Journal du corsaire Jean Doublet de Honfleur, lieutenant de frégate sous Louis XIV. Doublet Jean
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СКАЧАТЬ le feroit tenir tout près pour ne me pas retarder d'un moment, et puis il s'adressa au secrétaire de l'évesque luy disant: «Votre seigneur Evesque est mon parent et mon amy; je vous consseille de vous débarquer après la quarantaine et d'aler à Lisbonne où vous aurez occasion d'un plus gros bastiment». Mr de Saa luy repliqua: «Monsieur, sy vous saviez ce qui nous est arivé avec un navire turc et comme mon capitaine a agy à me délivrer de la captivité vous seriez surpris, et vous mesmes ne me conseillerez pas de le quitter». Et luy conta en racourci l'histoire, et dont Mr le Marquis me donna des louanges et qu'il m'avoit cy-devant connu quant j'échapay les deux saletins, et qu'il feroit de son mieux pour nous contenter et il me fit engager par notre consul cinq matelots, qui s'étoient trouvés échoués dans une tartane, à l'entrée de Caminie. Attendant ma quarantaine finie, je receu les provisions du contenu en mon mémoire et le secrétaire fit faire provision de volailles et moutons sans les présents de Mr le Marquis et des nonnes que j'en avois ma chambre remplie. Je livray une lettre de change sur Mr Desgranges au secrétaire de Mr le Marquis pour le montant de ce qu'il avoit fourny en argent et vivres, et le remerciasmes très fort de toutes ses bontées. Mr de Saa luy voulut aussy payer comptant ce qu'il avoit receu, mais Mr le Marquis n'en voulut rien recevoir, s'excusant qu'il s'acomoderoit bien avec le seigneur évesque son cousin. Et la 39e journée de notre détention, comme il faisoit un tems très-favorable pour sortir le port et la barre, obtinmes notre congé étant tous en bonne santé, et en sept jours nous arrivasmes à Angra, ville capitale des Assores, où l'on nous croyoit péris ou esclaves, et ce fut des joyes de nous y voir. Mr de Saa en étoit originaire et sa famille qui étoit des plus considérables dans l'ille, après qu'il fut débarqué et raconté nos advantures j'estois caressé et estimé d'un chacun; j'estois acablé de présents de table sans ce qui m'en restoit du départ de Vienna. Ayant en trois jours débarqué ce qui étoit pour le seigneur évesque et secrétaire, je party pour me rendre à l'ille du Fayal et y arriva au landemain n'y ayant que 30 lieux de distance, et au Fayal je trouvay des ordres d'y recevoir seulement 64 caisses du sucre et ensuitte aler à l'ille de Madère y recevoir le reste de mon chargement à 250 lieues éloigné, et fus 17 jours à m'y rendre, et en dix jours j'eus fait mes expéditions. Et ayant party en faisant ma route pour me rendre à Cadix, me trouvant 7 à 8 lieux dans le Nord-Est de Porto-Santo60, le calme me prit, j'aperceus à une portée de mousquet de mon bord un grand frémillement de la mer, comme d'une forte marée; mes gens croyoient que c'étoit un lit de poissons, cela ne me contenta pas. Je fis mettre la chaloupe à la mer et m'y embarquay avec une ligne et un plomb pour sonder, et en étant proche je trouvay 13 à 14 brasses d'eau, et avançant je ne trouvay plus que onze pieds d'eau et rochers. Je trouvay une grande vergue d'un gros vaisseau qui avoit plus de 60 pieds en longueur taillée sur les 16 carres excepté au bout; sa poulie de grande drisse étoit à trois roüets de gayac et la cheville ayant 7 pouces en grosseur, j'eus de la peine à atirer cette vergue le bout d'un de ses bras étoit acroché au fond ou au corps du vaisseau, et aussy la grande drisse, j'eus peine de les couper et l'entrainay le long de notre bort, mais impossible de la pouvoir embarquer et je n'en eut que la grosse poulie et celle d'un dormant d'un bras; il survint du vent et poursuivi ma route. Cets de cette découverte que Mr Bougard me cite dans son livre intitulé: Le petit Flambeau de mer61.

      (1682). J'arivé dans la baye de Cadix le 8e janvier; je fust à terre trouver M. notre consul, qui me demanda sy je savois que la peste y estoit, Je luy dits que non. – «A qui estes-vous adressé?» Je luy dits; il m'y fit conduire. C'étoit à M. Bonfily et Gualanduchy, marchands génois, qui me dirent: «Hé mon Dieu, mon capitaine, retournés au plus vitte à votre bord et mettez soubs voille la peste est icy. Alez-vous en dans la rivière de Siville, où nous vous envoirons des ordres.» Et je part sur-le-champ et mits à la voille, et à minuit j'étois à l'ouvert de cette rivière, et je fist revirer de bord alant vers la mer, atandant que le jour paruts. J'étois extrêmement las et fatigué. Je dits à mon pilote, à qui c'étoit à luy de veiller, de continuer d'aler au large jusqu'au point du jour, mais il n'en eut pas la patience. Sur les deux heurres il fit revirer de bord pour nous aprocher de l'entrée, pendant que je dormois d'un profond sommeil, et sur les trois heures je fus réveillé en sursault, sentant notre navire sauter sur les roches et d'entendre crier: «Nous sommes péris.» Et sortant de ma chambre tout effrayé, je crie: «Ameine les voilles.» Mais je ne trouvay de tout mon équipage qu'un garçon qui me servoit dans ma chambre. Mon coquin de pillotte qui étoit Anglois de nation s'estant jetté dans ma chaloupe avec mes matelots m'abandonnèrent avec ce seul garçon, fils du capitaine Pelvey, d'Honfleur. Et je criay à force de voix à ceux de mon équipage que lorsqu'ils seroient arrivés à terre de m'envoyer la chaloupe et quelque bateau du pays pour me secourir et le navire s'il se peut faire. Je restay ainssy ne sachant mon dernier moment, le navire à demy plein d'eau jusqu'à dix heures du matin, lorsqu'il vint deux barques espagnolles, qui avoient party exprès de San-Lucar de Baraméda, entrée de la rivière de Siville. J'avois avant leur arrivée coupé tous les mâts de crainte que le navire ne se fut ouvert et dépiéssé. Les deux barques sitôt arrivées attachèrent un câble sur le navire, et leurs équipages sautèrent dans mon bord et pillèrent toutes mes hardes dans ma chambre et ce qu'ils purent enlever, après quoy déployèrent leurs voilles la mer ayant monté, et arachèrent le navire de dessus le banc de rochers nommé les salmedives de Chipionne62. Je restay seul dans le navire et lorsqu'il fut hors du banc, il s'enfonssa jusqu'à l'ung des bords. Et cependant les deux barques l'entraîsnèrent dans la rivière de Séville vis-à-vis la chapelle de Bonance où résidoit un moine de l'ordre de St-Jérôme qui me fit conduire dans sa chambre éloignée d'une demie lieue de San-Lucar, dont le consul nommé Jean Boulard, de Bayosne, qui avoit pris le nom de Jean de Hiriarte me vint trouver et promettre tout le secours qui dépendroit de luy. Je me trouvay dénué d'argent, de linge et de hardes. Il m'avanssa dix pistoles pour me réquiper simplement, et aux marées basses l'on sauva bien des sucres, mais à demy fondus et marinés.

      Et me trouvant dénüé et ne savoir de quel costé tourner, le sieur Hiriarte me proposa d'aler pour marchand sur une sienne tartane, le patron Louis Gazen, seulement armé d'un petit canon de fonte, dix périer et 14 hommes d'équipage pour aller aux isles de Canaries négossier. J'acxeptai le party sans beaucoup réfléchir aux grands risques qu'il y avoit d'estre pris et esclave des Salletins qui reignent souvent vers ces illes. Je party de San-Lucar le 9 de janvier. Le dix janvier63 le lendemain de notre départ sur la tartanne le St-Anthoine du port de 70 thoneaux armées d'un moyen canon de fonte de trois livres de balle et dix pieriers de fer, quatorze hommes d'équipage et un passager espagnol revenu depuis peu des Indes du Pérou, et moy, composions en tout seize y compris un jeune mousse, le patron intéressé à la dite tartanne nommé Louis Gazan, du Martigue en Provence. En faisant notre route pour les illes Canaries jusqu'au dix de janvier sur le Midi nous fusmes d'un très grand calme et nous (nous) trouvions estre à la hauteur de Cadix environ trentre lieux dans le oüest, et nous aperceusmes environ à trois lieux de nous, un bastiment qui à ses voilles nous le reconnusmes pour estre une seitie, sorte d'embarcations qu'on ne fabrique qu'aux costes de la Méditerranée, laquelle nous jugions venir de Portugal pour aler dans le détroit de Gibraltar. Mais nous apercevant qu'elle nous approchait promptement quoyque sans aucun souffle de vent, je prits des lunettes d'approche. Je découvrits qu'elle servoit d'un grand nombre de rames et que sa chaloupe la nageoit à son avant, ce qui me donna beaucoup à penser, vü qu'un tel bâtiment en marchandise ne peut avoir autant de rameurs, et qu'étant en paix excepté les Salletins, je ne savois que préjuger. Et en discourant de la sorte toute notre équipage vouloient assurer que jamais aucun Saletins ne se servoient de ces sortes de bâtiments, mais bien les Argérins (Algériens) qui ne sortoient jamais le détroit avec telles embarcations. Et mon espagnol s'assurant sur leurs discours me dits: «Vous ressemblées à notre Dom Quixotte qui se fait avanture de tout ce qu'il voyoit»; sur ce qu'il me voyoit opiner fortement pour nous disposer au combat. Et je me rendit maistre absolu et commencey par bien charger notre unique canon avec les dix pieriers, ayant remply de mitraille par dessu leur charge. Nous avions en outre huit gros mousquets comme СКАЧАТЬ



<p>60</p>

Ile de l'Afrique portugaise, une des îles Madère.

<p>61</p>

On lit, en effet, dans le Petit Flambeau de la Mer, p. 379:

Remarque nouvellement découverte.

«Le sieur François Doublet d'Honfleur, m'a dit que lorsqu'il commandoit une petite Frégate en course contre les Hollandois et Espagnols, qu'étant à trois lieuës au Nord-Est du milieu de l'Isle de Porto-Sancto, il se seroit trouvé sur un Banc de Roches, où il n'avoit au plus profond que 13 pieds d'eau, et qu'il y trouva encore quelque debris d'un Navire qui y avoit été perdu, et que ce Banc est de la longueur d'un Cable en largeur, et autant en longueur; c'est à quoi ceux qui naviguent à cet endroit doivent avoir égard.»

<p>62</p>

Chipiona, à l'embouchure du Guadalquivir.

<p>63</p>

Ce qui suit jusqu'au paragraphe commençant par ces mots: «Et le 27e j'arivé…» forme un supplément dans le manuscrit. Le feuillet placé entre les pages 28 et 29 porte la note suivante: «Ayant égaré une feuille dans l'original de ce voyage, ce qui m'a fait y adiouter cette page pour renvoyé avant mon arrivée à Ténérif, sur ce qui m'arriva le jour d'après mon départ de St-Lucar.»