Название: Histoire de la musique
Автор: Henri Lavoix
Издательство: Bookwire
Жанр: Изобразительное искусство, фотография
isbn: 4064066080174
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Notre musique est d'essence toute moderne; elle paraît être un de ces monuments qui se sont élevés sur les ruines du monde antique, à la suite des invasions barbares. Il manquait à l'art musical des Grecs quelques-unes des conditions qui font que notre musique moderne est musique. La suite de ce récit démontrera qu'en dehors du rythme et de la mélodie, que les Grecs ont certainement possédés, il est d'autres formes musicales qu'ils n'ont point connues, dont ils n'ont point eu l'idée, si haute qu'ait été leur esthétique, par la raison bien simple qu'il leur était impossible de l'avoir. Mais leur architecture, mais leur sculpture, mais leur poésie? J'entends bien; mais encore un coup, ce raisonnement n'est que spécieux. Les XVe et XVIe siècles ne comptent-ils pas parmi les grandes époques de l'art? N'y admire-t-on point des peintres, comme Raphaël, des sculpteurs comme Michel-Ange? Par conséquent, les mêmes siècles auraient dû produire en même temps un Glück, un Mozart, un Beethoven, un Weber; il n'en est rien. Si grand que soit le plus grand des musiciens de cette époque, il ne peut être comparé à ceux que nous venons de nommer. Que les Grecs aient chanté, cela est incontestable; qu'ils aient bien chanté, il faut le croire, puisqu'ils le disent; mais, de ce qu'ils ont élevé le Parthénon, de ce qu'ils ont taillé dans le marbre la Vénus de Milo, de ce qu'ils nous font encore pleurer sur les malheurs d'Œdipe, il ne s'ensuit pas que leur musique ait égalé leur architecture, leur sculpture ou leur poésie. De notre temps, un siècle à peine a suffi pour faire naître Alceste, de Glück; Don Juan, de Mozart; la symphonie en ut mineur de Beethoven; Freyschutz, de Weber; Guillaume Tell, de Rossini; les Huguenots, de Meyerbeer; Lohengrin, ou l'Anneau des Niebelungen, de Wagner; que sais-je encore! Dans le même temps les peintres nous donnaient-ils les loges de Raphaël, les sculpteurs le Moïse ou le Pensieroso de Michel-Ange, les poètes le Polyeucte de Corneille?
Ce que nous savons des Grecs nous vient de deux sources. Ce sont d'abord les traités théoriques et philosophiques qu'ils nous ont laissés et trois hymnes d'une époque de décadence, plus quelques notes de cithare. Puis, à partir du XVIe siècle de notre ère, des commentateurs sont venus en grand nombre, ingénieux et savants, qui, grâce à bien des hypothèses, ont fini par découvrir quelques vérités.
Telles sont les sources auxquelles nous puisons aujourd'hui notre connaissance de l'art grec; mais, vue dans son ensemble, son histoire primitive a suivi tout naturellement les péripéties des diverses invasions, venues de tous côtés, et à la suite desquelles la presqu'île hellénique s'est peuplée.
Ces nombreuses évolutions prirent dans la vive imagination des Grecs la forme saisissable et poétique de fables ou de mythes: aussi est-ce presque toujours par un instrument que l'on peut symboliser, pour ainsi dire, chacune des grandes luttes des peuples qui ont contribué à former la musique grecque. Les plus anciens mythes nous montrent la flûte phrygienne et lydienne luttant contre la lyre dorienne. On voit l'apollonique Orphée déchiré par les Ménades de Dionysios; Apollon le venge cruellement sur Marsyas, mais force reste cependant à ce dernier; en résumé, malgré la défaite de la flûte, la lyre partage avec elle l'empire de la musique, Midas avait bien jugé sans le savoir.
A peine cette première bataille était-elle terminée d'un accord commun, qu'une autre commençait. Les Doriens descendaient des montagnes de Thrace; au sud de la Grèce, ils rencontraient des populations venues d'Égypte et de Phénicie; Apollon, dieu de la lyre simple, dut lutter contre Mercure, qui portait la cithare aux nombreuses cordes. Combien de siècles dura la lutte? Nul ne le sait. Sur bien des monuments, on voit Apollon disputer à Mercure le trépied de Delphes; on sait que là il resta vainqueur, mais il n'en fut pas de même pour l'empire de la musique, et le dénouement de la grande dispute de la lyre et de la cithare, si souvent représentée, fut que le dieu du soleil dut partager encore avec son rival. La lyre, la flûte et la cithare, Apollon, Bacchus et Mercure, tels sont les grands symboles de l'histoire musicale primitive de la Grèce (fig. 11).
FIG. 11.—DISPUTE DE LA LYRE.
Tout ce symbolisme est assez poétique; mais si de l'aimable fable nous passons à la sévère réalité, c'est-à-dire à la technique de la musique grecque, nous nous trouverons en face de questions bien grosses pour un livre du genre de celui-ci; aussi bien, devons-nous nous contenter de quelques définitions et d'un résumé plus que sommaire et, par conséquent, bien incomplet.
Les Grecs prenaient pour base l'étendue générale de la voix humaine, c'est-à-dire à peu près vingt-quatre sons, car cette étendue a varié souvent. Ils divisaient d'abord théoriquement cette étendue en fractions de huit sons ou octaves qui, comme dit Aristoxène, comprenaient toute la musique; puis, reprenant l'échelle générale, ils la subdivisaient dans la pratique en petites fractions de quatre sons ou tétracordes. L'ensemble des tétracordes s'appelait Téleusis; ce mot représentait ainsi le système musical des Grecs.
La nomenclature musicale des Grecs était, en réalité, des plus compliquées; ils n'avaient pas comme nous des syllabes pour nommer les notes. Dans la pratique, ils se servaient des lettres, et dans la théorie ils désignaient les notes par la place qu'elles occupaient dans un tétracorde. Chaque tétracorde avait son nom: hypaton signifiait grave; meson, celui du milieu; diezeugmenon, conjoint; hyperboleon, aigu. Dans chacun, le nom de la note rappelait le tétracorde auquel elle appartenait: proslambanomenos (ajouté) indiquait celle du point de départ; hypathypatos, par exemple, la note grave du tétracorde grave; mese, celle du milieu de toute l'échelle; nète, la note aiguë; paranète, celle qui était le plus près de la plus aiguë; lichanos, qui signifiait index, voulait dire que cette note était celle que l'on touchait avec l'index dans la lyre, etc.
Les Grecs connaissaient tous les intervalles que nous possédons, c'est-à-dire le ton, le demi-ton et même le quart de ton. Le ton donnait naissance au système diatonique, le demi-ton au système chromatique, le quart de ton au système enharmonique.
Les différentes gammes formaient les modes et chacun de ces modes avait une origine qui se rattachait au nom d'un musicien célèbre, le plus souvent fabuleux. Le Dorien était attribué à Polymneste de Thrace, l'Ionien à Pitherme de Milet, l'Éolien à Lasos d'Hermione, les modes Lydien et Phrygien aux divinités et aux poètes de la Grèce asiatique qui avaient lutté contre Apollon, c'est-à-dire à Hyagnis, à Marsyas, à Cybèle, à Olympe. Parmi les modes secondaires et composés, il en était un qui fut célèbre, le mixolydien, ton compliqué et relativement récent, qui a été attribué à Sapho et à Pythoclide. La musique du moyen âge a conservé surtout le dorien, le phrygien et le mixolydien, mais avec de profondes altérations, et aujourd'hui encore ce sont ces modes qui se rapprochent le plus de nos tons modernes.
Nous avons dit que la musique se composait de deux parties essentielles, le son et le rythme; on pourrait dire que le son est la matière et le rythme l'esprit de la musique; mais, malgré toutes les évolutions de notre art, c'est le rythme qui a subi le moins de changements.
La symétrie est au rythme ce que le chant est au son musical; elle n'est autre chose que la combinaison des mesures, comme le chant est la combinaison des sons; seulement le rythme peut exister sans le chant, et il n'est pas de chant qui ne possède un rythme quelconque. Pour retrouver la symétrie rythmique des anciens à défaut de mélodies, on a eu l'idée de mouler la rythmique musicale sur la prosodie des vers grecs.
Le moyen était ingénieux et a donné de bons résultats. Cependant il est prudent de ne pas pousser СКАЧАТЬ