Œuvres complètes de lord Byron, Tome 7. George Gordon Byron
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СКАЧАТЬ Je suis Grecque, comment aurais-je peur de la mort? je suis esclave, pourquoi redouterais-je l'instant de ma liberté?

SARDANAPALE

      Cependant, tu viens de pâlir?

MIRRHA

      C'est que j'aime.

SARDANAPALE

      Et moi? Je t'aime plus, – bien plus que tout ce que m'offrent cette courte vie, cet immense royaume, également menacés; – cependant, je ne pâlis pas.

MIRRHA

      Cela prouve que tu n'aimes ni toi-même ni moi; car celui qui aime un autre s'aime lui-même, quand ce ne serait que pour cela. Ce que je vois est trop révoltant: des royaumes et des vies ne doivent pas être ainsi sacrifiés.

SARDANAPALE

      Sacrifiés! – Et quel est donc l'ambitieux qui tenterait de les conquérir?

MIRRHA

      Magnanime courage en effet! Quand celui qui les gouverne s'oublie lui-même, est-ce à eux de le lui rappeler?

SARDANAPALE

      Mirrha!

MIRRHA

      Ne fronce pas ainsi le sourcil: trop souvent j'ai recueilli ton sourire pour que la seule expression de ton courroux ne soit pas à mes yeux plus amère que le châtiment le plus cruel. – Roi, je suis ta sujette; maître, je suis ton esclave! homme, je t'ai aimé! – aimé, j'ignore par quelle fatale faiblesse, bien que la Grèce soit ma patrie, et que j'aie sucé la haine des rois. – Esclave, je devrais haïr les chaînes; Ionienne, je me sens, en aimant un étranger, plus avilie encore par cette passion que par l'esclavage! pourtant, je t'ai aimé. Si cet amour a eu le pouvoir d'étouffer tous les premiers sentimens de la nature, dis-moi, ne peut-il réclamer le privilége de te sauver?

SARDANAPALE

      Me sauver, ma belle maîtresse! Tu es mille fois trop belle; et ce que j'implore de toi, c'est ton amour, et non ta protection.

MIRRHA

      Et quelle sécurité peut exister loin de l'amour?

SARDANAPALE

      Je parle de l'amour des femmes.

MIRRHA

      La première source de la vie humaine jaillit du sein de la femme; vos premiers bégaiemens sont recueillis de ses lèvres, elle tarit vos premières larmes, elle recueille trop souvent vos derniers soupirs alors que les hommes ont déposé l'ignoble soin de garder la dernière heure de celui qui les commandait.

SARDANAPALE

      Ma sublime Ionienne! tes accens sont de la mélodie; c'est le chœur de ces tragédies dont je t'ai entendu parler comme du plaisir favori de tes antiques aïeux. Va, ne pleure pas, – calme-toi.

MIRRHA

      Je ne pleure pas. – Mais, je te prie, ne parle jamais de mes pères ou de ma patrie.

SARDANAPALE

      Pourtant, tu en parles souvent toi-même.

MIRRHA

      Oui, je l'avoue, l'opiniâtre pensée se fait souvent jour, malgré moi, dans mes paroles; mais quand un autre parle de la Grèce, il m'offense.

SARDANAPALE

      Eh bien donc, comment voudrais-tu me sauver, comme tu parles?

MIRRHA

      En t'apprenant à te sauver toi-même; et non pas toi seul, mais ton vaste empire, de la rage de la plus cruelle guerre-la guerre des concitoyens.

SARDANAPALE

      Ignores-tu donc, mon enfant, que j'ai en horreur et la guerre et les guerriers? Je vis dans la paix et les plaisirs: que peut-on exiger de plus d'un homme?

MIRRHA

      Hélas! seigneur, il faut trop souvent montrer à la multitude l'apparence de la guerre, pour obtenir les bienfaits de la paix; et, pour un roi, il vaut bien mieux être craint qu'aimé.

SARDANAPALE

      Je n'ai jamais recherché que ce dernier sentiment.

MIRRHA

      Et l'un et l'autre t'est échappé.

SARDANAPALE

      Est-ce toi, Mirrha, qui parles ainsi?

MIRRHA

      Je parle de l'amour populaire, amour égoïste, qui témoigne toujours que les hommes sont gouvernés par la crainte et par les lois, sans pourtant être opprimés; – du moins ne le supposent-ils pas. Ou, s'ils l'imaginent, ils le jugent nécessaire pour les préserver d'une tyrannie plus cruelle, celle de leurs passions. Pour un roi de fête, de fleurs, de vin, de banquets, d'amour et d'allégresse, jamais il ne sera un roi de gloire.

SARDANAPALE

      Gloire! Qu'est-ce que cela?

MIRRHA

      Demande-le aux dieux tes ancêtres.

SARDANAPALE

      Ils ne me répondront pas; quand les prêtres parlent pour eux, c'est pour obtenir quelques collectes nouvelles pour leurs temples.

MIRRHA

      Vois les annales des fondateurs de ton empire.

SARDANAPALE

      Elles sont tellement souillées de sang, que cela m'est impossible; mais que prétendrais-tu? L'empire a été fondé; je ne puis fonder empire sur empire.

MIRRHA

      Conserve du moins le tien.

SARDANAPALE

      Quoi qu'il arrive, j'en veux jouir. Viens, Mirrha, avance vers l'Euphrate, l'heure nous invite, la barque est prête, et le pavillon disposé pour notre retour après nous avoir offert la décoration d'un nocturne banquet, offrira à nos yeux ravis un globe lumineux, tel qu'un astre opposé aux étoiles célestes qui marcheront sur nos têtes; et cependant nous reposerons couronnés de fleurs, semblables-

MIRRHA

      A des victimes.

SARDANAPALE

      Non, non, mais comme ces souverains rois pasteurs, des tems reculés, qui ne connaissaient pas de plus brillantes pierreries que les guirlandes de l'été, et dont les triomphes ne coûtaient jamais de larmes. Allons.

(Entre Pania.)PANIA

      Vive à jamais le roi!

SARDANAPALE

      Pas une heure après qu'il aura cessé d'aimer. Combien je hais ce langage, qui, faisant de la vie un mensonge, ose flatter la fragile poussière, de l'espoir de l'éternité! Eh bien, Pania, sois bref.

PANIA

      Je suis chargé par Salemènes de renouveler au roi sa prière, de ne pas, au moins pour aujourd'hui, sortir du palais: quand le général reviendra, il donnera des motifs capables de justifier sa hardiesse, et peut-être lui feront-ils obtenir le pardon de sa présomption.

SARDANAPALE

      Eh quoi! suis-je donc cerné? Suis-je déjà captif? Ne puis-je même respirer l'air du ciel? Dis au prince Salemènes que, toute la Syrie se pressât-elle en fureur et par millions autour de ces murailles, je sortirais.

PANIA

      Je dois obéir, et cependant-

MIRRHA

      De grâce, roi, écoute. – Combien de jours et de nuits es-tu resté renfermé dans ces murs, dans des robes de soies; combien de fois refusas-tu de te montrer aux vœux du peuple; laissant tes sujets privés de ta vue, les satrapes libres de le tourmenter, les dieux privés de leur culte, tout enfin dans l'anarchie, produit de ton indolence; tout, dans ton royaume assoupi, excepté le génie du mal! Et maintenant tu ne peux demeurer un seul jour, un jour d'où ton salut dépend? Oh! n'accorderas-tu pas au petit nombre de ceux qui te sont encore fidèles quelques heures pour eux, pour toi, СКАЧАТЬ