Название: L'éducation sentimentale
Автор: Gustave Flaubert
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
isbn:
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Ils s’asseyaient pour dîner, quand tintèrent à l’église trois longs coups de cloche ; et la domestique, entrant, annonça que Mme Eléonore venait de mourir.
Cette mort, après tout, n’était un malheur pour personne, pas même pour son enfant. La jeune fille ne s’en trouverait que mieux, plus tard.
Comme les deux maisons se touchaient, on entendait un grand va-et-vient, un bruit de paroles ; et l’idée de ce cadavre près d’eux jetait quelque chose de funèbre sur leur séparation. Mme Moreau, deux ou trois fois, s’essuya les yeux. Frédéric avait le coeur serré.
Le repas fini, Catherine l’arrêta entre deux portes. Mademoiselle voulait, absolument, le voir. Elle l’attendait dans le jardin. Il sortit, enjamba la haie, et, tout en se cognant aux arbres quelque peu, se dirigea vers la maison de M. Roque. Des lumières brillaient à une fenêtre au second étage ; puis une forme apparut dans les ténèbres, et une voix chuchota :
«C’est moi.»
Elle lui sembla plus grande qu’à l’ordinaire, à cause de sa robe noire, sans doute. Ne sachant par quelle phrase l’aborder, il se contenta de lui prendre les mains, en soupirant :
«Ah ! ma pauvre Louise !»
Elle ne répondit pas. Elle le regarda profondément, pendant longtemps. Frédéric avait peur de manquer la voiture ; il croyait entendre un roulement tout au loin, et, pour en finir :
«Catherine m’a prévenu que tu avais quelque chose…
– Oui, c’est vrai ! je voulais vous dire…
Ce vous l’étonna ; et, comme elle se taisait encore :
– Eh bien, quoi ?
– Je ne sais plus. J’ai oublié ! Est-ce vrai que vous partez ?
– Oui, tout à l’heure.»
Elle répéta :
– Ah ! tout à l’heure ?… tout à fait ?… nous ne nous reverrons plus ?»
Des sanglots l’étouffaient.
«Adieu ! adieu ! embrasse-moi donc !»
Et elle le serra dans ses bras avec emportement.
Partie 2
Chapitre 1
Quand il fut à sa place, dans le coupé, au fond, et que la diligence s’ébranla, emportée par les cinq chevaux détalant à la fois, il sentit une ivresse le submerger. Comme un architecte qui fait le plan d’un palais, il arrangea, d’avance, sa vie. Il l’emplit de délicatesses et de splendeurs ; elle montait jusqu’au ciel ; une prodigalité de choses y apparaissait ; et cette contemplation était si profonde, que les objets extérieurs avaient disparu.
Au bas de la côte de Sourdun, il s’aperçut de l’endroit où l’on était. On n’avait fait que cinq kilomètres, tout au plus ! Il fut indigné. Il abattit le vasistas pour voir la route. Il demanda plusieurs fois au conducteur dans combien de temps, au juste, on arriverait. Il se calma cependant, et il restait dans son coin, les yeux ouverts.
La lanterne, suspendue au siège du postillon, éclairait les croupes des limoniers. Il n’apercevait au-delà que les crinières des autres chevaux qui ondulaient comme des vagues blanches ; leurs haleines formaient un brouillard de chaque côté de l’attelage ; les chaînettes de fer sonnaient, les glaces tremblaient dans leur châssis ; et la lourde voiture, d’un train égal, roulait sur le pavé. Çà et là, on distinguait le mur d’une grange, ou bien une auberge, toute seule. Parfois en passant dans les villages, le four d’un boulanger projetait des lueurs d’incendie, et la silhouette monstrueuse des chevaux courait sur l’autre maison en face. Aux relais, quand on avait dételé, il se faisait un grand silence, pendant une minute. Quelqu’un piétinait en haut, sous la bâche, tandis qu’au seuil d’une porte, une femme, debout, abritait sa chandelle avec sa main. Puis, le conducteur sautant sur le marchepied, la diligence repartait.
A Mormans, on entendit sonner une heure et un quart. «C’est donc aujourd’hui», pensa-t-il, «aujourd’hui même, tantôt !»
Mais, peu à peu ses espérances et ses souvenirs, Nogent, la rue de Choiseul, Mme Arnoux, sa mère, tout se confondait.
Un bruit sourd de planches le réveilla, on traversait le pont de Charenton, c’était Paris. Alors, ses deux compagnons, Otant l’un sa casquette, l’autre son foulard, se couvrirent de leur chapeau et causèrent. Le premier, un gros homme rouge, en redingote de velours, était un négociant ; le second venait dans la Capitale pour consulter un médecin ; – et, craignant de l’avoir incommodé pendant la nuit, Frédéric lui fit spontanément des excuses, tant il avait l’âme attendrie par le bonheur.
Le quai de la gare se trouvant inondé, sans doute, on continua tout droit, et la campagne recommença. Au loin de hautes cheminées d’usines fumaient. Puis on tourna dans Ivry. On monta une rue ; tout à coup il aperçut le dôme du Panthéon.
La plaine, bouleversée, semblait de vagues ruines. L’enceinte des fortifications y faisait un renflement horizontal ; et, sur les trottoirs en terre qui bordaient la route, de petits arbres sans branches étaient défendus par des lattes hérissées de clous. Des établissements de produits chimiques alternaient avec des chantiers de marchands de bois. De hautes portes, comme il y en a dans les fermes, laissaient voir, par leurs battants entrouverts, l’intérieur d’ignobles cours pleines d’immondices, avec des flaques d’eau sale au milieu. De longs cabarets, couleur sang de boeuf, portaient à leur premier étage, entre les fenêtres, deux queues de billard en sautoir dans une couronne de fleurs peintes ; çà et là, une bicoque de plâtre à moitié construite était abandonnée. Puis, la double ligne de maisons ne discontinua plus ; et, sur la nudité de leurs façades, se détachait, de loin en loin, un gigantesque cigare de fer-blanc, pour indiquer un débit de tabac. Des enseignes de sage-femme représentaient une matrone en bonnet, dodelinant un poupon dans une courtepointe garnie de dentelles. Des affiches couvraient l’angle des murs, et, aux trois quarts déchirées tremblaient au vent comme des guenilles. Des ouvriers en blouse passaient, et des haquets de brasseurs, des fourgons de blanchisseuses, des carrioles de bouchers ; une pluie fine tombait, il faisait froid, le ciel était pâle, mais deux yeux qui valaient pour lui le soleil resplendissaient derrière la brume.
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