La corde au cou. Emile Gaboriau
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу La corde au cou - Emile Gaboriau страница 5

Название: La corde au cou

Автор: Emile Gaboriau

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ De tout ce que je possédais, il ne restera plus, au jour, que quelques pelletées de cendres…

      – C'est un grand malheur, répondit le digne maire, mais nous en avons craint un bien plus irréparable… Dieu merci, vous vivrez…

      – Qui sait! Je souffre terriblement…

      Mme de Claudieuse tressaillit.

      – Trivulce! murmura-t-elle d'une voix doucement suppliante, Trivulce!

      Jamais amant n'arrêta sur l'amie de sonâme un regard plus tendre que celui dont M. de Claudieuse enveloppa sa femme.

      – Pardonne-moi, chère Geneviève, pardonne-moi mon manque de courage…

      Un spasme nerveux lui coupa la parole, et tout aussitôt, d'une voixéclatante comme une trompette:

      – Monsieur! s'écria-t-il, docteur! Tonnerre du ciel!… Vous m'écorchez!

      – J'ai là du chloroforme, prononça froidement le médecin.

      – Je n'en veux pas!

      – Résignez-vous alors à souffrir… Et tenez-vous tranquille, car chacun de vos mouvements augmente la souffrance. (Sur quoi, épongeant un filet de sang qui venait de jaillir sous son bistouri): Du reste, ajouta-t-il, nous allons prendre quelques minutes de repos. Mes yeux et ma main se fatiguent… Je ne suis plus jeune, décidément.

      Le docteur Seignebos avait soixante ans. C'était un petit homme au teint bilieux, maigre, chauve, d'une tenue plus que négligée, et porteur d'une paire de lunettes d'or qu'il passait sa vie à retirer, à essuyer et à remettre.

      Sa réputation médicaleétait grande, on citait de lui, à Sauveterre, des cures merveilleuses; cependant il n'avait que peu d'amis. Les ouvriers lui reprochaient sa morgue dédaigneuse, les paysans sonâpreté au gain, et les bourgeois ses opinions politiques.

      On rapporte qu'un soir, dans un banquet, il s'étaitécrié en levant son verre: «Je bois à la mémoire du seul médecin dont j'envie la pure et noble gloire: à la mémoire de mon compatriote le docteur Guillotin, de Saintes!»Avait-il vraiment porté ce toast? Le positif, c'est qu'il se posait en démocrate farouche, et qu'ilétait l'âme et l'oracle des petits conciliabules socialistes des environs. Ilétonnait quand il entamait le chapitre des réformes qu'il rêvait et des progrès qu'il concevait. Et il faisait frémir par le don dont il parlait de «porter le fer et le feu jusqu'au fond des entrailles pourries de la société».

      Ces opinions, des théories utilitaires souventétranges, certaines expériences plusétranges encore qu'il poursuivait au su et vu de tous, avaient fait douter parfois de l'intégrité de l'intellect du docteur Seignebos. Les plus bienveillants disaient: «C'est un original.»

      Cet original, comme de raison, n'aimait guère M. Séneschal, un ancien avoué réactionnaire. Il tenait en piètre estime le procureur de la République, un inutile fureteur de bouquins. Mais il détestait cordialement M. Galpin-Daveline.

      Pourtant, il les salua tous les trois, et sans se soucier d'être ou non entendu de son malade:

      – Vous voyez, leur dit-il, monsieur de Claudieuse en très fâcheuxétat. C'est avec un fusil chargé de plomb de chasse qu'on lui a tiré dessus, et les désordres des blessures de cette origine sont incalculables. J'inclinerais volontiers à croire qu'aucun organe essentiel n'aété atteint, mais je n'en répondrais pas. J'ai vu souvent, dans ma pratique, des lésions minuscules telles qu'en peut produire un grain de plomb, lésions mortelles cependant, ne se révéler qu'après douze ou quinze heures.

      Il eût continué longtemps, s'il n'eûtété brusquement interrompu:

      – Monsieur le docteur, prononça le juge d'instruction, c'est parce qu'un crime aété commis que je suis ici. Il faut que le coupable soit retrouvé et puni. Et c'est au nom de la justice que, dès ce moment, je requiers le concours de vos lumières.

      3. Par cette seule phrase, M. Galpin-Daveline s'emparait despotiquement de la situation et reléguait au second plan le docteur Seignebos…

      Par cette seule phrase, M. Galpin-Daveline s'emparait despotiquement de la situation et reléguait au second plan le docteur Seignebos, M. Séneschal et le procureur de la République lui-même. Rien plus n'existait qu'un crime dont l'auteurétait à découvrir, et un juge: lui.

      Mais il avait beau exagérer sa raideur habituelle et ce dédain des sentiments humains qui a fait à la justice plus d'ennemis que ses plus cruelles erreurs, tout en lui tressaillait d'une satisfaction contenue, tout, jusqu'aux poils de sa barbe, taillée comme les buis de Versailles.

      – Donc, monsieur le médecin, reprit-il, voyez-vous quelque inconvénient à ce que j'interroge le blessé?

      – Mieux vaudrait certainement le laisser en repos, gronda le docteur Seignebos, je viens de le martyriser pendant une heure, je vais dans un moment recommencer à extraire les grains de plomb dont ses chairs sont criblées. Cependant, si vous y tenez…

      – J'y tiens…

      – Eh bien! dépêchez-vous, car la fièvre ne va pas tarder à le prendre.

      M. Daubigeon ne cachait guère son mécontentement.

      – Daveline! faisait-ilà demi-voix, Daveline!

      L'autre n'y prenait garde. Ayant tiré de sa poche un calepin et un crayon, il s'approcha du lit de M. de Claudieuse, et toujours du même ton:

      – Vous sentez-vous enétat, monsieur le comte, demanda-t-il, de répondre à mes questions?

      – Oh! parfaitement.

      – Alors, veuillez me dire ce que vous savez des funestesévénements de cette nuit.

      Aidé de sa femme et du docteur Seignebos, le comte de Claudieuse se haussa sur ses oreillers.

      – Ce que je sais, commença-t-il, n'aidera guère, malheureusement, les investigations de la justice… Il pouvaitêtre onze heures, car je ne saurais même préciser l'heure, j'étais couché, et depuis un bon moment j'avais soufflé ma bougie, lorsqu'une lueur très vive frappa mes vitres. Je m'enétonnai, mais très confusément, car j'étais dans cetétat d'engourdissement qui, sansêtre le sommeil, n'est déjà plus la veille. Je me dis bien: «Qu'est-ce que cela?», mais je ne me levai pas. C'est un grand bruit, comme le fracas d'un mur qui s'écroule, qui me rendit au sentiment de la réalité. Oh! alors, je bondis hors de mon lit, en me disant: «C'est le feu!…»Ce qui redoublait mon inquiétude, c'est que je me rappelais qu'il y avait, dans ma cour et autour des bâtiments, seize mille fagots de la coupe de l'an dernier… À demi vêtu, je m'élançai dans les escaliers. J'étais fort troublé, je l'avoue, à ce point que j'eus toutes les peines du monde à ouvrir la porte extérieure. J'y parvins cependant. Mais à peine mettais-je le pied sur le seuil que je ressentis au côté droit, un peu au-dessus de la hanche, une affreuse douleur et que j'entendis tout près de moi une détonation…

      D'un geste, le juge d'instruction interrompit.

      – Votre récit, monsieur le comte, dit-il, est certes d'une remarquable netteté. Cependant, il est un détail qu'il importe de préciser. C'est bien au moment juste où vous paraissiez qu'on a tiré sur vous?

      – Oui, monsieur.

      – Donc l'assassinétait tout près, à l'affût. Il savait que, СКАЧАТЬ