La Niania. Gréville Henry
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Название: La Niania

Автор: Gréville Henry

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066084264

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СКАЧАТЬ du kvass répond une jeune fille.

      --Et puis vous nous donnerez à souper, n'est-ce pas? cria de loin une autre voix masculine.

      --Oui, mes enfants, comme à l'ordinaire.

      --Il y aura du fromage?

      --Et des harengs?

      --Oui, et du veau froid! conclut triomphalement madame Frakine.

      A l'annonce de ce festin délicieux, les cabrioles recommencèrent de plus belle dans le salon voisin, et la bonne dame expliqua aux mamans étonnées de ce luxe inaccoutumé, que le matin, même, ayant reçu un quartier de veau de sa petite terre, elle l'avait fait rôtir immédiatement, afin de régaler sa belle jeunesse, comme elle disait.

      --Et précisément, acheva-t-elle en voyant entrer Dournof, voici l'enfant prodigue qui vient manger son veau traditionnel.

      --Ah! il y a du veau? dit Dournof avec cette bonne humeur qui ne l'abandonnait guère; qu'elle aubaine! Vous avez donc fait un héritage?

      --Mauvais sujet! fit madame Frakine, ne va-t-il pas me reprocher ma pauvreté! D'où sortez-vous comme ça sans crier gare?

      --J'arrive du gouvernement de T...

      --Quand?

      --Ce matin.

      --Ah! fit Madame Frakine en dirigeant ses yeux ver la porte. Antonine, qui tenait le piano au moment de l'entrée de Dournof, venait de céder sa place à une autre martyre du devoir social, et paraissait sur le seuil.

      --Repartirez-vous? demanda la vieille dame au jeune homme qui venait de s'asseoir dans un vieux canapé vermoulu, tout près d'elle.

      --Non.

      Antonine s'approchait, et, sans témoigner de timidité ni d'embarras, elle s'assit auprès de Dournof. Les dames causaient entre elles en prenant le thé, le jeune homme se pencha vers sa vieille amie.

      --Savez-vous qu'on me l'a refusée tantôt? dit-il à demi-voix.

      --Hein? fit madame Frakine ébahie.

      --On me l'a refusée parce que je n'ai pas voulu entrer dans un ministère.

      --Hein? fit une seconde fois la bonne âme, plus stupéfaite que jamais. Dournof ne put s'empêcher de rire.

      --C'est comme je vous le dis; mais cela n'empêche pas les sentiments, n'est-ce pas, Antonine?

      Sa position de prétendant évincé lui donnait une assurance nouvelle; il n'avait plus à craindre de se trahir, et éprouvait une certaine joie à s'avouer amoureux de la jeune fille.

      --Eh bien! qu'allez-vous faire, mes pauvres enfants? dit madame Frakine en les regardant avec une bonté compatissante.

      --Nous attendrons! fit gaiement Dournof. Personne ne les observait; il prit tranquillement la main d'Antonine et la garda dans la sienne sous le regard bienveillant et attristé de la vieille dame. Nous nous aimons assez pour attendre.

      --Longtemps?

      --Dieu le sait! répondit Dournof en rejetant ses cheveux bouclés en arrière. Allons valser, ajouta-t-il en se levant.

      Il avait quitté la main d'Antonine; mais, sur le seuil de la porte, il lui passa un bras autour de la taille et fondit la foule des cavaliers restés sans dames, qui regardaient danser les autres.

      --Tu danses déjà? lui jeta un camarade peu charitable, faisant allusion à son deuil encore récent.

      --Vita nuova, mon cher, lui jeta Dournof par dessus l'épaule; j'étais chenille, je me fais papillon, et d'ailleurs on prend son bonheur où on le trouve.

      Sur cette réponse passablement énigmatique, il se mit à valser comme si la vie n'avait eu pour lui d'autre but que de tourner en mesure autour d'un salon.

      Quand l'heure fut venue de rentrer, Jean Karzof, qui était arrivé fort tard, après l'opéra italien qu'il aimait passionnément, sortit avec sa soeur et un groupe de jeunes gens, qui tous demeuraient à peu de distance les uns des autres. Dournof les accompagnait, et bientôt, profitant de l'extase où la musique avait plongé son ami, qu'un camarade avait entraîné dans une discussion acharnée, il se rapprocha d'Antonine. La nuit était belle, la maison des Karzof tout proche; on allait à pied; les fiancés causèrent quelques moments ensemble.

      --Il faut bien que je m'accoutume à ma nouvelle situation, dit Dournof; je suis à peu près comme un colonel sans régiment, un curé sans cure; je suis un fiancé sans fiancée...

      Antonine tourna vivement la tête de son côté. Sous le capuchon qui recouvrait sa tête, il lut un reproche dans l'éclair de ses yeux.

      --Je suis sans fiancée aux yeux des autres. Je puis avouer hautement que je vous aime, mais puis-je dire que vous m'aimez? --Elle hésita un moment, puis répondit franchement:

      --Vous pouvez le dite, puisque c'est vrai.

      Dournof la regarda, et se sentit fier d'elle.

      --Je vois, continua la jeune fille, que le meilleur est de nous fier à l'amitié et à l'honneur de ceux qui nous entourent; si nous semblons nous méfier d'eux, quelque parole maligne reviendra à mes parents. Si nous ne cachons rien,--je suis certaine que tous feront de leur mieux pour nous protéger.

      --Vous avez raison, s'écria Dournof, frappé de la logique juvénile de ce raisonnement audacieux. Commençons tout de suite. Amis! dit-il d'une voix forte.

      Les cinq jeunes gens qui marchaient à côté de Jean s'arrêtèrent autour de lui.

      --Toi, le premier, dit Dournof, tu sais que j'aime ta soeur et qu'on me la refuse; tu es chagriné de ce refus, et jusqu'ici nous avions vécu en frères...

      --Et cela continuera jusqu'à la fin de nos deux vies, interrompit Jean.

      --Ta soeur ne veut pas se soumettre à l'arrêt de ses parents..

      --Elle a raison, fit Jean en prenant le bras de sa soeur sous le sien.

      --Eh bien, à vous tous, mes amis, qui seriez heureux de trouver du secours dans une position semblable, je déclare qu'Antonine et moi nous continuons à nous considérer comme fiancés, en attendant le jour où un changement dans ma fortune me permettra de la réclamer.

      Nous vous communiquons cette nouvelle, parce qu'il nous semble plus digne de l'amitié et de l'honneur d'agir franchement avec vous. Allez-vous nous protéger contre la calomnie, et nous prévenir des dangers qui pourraient nous menacer à notre insu?

      --Nous jurons, dit une voix toute jeune et vibrante d'émotion contenue, de défendre la jeunesse et l'amour contre l'opiniâtreté intéressée de la vieillesse.

      --Nous le jurons! répétèrent les autres.

      Ils étaient alors sur un des innombrables ponts qui coupent les canaux de Pétersbourg; la ville dormait; à peine, de loin en loin, entendait-on le roulement d'une voiture attardée; leurs voix retendirent fraîches et jeunes.

      --Hourra! СКАЧАТЬ