La troisième jeunesse de Madame Prune. Pierre Loti
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Название: La troisième jeunesse de Madame Prune

Автор: Pierre Loti

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066082413

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СКАЧАТЬ dans l'air, de grandes manches qui s'agitent comme des ailes de chauve-souris. Et la guitare, sur des notes graves, gémit en trémolo sinistre...

      Quand la mousmé ensuite, sa danse finie, laisse tomber son masque affreux pour faire la révérence, on trouve d'autant plus exquise, par contraste, son amour de petite figure.

      C'est la première fois qu'au Japon, je suis sous le charme.... Je reviendrai souvent dans la «Maison de la Grue».

       Table des matières

      18 décembre.

      J'ai revu aujourd'hui ce jardinet de madame Renoncule, ma belle-mère, dont le seul aspect suffisait jadis à me donner le spleen.

      Et je l'ai revu tout pareil, aussi maladif, dans sa pénombre, entre ses vieux murs. Ses arbres nains, qui paraissaient déjà centenaires, n'ont ni changé, ni grandi d'une ligne. Tel bouquet de petits cèdres avortons, que je me rappelle si bien, de petits cèdres qui n'ont pas deux pieds de haut, se mire toujours dans le lac en miniature, dont la surface est ternie de poussière. La même teinte, verdâtre et comme moisie, est restée aux rocailles nostalgiques, dans les recoins sans soleil....

      Il y a toujours un étonnement à retrouver, dans des pays très éloignés, et après de longues années qui ont été remplies pour vous d'agitations et de courses par le monde, à retrouver de pauvres petites choses demeurées immuables, d'infimes petites plantes qui continuent de végéter aux mêmes places.

       Table des matières

      20 décembre.

      A mon précédent séjour, il y a quinze ans, on ne voyait d'ivrognes au Japon que les matelots d'Europe. Maintenant les matelots japonais s'y sont mis, à l'alcool; à peu près semblables à ceux de chez nous, sauf leur figure plate et jaune, portant le même col bleu et le même bonnet, ils vont bras dessus bras dessous, chantant et titubant par les rues. Quantité d'autres personnages, en robe nipponne, se grisent aussi le dimanche et se battent dans les cabarets.

      En fait de maisons-de-thé, celles-là seules qui sont très élégantes et très fermées, qui n'admettent que de purs Japonais et quelques étrangers de marque, celles-là seules ont gardé la tradition: minutieuse propreté blanche, grandes salles où il n'y a rien, raffinement extrême dans l'absolue simplicité.

      Mais toutes les autres, ouvertes à qui veut entrer, sont devenues sales et empestent l'absinthe. On y est admis sans se déchausser, en gros souliers boueux; plus de nattes immaculées par terre, plus de coussins pour s'asseoir; des chaises et des tables de cabaret; sur les étagères, au lieu des gentilles porcelaines pour dînettes de poupées, aujourd'hui des alignements de bouteilles, du wisky, du brandy, du pale-ale; tous les poisons d'Angleterre et d'Amérique, déversés chaque jour à pleins paquebots, sur le vieil empire du Soleil-Levant.

      Et pourtant le Japon existe encore. A certaines heures, dans certains lieux, on le retrouve si intact et si japonais, qu'il semble n'avoir subi qu'une atteinte superficielle. Cette grande baie singulière où nous sommes, entre ses hautes montagnes aux dentelures excessives, ne cesse point d'être un réceptacle d'inépuisables étrangetés. Nagasaki, malgré ses lampes électriques et la fumée de ses usines, est encore, au fond, une ville très lointaine, séparée de nous par des milliers de lieues, par des temps et des âges.

      Si son port est ouvert à tous les navires et à toutes les importations d'Occident, du côté de la montagne elle a gardé ses petites rues des siècles passés, sa ceinture de vieux temples et de vieux tombeaux. Les pentes vertes qui l'entourent sont hantées par ces milliers d'âmes ancestrales, auxquelles on brûle tarit d'encens chaque jour; elles n'ont pas cessé d'être le tranquille royaume des morts; les mystérieux symboles, les stèles de granit, les bouddhas en prière s'y pressent du haut en bas, parmi les cèdres et les bambous. Et tout cet immense lieu de recueillement et d'adoration, comme suspendu au-dessus de la ville, jette son ombre sur les drolatiques petites choses qui se passent en bas. Dans Nagasaki, n'importe où l'on se promène et l'on s'amuse, toujours, au-dessus de soi l'on sent cet amas de pagodes et de cimetières, étagés parmi la verdure; chaque rue qui s'éloigne de la rive, chaque rue qui monte finit toujours par y aboutir, et on rencontre fréquemment d'extraordinaires cortèges qui s'y rendent, accompagnant quelque Nippon défunt que l'on conduit là-haut, là-haut, dans une gentille chaise à porteurs...

       Table des matières

      23 décembre.

      J'ai retrouvé madame Prune, et je l'ai retrouvée libre et veuve!... Ça par exemple, ç'a été une émotion...

      J'étais monté par hasard vers Dioudjendji, ne pensant point à mal, quand tout à coup un tournant de sentier, un vieil arbre, une pierre, m'ont reconnu au passage d'une façon saisissante: ces choses avaient été jadis quotidiennement inscrites dans mes yeux; j'étais à deux pas de mon ancienne demeure...

      J'y suis allé tout droit, et je l'ai revue toujours la même, malgré cet air de vétusté qu'elle n'avait point encore au temps où je l'habitais. Sans hésiter, glissant la main entre les barreaux du portail, j'ai fait jouer la fermeture à secret pour entrer dans le jardin... Madame Prune était là, dans un négligé qui lui a été pénible, la pauvre chère âme que je n'aurais pas dû surprendre, le chignon sans apprêts, vaquant à quelques menus soins de ménage. Et tel a été son trouble de me revoir, qu'il ne m'est plus possible de mettre en doute la persistance de son sentiment pour moi.

      Voici trois années, paraît-il, que M. Sucre a payé son tribut à la nature; à quelque cent mètres au-dessus de sa maison, il repose dans l'un des cimetières de la montagne. La veuve conserve pieusement les reliques de l'époux qui sut puiser dans son art tant de détachement et de philosophie: l'encrier de jade, que j'ai tout de suite reconnu, avec la maman crapaud et les jeunes crapoussins; les lunettes rondes; et enfin la dernière étude qui sortit, inachevée, de cet habile pinceau, un groupe de cigognes, il va sans dire.

      Quant à mademoiselle Oyouki, depuis plus de dix ans elle est mariée, établie à la campagne, et mère d'une charmante famille.

      Et madame Prune, en baissant les yeux, a insisté sur cette liberté et cette solitude du cœur, que sa nouvelle situation lui laisse...

       Table des matières

      26 décembre.

      Ceux-là seuls qui ont le sens du chat pourront me suivre et me comprendre dans le développement de ma passion pour la petite mademoiselle Pluie-d'Avril, professionnelle de danse nipponne.

      On a le sens du chat ou on ne l'a pas; il n'y a point à raisonner sur la question. J'ai vu des gens qui par ailleurs ne donnaient aucun autre signe d'aliénation mentale, embrasser des chats irrésistiblement, avec frénésie, sans que l'affection et encore moins l'amour fussent en cause. Et ces gens n'étaient pas toujours des raffinés, des névrosés, mais souvent aussi СКАЧАТЬ