La corde au cou. Emile Gaboriau
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Название: La corde au cou

Автор: Emile Gaboriau

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ pas de ménage aussi parfaitement uni que celui de M. et Mme de Claudieuse, et deux enfants, deux filles, qu'ils avaient eues à quatre ans d'intervalle, devaient avoir, pour toujours, fixé le bonheur à leur paisible foyer.

      De son ancienne profession, de ce temps où il administrait les possessions lointaines de la France, le comte avait, il est vrai, gardé ses habitudes hautaines de commandement, une attitude sévère et froide, une parole brève. Ilétait, de plus, d'une si extrême violence que la plus légère contradiction empourprait son visage. Mais la comtesseétait le calme et la douceur mêmes, et comme elle savait toujours se jeter entre la colère de son mari et celui qui se l'était attirée, comme ilsétaient l'un et l'autre justes, bons jusqu'à la faiblesse, généreux et pitoyables aux malheureux, ilsétaient adorés.

      Il n'y avait guère que sur l'article chasse que M. de Claudieuse n'entendait pas raison. Chasseur passionné, il veillait toute l'année sur son gibier avec la sollicitude inquiète d'un avare, multipliant les gardes et les défenses, poursuivant les braconniers avec un tel acharnement qu'on disait: «Mieux vaut lui voler cent pistoles que lui tuer un merle.»

      M. et Mme de Claudieuse vivaient d'ailleurs assez isolés, absorbés par les soins d'une vaste exploitation agricole et par l'éducation de leurs filles. Ils recevaient rarement, et on ne les voyait pas quatre fois par hiver à Sauveterre, chez les demoiselles de Lavarande ou chez le vieux baron de Chandoré. Tous lesétés, par exemple, vers la fin de juillet, ils s'installaient, pour un mois, à Royan, où ils avaient un chalet. Tous les ans, également, à l'ouverture de la chasse, la comtesse allait, avec ses filles, passer quelques semaines près de ses parents qui habitaient Paris.

      Pour bouleverser cette paisible existence, il ne fallut pas moins que les catastrophes de 1870. En apprenant que les Prussiens vainqueurs foulaient le sol sacré de la patrie, l'ancien capitaine de vaisseau sentit se réveiller en lui tous ses instincts de Français et de soldat. Quoi qu'on pût faire pour le retenir, il partit. Légitimiste obstiné, il se déclarait prêt à mourir pour la République, pourvu que la France fût sauvée. Sans l'ombre d'une hésitation, il offrit sonépée à Gambetta, qu'il détestait. Nommé colonel d'un régiment de marche, il se battit comme un lion, depuis le premier jour jusqu'au dernier, où il fut renversé et foulé aux pieds en essayant d'arrêter l'affreuse débandade d'un des corps d'armée de Chanzy.

      Revenu au Valpinson à la signature de l'armistice, personne, hormis sa femme, n'avait pu lui arracher un mot de cette douloureuse campagne. On l'engageait à se présenter auxélections, et certainement il eûtété élu; il refusa, disant que s'il savait se battre, il ne savait pas discourir.

      Mais c'est d'une oreille distraite que le procureur de la République et le juge d'instructionécoutaient ces détails, qu'ils connaissaient aussi bien que M. Séneschal.

      Aussi tout à coup:

      – N'avançons-nous donc pas? demanda M. Galpin-Daveline; j'ai beau regarder, je n'aperçois aucune apparence d'incendie.

      – C'est que nous sommes dans un bas-fond, répondit le maire. Mais nous approchons, et lorsque nous serons en haut de cette côte que nous gravissons, soyez tranquille, vous verrez…

      Cette côte est bien connue dans le département, et même célèbre sous le nom de montagne de Sauveterre. Elle est si raide et formée d'un granit si dur que les ingénieurs qui ont tracé la route nationale de Bordeaux à Nantes se sont détournés d'une demi-lieue pour l'éviter. Elle domine donc tout le pays, et, parvenus à son sommet, M. Séneschal et ses compagnons ne purent retenir un cri.

      – Horresco! murmura le procureur de la République.

      Le foyer même de l'incendie leurétait encore caché par les hautes futaies de Rochepommier, mais les jets de flamme s'élançaient bien au-dessus des grands arbres, illuminant tout l'horizon de sinistres lueurs…

      Toute la campagneétait en mouvement. Le tocsin sonnait à coups précipités à l'église de Bréchy, dont le clocher tronqué se détachait en noir sur la pourpre du ciel. Dans l'ombre, retentissaient les rauques mugissements de ces conques marines dont on se sert pour appeler les ouvriers des champs. Des pas effarés sonnaient le long des sentiers, et des paysans passaient en courant, un seau de chaque main.

      – Les secours arriveront trop tard! dit M. Galpin-Daveline.

      – Une si belle propriété, dit le maire, si savamment aménagée!

      Et, au risque d'un accident, il lança son cheval au galop sur le revers de la côte, car le Valpinson est tout au fond de la vallée, à cinq cents mètres de la petite rivière.

      Tout yétait terreur, désordre, confusion. Et pourtant les bras n'y manquaient pas, ni la bonne volonté. Aux premiers cris d'alarme, tous les gens des environsétaient accourus, et il en arrivait encore à chaque minute, mais personne ne se trouvait là pour diriger.

      Le sauvetage du mobilier surtout les préoccupait. Les plus hardis tenaient bon dans les appartements et, en proie à une sorte de vertige, jetaient par les fenêtres tout ce qui leur tombait sous la main. Et dans le milieu de la cour, s'amoncelaient pêle-mêle les lits, les matelas, les chaises, le linge, les livres, les vêtements…

      Cependant une immense clameur salua l'arrivée de M. Séneschal et de ses compagnons.

      – Voilà monsieur le maire! s'écriaient les paysans, rassurés par sa seule présence et prêts à lui obéir.

      M. Séneschal, du reste, jugea bien d'un coup d'œil la situation.

      – Oui, c'est moi, mes amis, dit-il, et je vous félicite de votre empressement, il s'agit, à cette heure, de ne pas gaspiller nos forces. La ferme, les chais et les bâtiments d'exploitation sont perdus, abandonnons-les. Concentrons nos efforts sur le château… Organisons-nous! La rivière est tout proche, formons la chaîne. Tout le monde à la chaîne, hommes et femmes!… Et de l'eau, de l'eau… voilà les pompes.

      On les entendait, en effet, rouler comme un tonnerre. Les pompiers parurent. Le capitaine Parenteau prit la direction des secours. Et, enfin, M. Séneschal put s'informer du comte de Claudieuse.

      – Le maître est là, lui répondit une vieille femme en montrant, à cent pas, une maisonnette à toit de chaume, c'est le médecin qui l'y a fait transporter.

      – Allons le voir, messieurs, dit vivement le maire au procureur de la République et au juge d'instruction.

      Mais ils s'arrêtèrent au seuil de l'unique pièce de cette pauvre demeure. C'était une grande chambre, au sol de terre battue, aux solives noircies et toutes chargées d'outils et de paquets de graines. Deux lits à colonnes torses et à rideaux de serge jaunâtre, deux bons grands lits de Saintonge, occupaient tout le fond. Sur celui de gauche, une petite fille de quatre à cinq ans dormait, roulée dans une couverture, sous la garde de sa sœur, de deux ou trois ans plusâgée. Sur le lit de droite, le comte de Claudieuseétaitétendu, ou plutôt assis, car on avait entassé sous ses reins tout ce qu'on avait pu arracher d'oreillers à l'incendie.

      Il avait le torse nu et ruisselant de sang, et un homme, le docteur Seignebos, en bras de chemise et les manches retroussées jusqu'au coude, s'inclinait vers lui et, uneéponge d'une main, un bistouri de l'autre, semblait absorbé par quelque grave et délicate opération. Vêtue d'une robe de mousseline claire, la comtesse de Claudieuseétait debout au pied du lit de son mari, pâle, mais sublime de calme et de fermeté résignée. Elle tenait une lampe et en dirigeait la lumière selon les indications du docteur. Dans un coin, deux servantesétaient assises sur un coffre et, leur tablier relevé sur la tête, pleuraient.

      Singulièrementému, le maire de Sauveterre СКАЧАТЬ