La fiancée du rebelle: Épisode de la Guerre des Bostonnais, 1775. Joseph Marmette
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Название: La fiancée du rebelle: Épisode de la Guerre des Bostonnais, 1775

Автор: Joseph Marmette

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066085148

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СКАЧАТЬ être frêle. Ses cheveux noirs, relevés sur les tempes, étagés sur le sommet de la tête, et couronnés d'un panache de plumes, comme le voulait la mode du temps, avaient de ces reflets bleuâtres que l'on volt sur l'aile des geais. Son front était peu élevé, comme celui des belles statues grecques, et il avait toute la blancheur et le poli du marbre. Ses grands yeux bruns, et doux au regard comme le velours au toucher, brillaient d'une douce flamme sous de longs cils noirs. Le nez était droit, mince; la bouche petite et fraîche comme une rose sauvage qui s'entr'ouvre et sourit, humide de rosée, au premier baiser du matin; seulement la lèvre inférieure, un peu plus ronde que l'autre; était comme une cerise, traversée au milieu par la plus charmante petite raie du monde. Il y avait dans le sourire de cette bouche virginale comme un parfum de fleur joint à une saveur de fruit. Le contour de sa figure était d'un pur ovale, et sur le velouté des joues apparaissaient les teintes les plus délicieusement carminées qui se soient jamais rencontrées sous le délicat pinceau d'Isabée. Enfin, par la ténuité de la taille, et la petitesse de la main et du pied, elle aurait pu être Andalouse et comtesse comme la belle Juana d'Orvado, rêve de poëte entrevu par Musset dans la plus fraîche inspiration de ses vingt ans. Quand l'oeil, charmé des exquises perfections de cette enfant, se portait ensuite sur la figure si peu séduisante du père, on se demandait comment, d'un aussi disgracieux personnage pouvait être issu un être aussi ravissant.

      Il y avait donc nombreuse réunion chez M. Cognard qui, pour le moment, était absent de chez lui et occupé à faire sa cour au général Carleton. Il avait pensé, non sans raison, que cela le poserait bien aux yeux du gouverneur d'aller lui offrir ses hommages aussitôt après son arrivée.

      Au moment où le capitaine James Evil entra dans la grand'chambre, on y dansait joyeusement au son du violon. L'arrivée de l'officier causa la sensation qu'un habit galonné d'or ne manque jamais de produire dans un cercle où figurent des femmes. Toutes les dames, même la sèche compagne de M. Cognard, lui lancèrent leurs plus provoquante oeillades, excepté pourtant Alice qui causait dans un coin avec le jeune homme que nous avons remarqué à l'évêché, et parut retenir avec peine un mouvement d'impatience à la vue du capitaine anglais.

      Celui-ci s'en alla présenter ses saluts, assez froids, à la maîtresse de la maison, salua les assistants d'un signe de tête, et se rapprocha d'Alice sans regarder celui qui était avec elle.

      Ce dernier, dont il est temps de dire le nom, s'appelait Marc Evrard. Il dirigeait dans la rue Sous-le-Fort, une maison de commerce dont les fonds appartenaient en partie à un riche marchand canadien de Montréal, M. François Cazeau, qui joua un rôle lors de l'invasion de 1775 et se compromit beaucoup pour aider les insurgent:

      Marc Evrard—vous expliquerons bientôt la nature de ses relations avec

       François Cazeau, paraissait depuis plusieurs mois faire la cour à

       Mademoiselle Alice Cognard et passait dans le monde pour lui être

       fiancé.

      On disait aussi que le capitaine Evil recherchait Alice, mais ne paraissait pas lui plaire outre mesure. Toutes ces conjectures étaient fondées. Car il y a toujours eu, de par le monde, de ces vieilles femmes; mariées ou non; dont l'occupation unique est d'épier les jeunes gens et de surprendre, dans leurs regards ou leur attitude, le secret de leur amour. Quelle ardeur inquiète pousse donc ces pions femelles, bêtes noires des amoureux, à scruter ainsi ces jeunes coeurs, à deviner en eux les élans comprimés d'une passion généreuse? Est-ce, pour les dames sur l'âge du retour, par suite d'un regret de leurs amours éteintes et de leurs illusions fanées comme leurs charmes, et, chez les filles trop majeures, par cause d'un désir d'affection toujours déplorablement déçu? Je laisse aux moralistes ou aux intéressés à préciser le fait.

      James Evil avait donc brusquement interrompu le tête-à-tête d'Alice et de Marc Evrard.

      —Mademoiselle, dit-il dans un assez bon français qu'il avait appris en France même où il avait voyagé après la guerre de Sept ans, Mademoiselle me fera-t-elle l'honneur de sa compagnie à la prochaine danse?

      —J'en suis bien fâchée, répondit Alice, mais monsieur Evrard que voici et que vous n'avez pas semblé apercevoir, m'en a prié avant vous.

      —Oh! pardonnez moi, mais vous êtes-vous engagée pour l'autre danse aussi?

      —Oui, monsieur.

      —Toujours avec M. Evrard?

      —Oui, monsieur, répondit Alice en rougissant un peu, mais enchantée au fond de faire cette malice à l'officier qu'elle détestait.

      —Oh! oh c'est bien! répondit Evil qui lança un regard haineux à Marc et pirouetta sur ses talons en se dirigeant vers un groupe de femmes auxquelles il demanda de vouloir bien organiser une contredanse. Ce genre de danse n'était encore que peu ou point connu au Canada où elle fut apportée par les conquérants. La contredanse (country-danse) étant une innovation anglaise, James Evil avait un secret plaisir à l'imposer à une société canadienne, sachant bien que les invités de M. Cognard étaient presque tous gens à se plier aux caprices d'un officier de l'armée britannique.

      Marc et Alice furent forcés de figurer dans la contredanse que James

       Evil dut diriger du commencement à la fin.

      Quand la danse fut terminée, Marc dit à Alice qu'il ramenait sa place:

       —Je crois que vous avez un peu durement reçu ce pauvre capitaine.

      Marc, en parlant ainsi, n'était point sincère; au contraire il était enchanté, d'avoir vu humilier devant lui cet arrogant officier.

      —Vous pensez, dit Alice en glissant un malin regard entre ses longs cils. Bah! tant pis pour lui! S'il vous avait salué encore, je ne dis pas. Pour lui prouver que j'aime autant danser avec vous que je le déteste lui-même, et pour faire pièce, à sa vilaine danse anglaise, venez exécuter un pas de gavotte avec moi.

      En passant devant les deux joueurs de violon, Alice leur demanda l'air qu'elle désirait.

      Les violons attaquèrent aussitôt une gavotte. C'était un air lent à deux temps, se coupant en deux reprises dont chacune commençait avec le second temps et finissait sur le premier. Les phrases et le repos en étaient marqués de deux mesures. C'était une danse toute française que la gavotte. Vers le temps qui nous occupe, la reine Marie-Antoinette la dansait à Paris avec toute la perfection désirable. La gavotte disparut en France après la Révolution et n'y fut jamais bien populaire.

      Comme elle ne s'exécutait qu'à deux personnes et concentrait sur elle l'attention de toute la salle, malheur à celles que leurs vilains pieds ou leur tournure commune n'auraient pas tout d'abord empêchées d'y figurer. Il fallait déployer dans la gavotte une telle souplesse, une si grande aisance et tant de grâce dans les mouvements, que la tâche était difficile pour toutes autres que de très-élégantes personnes.

      Alice, la mignonne jeune fille, n'avait pas à redouter cette épreuve. Et peut-être aussi, par une coquetterie bien innocente, la recherchait-elle à dessein pour mieux faire valoir son élégance et ses grâces incontestables. Ses petits pieds de fée trottaient si gentiment au bas de sa polonaise de soie rose; les hauts talons rouges de ses bottines de maroquin battaient si bien la mesure et d'un air si mutin; sa taille souple et fine se pliait si gracieusement sur les larges paniers qui gonflaient la jupe de sa robe dans ses tournoiements de sylphide.

      Et certes son partenaire lui faisait honneur. En ces temps où la danse ne consistait pas encore dans un marcher absurde, Marc Evrard СКАЧАТЬ