L'éducation sentimentale. Gustave Flaubert
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Название: L'éducation sentimentale

Автор: Gustave Flaubert

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ vous, monsieur, est-ce votre avis ? Comment conciliez-vous le principe de l’article 1351 du Code civil avec cette voie d’attaque extraordinaire !»

      Frédéric se sentait un grand mal de tête, pour avoir passé la nuit sans dormir. Un rayon de soleil, entrant par l’intervalle d’une jalousie, le frappait au visage. Debout derrière la chaise, il se dandinait et tirait sa moustache.

      «J’attends toujours votre réponse !» reprit l’homme à la toque d’or.

      Et, comme le geste de Frédéric l’agaçait sans doute :

      «Ce n’est pas dans votre barbe que vous la trouverez !»

      Ce sarcasme causa un rire dans l’auditoire ; le professeur, flatté, s’amadoua. Il lui fit deux questions encore sur l’ajournement et sur l’affaire sommaire, puis baissa la tête en signe d’approbation ; l’acte public était fini. Frédéric rentra dans le vestibule.

      Pendant que l’huissier le dépouillait de sa robe, pour la repasser à un autre immédiatement, ses amis l’entourèrent, en achevant de l’ahurir avec leurs opinions contradictoires sur le résultat de l’examen. On le proclama bientôt d’une voix sonore, à l’entrée de la salle : «Le troisième était… ajourné !»

      «Emballé !» dit Hussonnet, «allons-nous-en !» Devant la loge du concierge, ils rencontrèrent Martinon, rouge, ému, avec un sourire dans les yeux et l’auréole du triomphe sur le front. Il venait de subir sans encombre son dernier examen. Restait seulement la thèse. Avant quinze jours, il serait licencié. Sa famille connaissait un ministre, «une belle carrière» s’ouvrait devant lui.

      «Celui-là t’enfonce tout de même», dit Deslauriers.

      Rien n’est humiliant comme de voir les sots réussir dans les entreprises où l’on échoue. Frédéric, vexé, répondit qu’il s’en moquait. Ses prétentions étaient plus hautes ; et, comme Hussonnet faisait mine de s’en aller, il le prit à l’écart pour lui dire :

      «Pas un mot de tout cela, chez eux, bien entendu ! Le secret était facile, puisque Arnoux, le lendemain, partait en voyage pour l’Allemagne.

      Le soir, en rentrant, le Clerc trouva son ami singulièrement changé : il pirouettait, sifflait ; et, l’autre s’étonnant de cette humeur, Frédéric déclara qu’il n’irait pas chez sa mère ; il emploierait ses vacances à travailler.

      A la nouvelle du départ d’Arnoux, une joie l’avait saisi. Il pouvait se présenter là-bas, tout à son aise, sans crainte d’être interrompu dans ses visites. La conviction d’une sécurité absolue lui donnerait du courage. Enfin il ne serait pas éloigné, ne serait pas séparé d’elle ! Quelque chose de plus fort qu’une chaîne de fer l’attachait à Paris, une voix intérieure lui criait de rester.

      Des obstacles s’y opposaient. Il les franchit en écrivant à sa mère ; il confessait d’abord son échec, occasionné par des changements faits dans le programme, – un hasard, une injustice ; – d’ailleurs, tous les grands avocats (il citait leurs noms) avaient été refusés à leurs examens. Mais il comptait se présenter de nouveau au mois de novembre. Or, n’ayant pas de temps à perdre, il n’irait point à la maison cette année ; et il demandait, outre l’argent d’un trimestre, deux cent cinquante francs, pour des répétitions de droit, fort utiles ; – le tout enguirlandé de regrets, condoléances, chatteries et protestations d’amour filial.

      Mme Moreau, qui l’attendait le lendemain, fut chagrinée doublement. Elle cacha la mésaventure de son fils, et lui répondit «de venir tout de même». Frédéric ne céda pas. Une brouille s’ensuivit. A la fin de la semaine, néanmoins, il reçut l’argent du trimestre avec la somme destinée aux répétitions, et qui servit à payer un pantalon gris perle, un chapeau de feutre blanc et une badine à pomme d’or.

      Quand tout cela fut en sa possession :

      «C’est peut-être une idée de coiffeur que j’ai eue ?» songea-t-il.

      Et une grande hésitation le prit.

      Pour savoir s’il irait chez Mme Arnoux, il jeta par trois fois, dans l’air, des pièces de monnaie. Toutes les fois, le présage fut heureux. Donc, la fatalité l’ordonnait. Il se fit conduire en fiacre rue de Choiseul.

      Il monta vivement l’escalier, tira le cordon de la sonnette ; elle ne sonna pas ; il se sentait près de défaillir.

      Puis il ébranla, d’un coup furieux, le lourd gland de soie rouge. Un carillon retentit, s’apaisa par degrés ; et l’on n’entendait plus rien. Frédéric eut peur.

      Il colla son oreille contre la porte ; pas un souffle ! Il mit son oeil au trou de la serrure, et il n’apercevait dans l’antichambre que deux pointes de roseau, sur la muraille, parmi les fleurs du papier. Enfin, il tournait les talons quand il se ravisa. Cette fois, il donna un petit coup, léger. La porte s’ouvrit ; et, sur le seuil, les cheveux ébouriffés, la face cramoisie et l’air maussade, Arnoux lui-même parut.

      «Tiens ! Qui diable vous amène ? Entrez !»

      Il l’introduisit, non dans le boudoir ou dans sa chambre, mais dans la salle à manger, où l’on voyait sur la table une bouteille de vin de Champagne avec deux verres ; et, d’un ton brusque :

      «Vous avez quelque chose à me demander, cher ami ?

      – Non ! rien ! rien !» balbutia le jeune homme, cherchant un prétexte à sa visite.

      Enfin, il dit qu’il était venu savoir de ses nouvelles, car il le croyait en Allemagne, sur le rapport d’Hussonnet.

      «Nullement ! reprit Arnoux. Quelle linotte que ce garçon-là, pour entendre tout de travers !»

      Afin de dissimuler son trouble, Frédéric marchait de droite et de gauche, dans la salle. En heurtant le pied d’une chaise, il fit tomber une ombrelle posée dessus ; le manche d’ivoire se brisa.

      «Mon Dieu ! s’écria-t-il, comme je suis chagrin d’avoir brisé l’ombrelle de Mme Arnoux.»

      A ce mot, le marchand releva la tête, et eut un singulier sourire. Frédéric, prenant l’occasion qui s’offrait de parler d’elle, ajouta timidement :

      «Est-ce que je ne pourrai pas la voir ?»

      Elle était dans son pays, près de sa mère malade.

      Il n’osa faire de questions sur la durée de cette absence. Il demanda seulement quel était le pays de Mme Arnoux.

      «Chartres ! Cela vous étonne ?

      – Moi ? non ! pourquoi ? Pas le moins du monde !»

      Ils ne trouvèrent, ensuite, absolument rien à se dire. Arnoux, qui s’était fait une cigarette, tournait autour de la table, en soufflant. Frédéric, debout contre le poêle, contemplait les murs, l’étagère, le parquet ; et des images charmantes défilaient dans sa mémoire, devant ses yeux plutôt. Enfin il se retira.

      Un morceau de journal, roulé en boule, traînait par terre, dans l’antichambre ; Arnoux le prit ; et, se haussant sur la pointe des pieds, il l’enfonça dans la sonnette, pour continuer, dit-il, sa sieste interrompue. Puis, en lui donnant une poignée de main :

      «Avertissez le concierge, s’il vous plaît, que je n’y suis pas !»

      Et СКАЧАТЬ