mon mari!.. Oh!.. oh!.. oh!..»
Ici, ma sœur, après avoir crié et frappé du pied pendant quelques minutes, commença à se frapper la poitrine et les genoux, puis elle jeta son bonnet en l'air et se tira les cheveux. C'était sa dernière étape avant d'arriver à la rage. Ma sœur était alors une véritable furie; elle eut un succès complet. Elle se précipita sur la porte qu'heureusement j'avais eu le soin de fermer.
Que pouvait faire Joe après avoir vu ses interruptions méconnues, si ce n'est de s'avancer vers son ouvrier et de lui demander pourquoi il s'interposait entre lui et Mrs Joe, et ensuite s'il était homme à venir sur le terrain. Le vieil Orlick vit bien que la situation exigeait qu'on en vînt aux mains, et il se mit aussitôt sur la défensive. Sans prendre seulement le temps d'ôter leurs tabliers de cuir, ils s'élancèrent l'un sur l'autre comme deux géants, mais personne, à ma connaissance du moins, n'aurait pu tenir longtemps contre Joe. Orlick roula bientôt dans la poussière de charbon, ni plus ni moins que s'il eût été le jeune homme pâle, et ne montra pas beaucoup d'empressement à sortir de cette situation piteuse. Alors Joe alla ouvrir la porte et ramassa ma sœur, qui était tombée sans connaissance près de la fenêtre (pas avant toutefois d'avoir assisté au combat). On la transporta dans la maison, on la coucha, et on fit tout ce qu'on put pour la ranimer, mais elle ne fit que se débattre et se cramponner aux cheveux de Joe. Alors suivit ce calme singulier et ce silence étrange qui succèdent à tous les orages, et je montai m'habiller avec une vague sensation que j'avais déjà assisté à une pareille scène, que c'était dimanche et que quelqu'un était mort.
Quand je descendis, je trouvai Joe et Orlick qui balayaient, sans autres traces de leur querelle qu'une fente à l'une des narines d'Orlick, ce qui était loin de l'embellir, et ce dont il aurait parfaitement pu se passer. Un pot de bière avait été apporté des Trois jolis bateliers, et les deux géants se la partageaient de la manière la plus paisible du monde. Ce calme eut sur Joe une influence sédative et philosophique. Il me suivit sur la route pour me faire, en signe d'adieu, une réflexion qui pouvait m'être utile:
«Du bruit, mon petit Pip, et de la tranquillité, mon petit Pip, voilà la vie!»
Avec quelles émotions ridicules (car nous trouvons comiques chez l'enfant les sentiments qui sont sérieux chez l'homme fait), avec quelles émotions, dis-je, me retrouvais-je sur le chemin qui conduisait chez miss Havisham! Cela importe peu. Il en est de même du nombre de fois que je passai et repassai devant la porte avant de pouvoir prendre sur moi de sonner. Il importe également fort peu que je raconte comment j'hésitai si je m'en СКАЧАТЬ