Название: Le canon du sommeil
Автор: Paul d'Ivoi
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
isbn:
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– Oh! mon frère, le change est facile à Boulogne, où vos compatriotes apportent l’aisance et se montrent généreux pour nous.
Je m’inclinai. Elle me devenait sympathique cette «Épouse du Ciel» qui glorifiait la générosité britannique.
Je sortis mon portefeuille.
À ce moment, la sœur s’adressa au gérant:
– Vous seriez tout a fait aimable de me précéder chez le voyageur voisin. Je souhaite réduire au minimum le temps que je vous oblige à perdre.
Le «manager» s’inclina et alla frapper à la porte voisine dans le corridor.
Je déposai une bank-note de cinq livres (125 francs) dans l’aumônière noire que me présentait la quêteuse.
Celle-ci me remercia d’une inclination de la tête, puis me tendant un papier plié:
– Acceptez le remerciement des Rédemptionnistes… La prière qui y est jointe est toujours exaucée par Celui qui, ignorant la haine, est tout amour.
Et elle sortit lentement, me laissant avec mon papier à la main.
Quand on n’a rien à faire, on lit avec avidité tous les papiers qui tombent sous la main. Je dépliai donc celui que je tenais de la religieuse et…
Et les Rédemptionnistes de Pont-de-Briques ne se douteront jamais de l’émotion stupéfaite qui envahit Max Trelam, correspondant réputé du Times.
J’avais sous les yeux quelques lignes manuscrites d’une écriture qui m’était à présent familière.
C’était l’écriture élégante de la Tanagra.
Et je lus ceci:
«Aussitôt qu’au cours de ma quête, je serai entrée chez M. Agathas Block, profitez de ce que je le mettrai, durant quelques minutes, dans l’impossibilité de vous surveiller, pour sortir sans bruit.
«Traversez la cuisine, la courette qui est en arrière. Il existe là une porte sur une ruelle. Tournez à gauche. Cinquante mètres plus loin vous verrez une porte rougeâtre dans la muraille de droite. Frappez-y trois coups. Elle s’ouvrira. Après laissez-vous guider.
La délivrance annoncée se présentait de la façon la plus inattendue.
Mais l’instant n’était pas aux exclamations, il fallait agir.
La religieuse… en était-ce une? avait laissée ma porte entr’ouverte, comme pour me faciliter ma tâche. En m’approchant, je pouvais l’entendre aller de chambre en chambre, avec le gérant qui, décidément, marquait un zèle louable à l’endroit de l’hôpital de Pont-de-Briques.
Elle pénétrait à ce moment chez les voyageurs voisins d’Agathas Block.
Il fallait me tenir prêt.
J’enlevai ma valise et la posai sur le plancher auprès de moi.
Une minute… La Rédemptionniste est de nouveau dans le corridor, précédée du gérant qui frappe à l’huis de mon persécuteur, avec les mêmes toc toc respectueux, je le constate, que ceux qui m’avaient favorablement disposé tout à l’heure.
Ils entrent. Ils sont entrés. La porte se referme. La voie est libre.
Je me coule dehors, le cœur battant… Tout va bien, je descends l’escalier. Je me jette à travers la cuisine, où les marmitons me regardent ébahis. Je suis dans la courette, dans la ruelle.
À gauche, m’a dit le billet… Je vais de ce côté, je cours. Une porte rougeâtre se découpe dans la muraille qui borde la voie à ma droite. Je m’arrête, je frappe trois coups.
Le battant tourne sur ses gonds. Je me précipite dans un jardin fruitier et, l’issue refermée, je m’arrête interloqué, devant une robuste Boulonnaise en jupon court, en casaque de futaine, qui me dit tranquillement:
– Que le monsieur anglais me suive. La voiture est attelée. Il sera à Pont-de-Briques dans un petit quart d’heure.
– Ah! balbutiai-je sottement, nous allons donc à Pont-de-Briques?
Heureusement, mon interlocutrice n’y entendit pas malice.
– Nous, non. Le monsieur y va, ça c’est sûr. Mais moi, je reste à la maison. Qu’est-ce que mon homme dirait si je me «trimbalais» en voiture avec un monsieur.
J’eus l’air de frémir à la pensée de ce que dirait cet homme et je traversai le jardin, dans les pas de la commère. Par un portillon à claire voie, nous passâmes dans une cour pavée. Entre les pierres poussaient des herbes folles.
Mais, une berline, attelée de deux vigoureux chevaux stationnait là, semblant étonnée de se trouver en pareil lieu.
La Boulonnaise me poussa dans le véhicule, veilla à ce que ma valise fût bien posée en équilibre sur la banquette du devant.
– Vous êtes mille fois bonne, madame, crus-je devoir prononcer.
La femme me regarda avec un gros rire.
– Bon la dame de monsieur a payé à la largesse; ça ne serait mie honnête de faire mal l’ouvrage.
La dame de monsieur! Qui appelait-elle ainsi? Je crois bien que je sentis une rougeur monter à mes joues en songeant que ce pourrait bien être miss Tanagra.
Ma dame… elle… Cela ne me révoltait certainement pas. Alors que signifiait l’émotion qui m’avait envahi?
Je me le demandais encore, quand la commère s’adressant au cocher immobile sur le siège:
– Vas-y, mon fieu! Et bon train… La route est large.
La porte charretière était ouverte, sans que je susse par qui, ni comment.
Le cocher toucha ses chevaux; l’équipage se prit à rouler, m’emportant vers Pont de Briques et… dans l’inconnu.
XI. LE CŒUR A SES RAISONS!
Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable.
J’en étais la preuve respirante, ambulante et constante.
Né sincère jusqu’à la brutalité, il semblait que mon âme ne brûlât de se donner qu’à des êtres, entraînés par les nécessités de l’espionnage, aux antipodes de la sincérité. Je me faisais l’effet d’un sujet anglais, désireux immensément de se marier à l’une des jolies créoles de notre colonie de la Trinité, et qui pour atteindre ce résultat agréable, s’évertuerait à n’offrir son cœur qu’à des Chinoises.
Ceci ne veut pas dire que les Chinoises sont méprisables, loin de là. Je me souviens qu’autour de Pékin, lorsque le Times m’y envoya à l’occasion de l’Affaire des Jades Rouges, je fus surpris par la grâce et la beauté délicate des ladies ambrées de la région.
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