Le canon du sommeil. Paul d'Ivoi
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Название: Le canon du sommeil

Автор: Paul d'Ivoi

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ m’écriai-je, mon étonnement croissant.

      – Oui, oui, vous allez être sûr… Mais je reprends. Moi, je n’osais point vous parler, faute d’avoir été présenté… Mais vous avez commencé, n’est-ce pas; vous avez brisé la glace.

      Il appelait cela briser la glace. Eh bien! il n’était pas difficile.

      – Alors je puis continuer et présenter moi-même, Agathas Block, correspondant spécial du Standard, votre confrère, si toutefois le vocable n’est point prétentieux de la part d’un humble interviewer, vis-à-vis du «roi du reportage».

      Malgré moi, mon visage se détendit. L’étrangeté du bonhomme m’incita au sourire. Néanmoins j’insistai, avec moins de raideur cependant:

      – Charmé de la présentation. Mais un confrère comprendra que, songeant à maintenir le titre si flatteur qu’il vient de rappeler, je tienne à la solitude favorable aux utiles réflexions.

      – Oh! je conçois très bien. Par malheur, je ne puis pas accorder la solitude.

      J’eus un haut-le-corps. La tranquille impudence de cet Agathas Block me semblait ahurissante. Est-ce qu’il émettrait la prétention de m’imposer sa compagnie.

      Mais lui, le plus paisiblement du monde, se chargea d’extirper mes derniers doutes.

      – Suivez le raisonnement. Je suis un reporter, moi, comme on en découvre treize à la douzaine… Vous saisissez la conséquence. Beaucoup de peine, peu de profit. Il est bien évident que cela m’ennuie, me paraît détestable.

      – J’en suis persuadé, mais…

      – Attendez. J’ai acquis le moyen de mettre fin à cet état pénible…

      – Je vous en félicite, mais permettez…

      – Non, ne félicitez pas encore. Il faut tout savoir. Si vous félicitez ensuite, je serai très content. Mais si vous ne trouvez pas matière à félicitations, je me reprocherais d’avoir accepté celles-ci.

      Ah mais! Ah mais! Il devenait insupportable avec ses circonlocutions, la conversation filait comme le macaroni, ce plat national italien qui met le pauvre être en faisant sa nourriture, dans la situation grotesque d’être relié par un fil fromager à l’assiette où s’enroulent les tubes de la pâte indigeste.

      – Enfin expliquez-vous.

      – C’est à cela que je tends, honorable sir Max Trelam. J’ai pensé le «roi du reportage» est le roi, parce qu’il reconnaît toujours la meilleure piste, ce qui lui permet de renseigner son journal, plus tôt et plus complètement que les autres confrères.

      Je m’inclinai. Je ne vois pas comment j’aurais pu faire autrement.

      – Évidemment, on ne saurait lui demander de divulguer ses procédés…

      – La réflexion est marquée au coin de la sagesse, fis-je ironiquement.

      – Je suis sage, répliqua d’un ton grave mon interlocuteur. Aussi ne me suis-je pas arrêté à l’idée de vous interroger. Je me suis confié: il faut que Max Trelam te renseigne malgré lui.

      – Malgré moi… Ceci me semble difficile encore.

      Mais sans rien perdre de son flegme déconcertant, Agathas Block continua:

      – Non, cela a l’air difficile, mais l’air seulement. Supposez que nous soyons un instant des frères siamois, indissolublement liés par un appendice physique.

      – Grand merci, lançai-je dans un éclat de rire.

      Mon bizarre compagnon s’abandonna aimablement à une hilarité réflexe, puis reprenant imperturbablement sa démonstration.

      – Cela ne vous convient pas d’être Siamois, je conçois cela de la part d’un bon Anglais… Mettons que je devienne votre ombre, ceci devient un lien peu gênant, ou même votre ami, le lien alors est simplement moral.

      – Trêve de suppositions, interrompis-je. Un reporter est, par définition un «tirailleur», c’est à dire un homme qui doit agir seul.

      Agathas inclina la tête avec une soumission tout à fait gracieuse.

      – Alors, vous ne sauriez m’indiquer un moyen de bénéficier de vos rares qualités en toute courtoisie, en toute sincérité. Je vous assure que je vous en aurai une reconnaissance, dont je vous marquerai les effets de façon avantageuse.

      – Eh non! L’idée même, son principe, si je puis m’exprimer ainsi, est inadmissible.

      – Il m’est donc interdit d’être votre frère siamois, votre ombre, votre ami?

      – Insister me ferait douter de votre intelligence professionnelle.

      Il marqua un geste désolé. D’un ton douloureux, il murmura:

      – Aussi je n’insiste pas… Seulement mes regrets sont immenses…

      – Je vous crois.

      – Tout à fait immenses, car n’ayant pas réussi à devenir votre ombre de manière aimable, je me vois contraint de devenir ceci malgré vous.

      À cette conclusion inattendue, je sautai sur place.

      – Malgré moi… et vous croyez que je me laisserai faire.

      – Oh! j’en suis sûr.

      Sa placidité me mit hors de moi… Je marchai sur lui, menaçant:

      – Ah! prenez garde. Un importun rencontre la correction qu’il mérite.

      Il haussa philosophiquement les épaules, en homme préparé à tout.

      – La boxe est une chose ridicule, dit-il. Un œil au noir, un nez écrasé, n’empêchent pas un gaillard résolu de suivre son chemin.

      À présent, il se posait en victime et je me surprenais à trouver tout simplement héroïque, ce confrère du Standard qui offrait son visage à mes poings, en disant:

      – Bah! démolissez la figure, cela n’arrêtera pas mes pieds.

      Toute proportion gardée, c’était aussi beau que le cri de Thémistocle, d’hellénique mémoire!

      – Frappe, mais écoute.

      Seulement, j’étais engagé dans une affaire où la pitié m’eût conduit à trahir mes relations avec X. 323, avec mon amie Tanagra. Je renfonçai donc la pitié pour accentuer la menace.

      – La boxe, non pas. Mais un bon coup d’épée, ou une balle de pistolet, à la française, arrêtent le curieux le plus acharné.

      Il courba la tête, et avec une humilité impressionnante:

      – Je vous en prie, «roi» Max Trelam, ne jouez pas avec le danger. Je suis de première force à l’épée et au pistolet. Je ne me consolerais jamais de priver le Times de son ténor.

      J’avoue que je demeurai court.

      Agathas СКАЧАТЬ