Double-Blanc. Fortuné du Boisgobey
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Название: Double-Blanc

Автор: Fortuné du Boisgobey

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ d’une fortune très importante, mais très embarrassée.

      Le vieux baron de Scaër n’avait jamais eu qu’une passion, l’agriculture, mais celle-là coûte plus cher que toutes les autres. Il s’était obéré en défrichements, drainages, cultures nouvelles et autres améliorations qui amendent le sol en ruinant le propriétaire.

      Hervé n’avait pas les mêmes goûts; il n’aimait de la campagne que les sports qu’on y pratique: la chasse, l’équitation, la pêche; mais il aimait aussi les plaisirs de Paris où il passait neuf mois de l’année, et au lieu d’économiser sur ses revenus pour éteindre les dettes laissées par son père, il n’avait fait qu’en contracter de nouvelles. Tant et si bien qu’à force d’emprunter sur hypothèques, il s’était aperçu un beau matin qu’il ne lui restait plus qu’à vendre ses fermes, ses bois et le vieux castel de ses aïeux, bâti par un Le Gouesnach, au temps de la duchesse Anne, avant l’annexions du duché de Bretagne au royaume de France.

      Le sacrifice était dur, mais Hervé s’y était résigné, et avec les épaves qu’il sauverait du naufrage, il avait résolu d’aller bravement tenter de refaire sa fortune en Australie, cette terre promise des fils de famille expropriés.

      Encore fallait-il trouver un acquéreur, et au pays de Cornouailles, ils sont rares les capitalistes disposés à immobiliser un million.

      Un Parisien s’était présenté, un homme enrichi par d’heureuses spéculations, ambitieux, entiché de noblesse, comme beaucoup de ses pareils, et voulant à tout prix conquérir une situation politique.

      Cet acheteur providentiel s’appelait de son vrai nom Laideguive et se faisait appeler M. de Bernage, en attendant qu’il se fît titrer, à beaux deniers comptants.

      Il était venu tout exprès dans le Finistère pour visiter les domaines à vendre et il avait amené avec lui sa fille, une adorable enfant qui ne lui ressemblait guère et qui s’était éprise à première vue du jeune seigneur de Scaër, pendant qu’il leur montrait les propriétés dont il était obligé de se défaire.

      Un gentilhomme pauvre n’était pas précisément le gendre qu’aurait souhaité M. Laideguive de Bernage; mais cet archi-millionnaire s’était avisé d’une combinaison qui lui avait paru avantageuse: marier sa fille à Hervé, sous le régime dotal, et lui constituer en dot les biens du susdit Hervé, libérés d’hypothèques, en ajoutant à cet apport respectable une rente de quarante mille francs pour mettre le jeune ménage à même de faire figure à Paris, tous les hivers.

      M. de Bernage ferait restaurer à ses frais le château de Trégunc que les nouveaux mariés habiteraient pendant la belle saison.

      Il y passerait chaque année quelques mois avec eux et, bénéficiant de l’honorabilité et de la popularité de la famille de Scaër, il finirait certainement par arriver à la députation.

      C’était le temps des candidatures officielles, et quoique soutenu par le gouvernement impérial, le beau-père d’Hervé ne serait pas combattu par les légitimistes.

      Bien entendu, il s’était abstenu de confier ses projets à son futur gendre; encore moins à sa fille qui tenait à épouser Hervé, parce qu’elle s’était passionnée pour ce beau et brave garçon, et qui ne songeait guère aux avantages sociaux d’une alliance avec un Le Gouesnach.

      Elle n’était cependant pas fâchée de devenir baronne et surtout châtelaine, mais elle aimait vraiment Hervé pour lui-même, et elle attendait avec impatience que le jour de son mariage fût fixé, car elle était jalouse, quoique son promis ne lui donnât pas sujet de l’être, et elle craignait qu’on le lui soufflât.

      L’acte de vente des terres n’était pas encore signé. Il devait l’être en même temps que le contrat, trois semaines après Pâques, et les jeunes époux iraient passer leur lune de miel en Italie, avant de s’installer en Bretagne.

      Hervé était, presque autant que sa fiancée, impatient d’en finir, car la situation de prétendu est toujours un peu fausse. Il allait se marier sans arrière-pensée d’aucune sorte et il menait déjà une conduite exemplaire, ce qui était assez méritoire de la part d’un ancien viveur. Il poussait la sagesse jusqu’à fuir les tentations et il avait fallu tout un enchaînement de circonstances imprévues pour qu’il en fût arrivé à se préoccuper de la rencontre d’une femme en domino.

      C’était le moment d’éclaircir les doutes qui lui étaient venus à l’esprit, et pour savoir à quoi s’en tenir sur cette inconnue, il n’avait qu’à ouvrir la lettre qu’elle lui avait remise avant de s’éclipser et qu’il avait glissée dans une des poches de son pantalon. Il s’empressa de l’en tirer pour la lire à la clarté de deux bougies qu’il venait d’allumer.

      Il commença par examiner le cachet de cire rouge qui la fermait et il vit que ce cachet portait des armoiries qu’il ne prit pas le temps de déchiffrer, avant de le faire sauter.

      Sous l’enveloppe, il trouva un carton satiné où il y avait écrit: «Si vous vous souvenez encore de la grève de Trévic et si vous désirez revoir celle qu’un soir vous avez prise pour une fée, écrivez, poste restante, aux initiales B. L. et donnez votre adresse. La fée n’ira pas chez vous, mais elle vous répondra en vous indiquant un rendez-vous, et, si vous y venez, elle vous renseignera sur une jeune femme que vous n’avez pas revue depuis dix ans.»

      C’était tout, mais c’en était assez pour surexciter encore l’imagination d’Hervé, en lui rappelant le souvenir lointain de son premier amour.

      Il n’avait que seize ans lorsqu’il s’était violemment épris d’une fillette un peu plus jeune que lui, une Américaine qui était venue tout à coup habiter avec sa mère une maisonnette voisine du bourg de Pontaven et pas très éloignée du château de Trégunc.

      Cette enfant était d’une beauté merveilleuse et d’une distinction rare. Sa mère lui laissait une liberté absolue dont elle profitait pour courir seule les landes, les bois et les rochers de cette côte sauvage.

      Elle n’avait pas tardé à rencontrer Hervé de Scaër qui s’était mis promptement à l’aimer et qu’elle avait aussitôt payé de retour, si bien que, par une belle matinée de printemps, au bord de la mer et au pied d’un dolmen, ils s’étaient réciproquement juré de s’épouser, avec ou sans la permission de leurs parents.

      À l’âge qu’ils avaient alors, pareil serment n’engage pas l’avenir, mais Dieu sait où les aurait menés cette amourette, si, après six mois de chastes adorations en plein air, un événement étrange ne les avait pas séparés brusquement.

      Une nuit, Mme Nesbitt et sa fille Héva étaient parties, sans prévenir personne, laissant au logis qu’elles occupaient leurs vêtements et leur linge, comme si elles avaient dû rentrer le lendemain, et jamais elles n’étaient revenues; jamais! jamais!

      Dans le pays, on avait cru à un crime et la justice s’était émue de cette disparition inexplicable.

      Mais vainement avait-on fouillé les bois et dragué les rivières; vainement avait-on signalé à toutes les autorités du département les deux étrangères. Toutes les recherches étaient restées sans effet.

      La mère et la fille s’étaient évanouies, comme des fantômes, sans laisser de traces, pas même des lettres ou des papiers qui auraient pu fournir des indications sur leur passé et sur leur origine.

      Les disparues n’étaient cependant pas des aventurières.

      Elles СКАЧАТЬ