Название: Histoire de la musique
Автор: Henri Lavoix
Издательство: Bookwire
Жанр: Изобразительное искусство, фотография
isbn: 4064066080174
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C'est par la notation que le son et le rythme sont représentés à l'œil et à l'esprit. Les Grecs sont les plus anciens peuples, si l'on en excepte les Hindous et les Chinois, qui nous aient laissé une écriture musicale. Nous savons, à peu de choses près du moins, comment les Grecs écrivaient leur musique, et cela à deux époques différentes. Ils possédaient deux notations, l'une pour le chant, l'autre pour la musique instrumentale; mais toutes deux étaient basées sur le même principe, c'est-à-dire que l'on employait les lettres de l'alphabet, soit entières, soit tronquées, soit retournées. Dans la plus ancienne écriture, les sons étaient représentés par des combinaisons de lettres, les unes simples, les autres doubles (fig. 12):
FIG. 12.
C'est dans Alypius, dans Bacchius le Vieux, dans un manuscrit anonyme, contenant des exemples, malheureusement trop peu nombreux de musique instrumentale, et dans trois hymnes, que l'on retrouve des traces de la double notation grecque, dite nouvelle, pour voix et pour instruments. Ici encore ce sont des lettres de l'alphabet qui servent de signes; mais pour suppléer à leur insuffisance et afin de les distinguer les unes des autres, on les employait droites, debout, couchées ou renversées. Les lettres droites dominaient dans la notation destinée aux voix, les lettres couchées ou renversées étaient plus spécialement employées pour la notation instrumentale (fig. 13):
FIG. 13.
Pour exprimer tous les sons de l'échelle musicale, en comptant la musique instrumentale et la musique vocale, il fallait employer au moins cent trente-huit signes; ajoutez à cela ceux qui servaient à indiquer la durée de ces notes et les silences, et vous verrez que le nombre des lettres de la notation grecque devait s'élever théoriquement à plus de cent cinquante. Aristoxène avait raison de dire que la science de la musique était tout entière dans la notation. C'est à Polymneste de Colophon que l'on attribue l'invention de la notation grecque, vers 640, mais n'ajoutons pas plus de foi qu'il ne convient à cette attribution, puisque Pythagore est aussi regardé comme un des inventeurs de la notation par lettres.
FIG. 14.
Les signes de valeur indiquant la durée des sons ou les silences et complétant la notation étaient ceux-ci (fig. 14):
Tel est le système de notation exposé par Aristoxène, vers 320 avant J.-C. et par Alypius. Il est ingénieux et assez complet, mais il manque de simplicité. Nous verrons, du reste, en donnant un fac-similé des courts fragments de musique grecque qui nous sont restés, que, dans la pratique, cette écriture s'éloignait sensiblement de la notation théorique (fig. 15).
Jusqu'ici nous ne nous sommes occupés que de la théorie; mais en passant à la pratique, c'est-à-dire au chant et à la mélodie, nous sommes dans une situation assez analogue à celle où seraient dans vingt siècles nos descendants, si tout à coup les œuvres musicales des maîtres disparaissaient, et s'il ne restait de nous que quelques traités théoriques, avec de rares exemples, plus une quarantaine de lignes de musique à peu près.
FIG. 15.—FRAGMENT DE L'HYMNE A LA MUSE CALLIOPE.
(Ms. de la Bibliothèque nationale.)
Ce que nous avons encore de musique antique consiste en trois chants hymniques, l'un à Calliope, l'autre à Apollon, le troisième à Némésis. Ces trois chants sont attribués à Mésomède, un musicien de décadence du IIe siècle après J.-C. Il nous faut citer aussi les trois premiers vers de la première pythique de Pindare, publiés par Kircher dans sa Musurgia, et dont la musique est attribuée au grand poète thébain; mais l'authenticité de cette ode est fort discutée. Nous devons ajouter les deux inscriptions musicales trouvées à Delphes en 1893 et 1894, sous la direction de M. Homolle.
Le rythme et le mode constituaient ce que l'on appelait l'Éthos d'une mélodie, c'est-à-dire son caractère. Suivant l'emploi que l'on en faisait ou les sentiments qu'elle inspirait, la mélodie pouvait être tragique, comique, dithyrambique, érotique, encosmatique (élogieuse), systaltique (inspirant des sentiments de tristesse), hésychastique (tranquille), diastaltique (excitante et héroïque). Elle changeait de caractère, c'est-à-dire de rythme ou de mode, au moyen de la métabole. La métabole a pour analogue, dans la musique moderne, les modulations et les changements de rythme. C'est au poète Archiloque (vers 700 av. J.-C.) que l'on attribue son invention, mais elle paraît lui être antérieure.
Chaque mode avait son caractère ou Éthos particulier; cependant il faut avouer que les distinctions esthétiques n'étaient pas toujours bien fixes et que des grands philosophes, tels que Platon et Aristote, s'entendaient quelquefois assez peu sur le sens expressif d'un même mode, et pourtant le caractère des modes n'était pas seulement une spéculation philosophique; les musiciens l'appliquaient aussi de leur mieux dans la pratique. Plutarque nous raconte qu'un jour Euripide, faisant répéter un morceau de sa composition, vit rire un des exécutants: «Si tu n'étais pas dénué de toute intelligence artistique, lui dit-il, et de toute instruction, tu ne rirais pas en entendant chanter du mixolydien.»
Suivant nos idées modernes, la mélodie n'est pas seule à composer toute la musique; l'emploi des sons simultanés ou harmonie a aussi son importance, mais écrire ces mots: harmonie des Grecs, c'est réveiller les plus terribles controverses d'érudition. Le sens du mot lui-même a changé depuis l'antiquité; il désignait, ou l'ensemble de la musique, ou le mode dans lequel était chantée une mélodie, et non, comme aujourd'hui, l'accord des sons entendus simultanément. Les Grecs ont-ils, oui ou non, employé les sons simultanés? Voici quatre siècles que les historiens, musiciens et théoriciens discutent sans relâche; tous les vingt ans il paraît sur ce sujet un livre qui tranche la question sans la résoudre; il est oublié, un autre paraît qui la tranche d'une autre façon, mais sans la résoudre davantage.
En somme, pas un texte, pas un document authentique ne constate avec évidence l'existence de l'harmonie chez les Grecs. Il semble à peu près reconnu qu'ils chantaient à l'unisson, ou bien à l'octave, lorsque les voix d'hommes, d'enfants et de femmes étaient mêlées, combinaison que la nature fournit d'elle-même. Si quelque instrument accompagnait la voix, c'était à l'unisson, ou bien il doublait le chant, à une octave au-dessus ou au-dessous, ce qui s'appelait magadiser.
Aller plus loin dans les suppositions serait imprudent; disons donc simplement que si les Grecs ont eu la connaissance de l'harmonie, ils n'ont pu l'avoir que d'une façon tout à fait rudimentaire. En revanche, nous ne pouvons assez admirer avec quelle suprême délicatesse les Grecs, ces sublimes artistes, considéraient la philosophie et l'esthétique de l'art. Ils lui donnaient place dans leur religion comme dans leurs lois; ils entouraient la musique d'un rempart de lois divines et humaines qu'il était sacrilège d'enfreindre; ils faisaient СКАЧАТЬ