Le canon du sommeil. Paul d'Ivoi
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Название: Le canon du sommeil

Автор: Paul d'Ivoi

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ dont je précipitai les morceaux à la mer, et me voici parcourant le pont, à la recherche de la Mrs. Dillyfly.

      Au passage, j’aperçus Agathas Block debout près de la coupée. Me vit-il? Je le suppose; mais il n’en fit rien paraître et continua de regarder dans la direction du port, dont les feux et même les réverbères devenaient perceptibles dans la nuit.

      J’avais parcouru le navire de bout en bout. Le renflement d’un bar-buffet me masquait l’endroit où j’avais laissé Agathas.

      Soudain une porte du bar s’ouvrit, jetant sur le pont une bande lumineuse, et, dans cette clarté, apparut celle que je cherchais.

      D’un mouvement rapide, elle écarta le voile bleu qui masquait son visage; dans l’auréole de tulle, j’aperçus les traits de la «Tanagra».

      Preste, elle porta l’index à ses lèvres, dans le geste éloquent du silencieux Harpocrate, puis me frôlant au passage, son voile déjà retombé sur l’adorable vision, elle murmura:

      – Pas un mot… Ce serait nous condamner.

      Et comme je demeurais stupide, médusé, elle disparut sans que je pusse m’expliquer comment.

      Seulement à présent, toutes mes hésitations avaient cessé. C’était elle qui me débarrasserait d’Agathas… Je ne me sentais aucune répugnance à lui vouer un sentiment de gratitude.

      Par pensée réflexe, je songeai à la pensionnaire de l’institution Trilny, mais ma conviction de la ressemblance parfaite entre l’élève disparue et la Tanagra ne m’apparut plus aussi absolue.

      La sirène meuglait, annonçant l’entrée de la «Marguerite» dans le port. Le steamer en effet embouquait le chenal entre les estacades.

      J’entrai au bar, je fis prix avec un des barmen pour qu’il portât ma valise à l’hôtel Royal, puis tranquille de ce côté, je me dirigeai vers la «coupée», où déjà se pressaient les passagers pressés de débarquer.

      Agathas Block me regardait venir.

      Quand je fus auprès de lui, il demanda paisiblement, du ton d’un personnage qui continue une conversation amicale, ce qui démontrait de sa part une inconscience déplacée.

      – Eh bien, mon cher grand confrère… Consentez-vous à me permettre de me tailler un gilet dans votre manteau de gloire?

      – Il le faut bien, répondis-je affectant la résignation.

      – Quoi vraiment?

      – Je descends à l’hôtel Royal, où je ne me fâcherai pas de vous voir.

      – Nous ferons route ensemble.

      – Si vous le désirez.

      Ma facilité sembla l’inquiéter. Il me considéra en-dessous.

      – Oh! oh! reprit-il entre haut et bas… Vous supposez donc que vous pourrez me «semer»?

      – Vous êtes indiscret, mon cher confrère. Je vous autorise à être mon ombre, selon votre heureuse expression; mais je n’ai pas à confier ma pensée à une ombre.

      Cela provoqua chez lui un éclat de rire sonore.

      – Rien… bien… L’important est que nous marchions de conserve sans nous quereller. Je pense d’ailleurs que vous ne réussirez pas à m’échapper… Oh! je ne doute pas de votre adresse; mais je suis certain de la mienne.

      Et avec abandon:

      – Au surplus, vous me remercierez à un moment donné; car je vous ferai voir quelque chose qu’il vous serait impossible de voir sans moi.

      Il passa familièrement sa main sous mon bras.

      – Vous permettez. Je craindrais de vous égarer dans la bousculade du débarquement. Vous m’avez bien dit que vous descendiez à l’hôtel Royal et je ne mets pas en doute votre affirmation. Seulement, cela est votre volonté en ce moment. Rien ne prouve que, séparé de moi, votre volonté ne se modifierait pas.

      Il était à gifler, positivement!

      Mais je me remémorai le proverbe commun aux «amis» des deux rives de la Manche:

      – Le meilleur rire est à celui qui rit le dernier, côté anglais, et du côté français: Rira bien qui rira le dernier.

      La promesse de miss Tanagra m’assurait le meilleur rire. Quand on sait cela, il devient aisé de montrer la patience, jusqu’à un degré angélique.

      Sans doute, Agathas Block me trouva, trop angélique, car il avança les lèvres en une moue grimaçante, hocha la tête d’un air ennuyé et se cramponna plus étroitement à mon bras. De toute cette mimique, j’affectai de ne me point apercevoir, ce qui redoubla l’inquiétude de mon compagnon.

      Nous arrivions au débarcadère. Les amarres lancées aux hommes courant sur le quai s’enroulaient autour des «canons» de fonte, fichés dans la maçonnerie. Le capitaine du steamer, barrant la coupée de son corps, contenait les passagers trop pressés.

      Enfin le steam ne bougea plus, la passerelle glissa, reliant le pont au quai, et le commandant prononça:

      – À votre disposition, gentlemen et ladies.

      À ce moment, deux barmen s’approchèrent de nous. Chacun portait une valise, dont l’une m’appartenait. Je compris que l’autre avait pour propriétaire l’ennuyeux Agathas Block, qui avait, tout comme moi, engagé un porteur au bar.

      Nous dîmes en même temps:

      – À l’hôtel Royal!

      – Les garçons répliquèrent:

      – Yes.

      Et pointant les valises ainsi que des béliers antiques, ils parcoururent la passerelle, au grand dam des jambes, des côtes et des reins des passagers surpris par cette charge inattendue.

      Après quoi, le passage forcé, sans s’inquiéter des récriminations qui s’élevaient dans leur sillage, ils s’élancèrent à toutes jambes le long du quai.

      Du coup, Agathas se rasséréna. Il consentait à croire que je me rendais à l’hôtel Royal. Et je m’amusai énormément de sa confiance, à la pensée que je l’y «sèmerais», comme il avait exprimé lui même l’idée de notre séparation.

      X. LA MYSTIQUE «SEMEUSE»

      Vous connaissez Boulogne n’est-ce pas? À gauche du port, en regardant la mer, s’étale la plage de Capécure, la plage démocratique, comme vous exprimez en France. Là, on revêt son costume de bains dans les dunes, sous le regard du ciel… et quand on surprend involontairement un de ces tableaux de mœurs, on le regrette vivement, parce que cela n’est pas beau. Je ne conçois pas qu’une démocratie n’ait point souci de l’élégance.

      Je serais démocrate, moi, ce qui n’est pas, car j’aime trop l’Angleterre pour verser dans cette utopie que les ignorants sont tout et les instruits rien; mais enfin, je serais démocrate, je voudrais que tous les adverbes ou adjectifs ayant ce mot pour radical, exprimassent les choses les plus jolies, les СКАЧАТЬ