Histoire fantastique du célèbre Pierrot. Assollant Alfred
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Читать онлайн книгу Histoire fantastique du célèbre Pierrot - Assollant Alfred страница 6

Название: Histoire fantastique du célèbre Pierrot

Автор: Assollant Alfred

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066087142

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СКАЧАТЬ prince Horribilis, plus tremblant encore que son père, avait écouté ce dialogue sans mot dire; mais, quand il vit l'audace et le succès de Pantafilando, la colère lui donna du courage, et il s'avança au milieu de la salle.

      —Tu oublies, dit-il au géant, que la loi salique règne en Chine, et que la couronne ne peut pas tomber aux mains de ma soeur qui n'est qu'une femme.

      —Et moi, suis-je une femme? cria Pantafilando d'une voix de tonnerre. Viens, si tu l'oses, ver de terre, me disputer cette couronne, et je te coupe en deux d'un seul revers.

      A ces mots, il tira son cimeterre qui avait quarante pieds de haut, et que vingt hommes robustes n'auraient pas pu soulever. Horribilis frémit et courut se cacher derrière le ministre de la guerre, qui se cachait lui-même derrière le fauteuil de la princesse Bandoline. Content de cette marque de frayeur qu'il prit pour une marque de soumission, le géant dit d'un ton plus doux:

      —Chinois et Tartares, puisque la divine providence a bien voulu m'appeler, quoique indigne, au gouvernement de ce beau pays, je jure de remplir religieusement mes devoirs de souverain, et je vous demande de me jurer à votre tour fidélité aussi bien qu'à mon auguste épouse, la belle Bandoline.

      —Nous le jurons, s'écria toute l'assemblée avec l'enthousiasme habituel en pareille circonstance. Pierrot seul ne dit rien.

      Le géant s'agenouilla et voulut baiser la main de sa fiancée; mais celle-ci, effrayée de se voir unie à un pareil homme, ne put s'empêcher de se cacher le visage dans les mains en pleurant.

      —Ne faites pas la prude ni la mijaurée, s'écria Pantafilando, ou par le ciel! je....

      —Que feras-tu? dit Pierrot d'un ton qui attira sur lui l'attention générale.

      Jusqu'ici notre ami avait gardé un silence prudent. Au fond, il se souciait fort peu que Vantripan ou Pantafilando régnât sur la Chine. Que me font leurs affaires? pensait-il. Vantripan m'a nommé capitaine des gardes, et je suis prêt à me battre pour lui, s'il m'en donne le signal; mais, s'il ne réclame pas mes secours, s'il se laisse détrôner, s'il aime mieux la paix que la guerre, est-ce à moi de me faire estropier pour lui? Si les Chinois supportent les Tartares, est-ce à moi de les trouver insupportables? Ces réflexions lui firent garder la neutralité jusqu'au moment où il vit pleurer la belle Bandoline. C'est ici le lieu de vous avouer une faiblesse de Pierrot.

      Il était amoureux de la princesse. J'en suis bien fâché, car Pierrot n'était qu'un paysan, et si l'on voit des rois épouser des bergères, on vit rarement des reines épouser des bergers. L'amour ne raisonne pas, et Pierrot passait toutes les nuits où il n'était pas de garde à veiller sur les fenêtres de la trop adorée Bandoline. Il l'aimait parce qu'elle était belle, et aussi, sans qu'il s'en rendît compte, parce qu'elle était fille du roi et qu'elle avait de magnifiques robes. Pierrot disait:

      —Je suis capitaine, je serai général, je vaincrai l'ennemi, je conquerrai un royaume, et je l'offrirai à la belle Bandoline avec ma main.

      Il ne parla cependant pas de son projet à sa marraine, confidente ordinaire de ses pensées, mais elle le devina.

      —Le papillon va se brûler les ailes à la chandelle, dit-elle; tant pis pour lui! L'homme ne devient sage qu'à ses dépens. Ce n'est pas moi qui ai fait la loi, mais je ne veux pas l'aider à la violer.

      L'amoureux Pierrot fut donc saisi d'indignation en voyant cette princesse adorée sur le point de passer aux mains du géant. Dans un premier mouvement dont il ne fut pas maître, il tira son sabre.

      Pantafilando fut d'abord si étonné, qu'il ne trouva pas un mot à dire. Puis la colère et le sang lui montèrent au visage avec tant de force, qu'il faillit succomber à une attaque d'apoplexie. Son front se plissa et ses yeux terribles lancèrent des éclairs. Tous les assistants frémirent; seul l'indomptable Pierrot ne fut pas ébranlé. La princesse jeta sur lui un regard où se peignaient la reconnaissance et la frayeur de le voir succomber dans un combat inégal. Ce regard éleva jusqu'au ciel l'âme de Pierrot.

      —Prends le royaume de la Chine, le Tibet et la Mongolie, s'écria-t-il; prends le royaume de Népaul où les rochers sont faits de pur diamant; prends Lahore et Kachmyr qui est la vallée du paradis terrestre; prends le royaume du Grand-Lama si tu veux; mais ne prends pas ma chère princesse, ou je t'abats comme un sanglier.

      —Et toi, dit Pantafilando transporté de colère, si tu ne prends pas la fuite, je vais te prendre les oreilles.

      A ces mots, levant son sabre, il en asséna sur Pierrot un coup furieux.

      Pierrot l'évita par un saut de côté. Le sabre frappa sur la table de la salle à manger, la coupa en deux, entra dans le plancher avec la même facilité qu'un couteau dans une motte de beurre, descendit dans la cave, trancha la tête à un malheureux sommelier qui, profitant du désordre général, buvait le vin de Schiraz de Sa Majesté, et pénétra dans le sol à une profondeur de plus de dix pieds.

      Pendant que le géant cherchait à retirer son sabre, Pierrot saisit une coupe de bronze qui avait été ciselée par le célèbre Li-Ki, le plus grand sculpteur qu'ait eu la Chine, et la lança à la tête du géant avec une roideur telle que, si au lieu de frapper le géant au front, comme elle fit, elle eût frappé la muraille, elle y eût fait un trou pareil à celui d'un boulet de canon lancé par une pièce de 48. Mais le front de Pantafilando était d'un métal bien supérieur en dureté au diamant même. A peine fut-il étourdi du coup, et, sans s'arrêter à dégager son sabre, il saisit l'un des trois généraux qui l'avaient suivi, et qui regardaient le combat en silence, et le jeta sur Pierrot. Le malheureux Tartare alla frapper la muraille, et sa tête fut écrasée comme une grappe de raisin mûr que foule le pied du vendangeur. A ce coup, la reine et la princesse Bandoline, qui seules étaient restées dans la salle après la fuite des dames de la cour, s'évanouirent de frayeur.

      Pierrot lui-même se sentit ému. Tous les autres spectateurs, immobiles et blêmes, s'effaçaient le long des murailles, et mesuraient de l'oeil la distance qui séparait les fenêtres du fleuve Jaune qui coulait au pied du palais. Malheureusement, Pantafilando avait fait fermer les portes dès le commencement du combat. Vantripan criait de toute sa force:

      —C'est bien fait, seigneur Pantafilando, tuez-moi ce misérable qui ose porter la main sur mon gendre bien-aimé, sur l'oint du Seigneur!

      Le prince Horribilis, non moins effrayé, priait Dieu à haute voix pour qu'il lançât sa foudre sur ce téméraire, ce sacrilége Pierrot, qui osait attaquer son beau-frère et aimer sa soeur.

      —Lâches coquins, pensa Pierrot, si je meurs ils me feront jeter à la voirie, et si je suis vainqueur, ils recueilleront le fruit de ma victoire! J'ai bien envie de les laisser là et de faire ma paix avec Pantafilando. Rien n'est plus facile; mais faut-il abandonner Bandoline?

      Tout à coup il s'aperçut que sa belle princesse était évanouie. En même temps, Pantafilando ouvrant la porte, criait à ses Tartares de venir à son secours. Je serais bien fou de les attendre, dit Pierrot; et prenant son élan, d'une main il saisit sa bien-aimée par le milieu du corps, de l'autre il ouvrit la fenêtre, puis s'élança dans le fleuve Jaune avec Bandoline.

      Son action fut si prompte et si imprévue que le géant n'eut pas le temps de s'y opposer. Il vit avec une rage impuissante Pierrot nager jusqu'à la rive opposée, et là, rendre grâces au ciel qui avait sauvé sa princesse et lui d'un épouvantable malheur.

      Aux cris de Pantafilando, les cent mille Tartares mirent pied à terre СКАЧАТЬ