Monsieur Lecoq. Emile Gaboriau
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Читать онлайн книгу Monsieur Lecoq - Emile Gaboriau страница 54

Название: Monsieur Lecoq

Автор: Emile Gaboriau

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ juge se retourna vers son greffier.

      – Goguet, dit-il, relisez au témoin sa dernière phrase.

      Le greffier, de sa voix monotone, lut :

      « J’en voudrais à la mort à qui dirait que je connais Lacheneur. »

      – Eh bien !… insista M. Segmuller, qu’est-ce que cela signifie ?

      – C’est bien facile à comprendre, m’sieu.

      M. Segmuller s’était levé, enveloppant Polyte d’un de ces regards de juge, qui, selon l’expression d’un prévenu, « font grouiller la vérité dans les entrailles. »

      – Assez de mensonges, interrompit-il. Vous commandiez le silence à votre femme, voilà le fait. À quoi bon ? et que peut-elle nous apprendre ? Pensez-vous donc que la police ne sait pas vos relations avec Lacheneur, vos entretiens, quand il vous attendait en voiture près des terrains vagues, les espérances de fortune que vous fondiez sur lui ?… Croyez-moi, décidez-vous à des aveux, pendant qu’il en est temps encore, ne vous engagez pas dans une voie au bout de laquelle est un péril sérieux. On est complice de plus d’une façon !

      Il est certain que l’impudence de Polyte reçut un rude choc. Il parut confondu, et baissa la tête en balbutiant une réponse inintelligible.

      Cependant il s’obstina à garder le silence, et le juge, qui venait d’employer inutilement son arme la plus forte, désespéra. Il sonna et donna l’ordre de reconduire le témoin en prison, après avoir pris des précautions, toutefois, pour qu’il ne pût revoir sa femme.

      Polyte sorti, Lecoq parut. Il était désespéré, il s’arrachait les cheveux.

      – Et dire, répétait-il, que je n’ai pas tiré de cette femme tout ce qu’elle savait, quand c’était si facile ! Mais je savais que vous m’attendiez, monsieur, je me dépêchais, j’ai cru bien faire…

      – Rassurez-vous, ce malheur peut se réparer.

      – Non, monsieur, non, nous ne saurons plus rien de cette malheureuse. Impossible de lui arracher un mot depuis qu’elle a vu son mari. Elle l’aime de la passion la plus folle, il a sur elle une influence toute-puissante. Il lui a commandé de se taire, elle se taira.

      Le jeune policier n’avait que trop raison. M. Segmuller dut se l’avouer dès les premiers pas que Toinon-la-Vertu fit dans son cabinet.

      La pauvre créature était écrasée de douleur. Il était aisé de reconnaître qu’elle eût donné sa vie pour reprendre les paroles qui lui étaient échappées dans sa mansarde. Le regard de Polyte l’avait glacée et remuait en son cœur les plus sinistres appréhensions. Ne concevant rien dont il ne pût être coupable, elle se demandait si son témoignage ne serait pas un arrêt de mort.

      Aussi refusa-t-elle de répondre autre chose que : « Non ! » ou : « Je ne sais pas ! » à toutes les questions, et tout ce qu’elle avait dit, elle le rétracta. Elle jurait qu’elle s’était trompée, qu’on avait mal compris, qu’on abusait de ses paroles. Elle affirmait avec les plus horribles serments que jamais elle n’avait entendu parler de Lacheneur.

      Enfin, quand on la pressait trop, elle éclatait en sanglots, et serrait convulsivement sur sa poitrine son enfant qui poussait des cris perçants.

      En présence de cette obstination idiote, aveugle comme celle de la brute, que faire ? M. Segmuller hésitait. Il se sentait pris de pitié pour cette malheureuse. Enfin, après un moment de réflexion :

      – Vous pouvez vous retirer, ma brave femme, dit-il doucement, mais souvenez-vous bien que votre silence nuit plus à votre mari que tout ce que vous pourriez dire.

      Elle se retira … elle s’enfuit plutôt, pendant que le juge et l’agent de la sûreté échangeaient des regards consternés.

      – Je le disais bien !… pensait Goguet. Les actions du prévenu sont en hausse. Je parie cent sous pour le prévenu.

      Chapitre 28

      D’un seul mot, Delamorte-Felines a défini l’instruction : « Une lutte. » Lutte terrible, entre la justice qui veut arriver à la vérité et le crime qui prétend garder son secret.

      Mandataire de la société, investi de pouvoirs discrétionnaires, ne relevant que de sa conscience et de la loi, le juge d’instruction dispose du plus formidable appareil.

      Rien ne le gêne, personne ne lui commande. Administration, police, force armée, il a tout à ses ordres. Sur un mot de lui, vingt agents, cent s’il le faut, vont remuer Paris, fouiller la France, explorer l’Europe.

      Pense-t-il qu’un homme peut éclairer un point obscur, il cite cet homme à comparaître dans son cabinet, et il arrive, fût-il à cent lieues. Voilà pour le juge.

      Seul, sous les verrous, au secret le plus souvent, l’homme accusé d’un crime se trouve comme retranché du nombre des vivants. Nul bruit de l’intérieur n’arrive jusqu’au cabanon où il vit sous l’œil des gardiens. Ce qu’on dit, ce qui se passe… il l’ignore. Quels témoins ont été interrogés et ce qu’ils ont répondu, il ne sait. Et il en est réduit à se demander, dans l’effroi de son âme, jusqu’à quel point il est compromis, quels indices ont été recueillis, quelles charges accablantes sont près de l’écraser.

      Voilà pour le prévenu.

      Eh bien !… en dépit de cette terrible disproportion d’armes des deux adversaires, parfois l’homme au secret l’emporte.

      S’il est bien sûr de n’avoir laissé derrière lui aucune preuve du crime, s’il n’a pas d’antécédents qui se lèvent contre lui, il peut, inexpugnable dans un système de négation absolue, braver tous les efforts de la justice.

      Telle était, en ce moment, la situation de Mai, le mystérieux meurtrier.

      M. Segmuller et Lecoq se l’avouaient avec une douleur mêlée de dépit.

      Ils avaient pu, ils avaient dû espérer que Polyte Chupin ou sa femme donneraient la mot de l’irritant problème… cette espérance s’envolait.

      Le système du soi-disant artiste « bonisseur » sortait intact de cette épreuve si périlleuse, et plus que jamais son identité demeurait problématique.

      – Et cependant, s’écria le juge avec un geste désolé, et cependant ces gens-là savent quelque chose, et s’ils voulaient…

      – Ils ne voudront pas.

      – Pourquoi ? Quel intérêt les guide ? Ah ! c’est là, ce qu’il faudrait découvrir. Qui nous dira par quelles éblouissantes promesses on a pu s’assurer du silence d’un misérable tel que Polyte Chupin ? Sur quelle récompense compte-t-il donc, qu’il brave, en se taisant, un véritable danger ?…

      Lecoq ne répondit pas. La contraction de ses sourcils trahissait le prodigieux effort de sa réflexion.

      – Il est une question, monsieur, dit-il enfin, qui m’embarrasse plus que toutes celles-là ensemble, et qui, si elle était résolue, nous ferait faire un grand pas.

      – Laquelle ?

      – Vous vous demandez, monsieur, СКАЧАТЬ