La confession d'un abbé. Louis Ulbach
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Название: La confession d'un abbé

Автор: Louis Ulbach

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066086688

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СКАЧАТЬ enfant! je la devinais, je la lisais dans mon cœur. Je l'aiderais à rentrer en possession de la belle vie régulière, dans un devoir doux et partagé, à laquelle, sans s'en douter, peut-être, elle aspirait comme moi.

      Elle semblait coquette à un être frivole comme Gaston; mais sa coquetterie était la bravoure de sa mélancolie. Elle se défendait contre les convoitises banales, par ses beaux éclats de rire. Quel homme heureux serait celui qui amènerait des larmes dans ces yeux noirs, et qui, s'agenouillant quand elle pleurerait, lui prendrait les mains et lui dirait doucement:—Ma chère femme!—provoquant ainsi le sourire immuable des amours profondes et vraies!…

      Je remuais confusément ces idées, en revenant à l'hôtel de Thorvilliers.

      Une lumière attendue, espérée, mais inconnue pourtant, descendait en moi et me révélait à moi-même.

      Mes dispositions mystiques, poétiques, n'étaient que l'aurore brumeuse de cette vocation conjugale qui m'apparaissait un apostolat. Mari! père! Ces deux idées jaillissaient avant toutes les autres, purifiant la voie sur laquelle d'autres rêves profanes viendraient ensuite…

      Encore une fois, je n'écris pas un roman; je ne veux pas non plus me défendre. J'explique comment j'aurais été un chef de famille, aussi ardent que j'ai été depuis un missionnaire célèbre; comment cette timidité, que mes camarades calomniaient, était sincère; comment, avec une prédisposition à recevoir les coups du ciel, je ne luttai pas contre ce foudroiement d'un amour absolu, qui a été bien torturé, bien égaré, bien puni, et qui, maudit par les autres, condamné même par moi, n'a pu s'éteindre à aucune heure de ma vie, et s'alimente de mes remords, des angoisses de ma douloureuse paternité. Je veux que l'on comprenne bien mon droit mystérieux, humain, que les hommes me nient, que Dieu m'a donné…

      A plusieurs reprises dans la journée et dans la soirée, Gaston me reparla de Reine de Chavanges. Y mettait-il de la raillerie? Se doutait-il de cette possession qui commençait? Étais-je plus pâle que d'habitude, ou bien étais-je trahi par ma rougeur? Une joie qui bouillonnait en moi me rendait-elle, par crainte, plus triste d'apparence, ou bien laissais-je voir que j'étais jeune aussi, et plus amoureux que tous mes camarades?

       Table des matières

      J'allai avec Gaston, et je retournai seul, chez la marquise de

       Chavanges.

      J'acquis par moi-même la preuve de ce que mon ami m'avait affirmé.

      La grand'mère avait augmenté d'un nom la liste des prétendants, et Reine acceptait, avec son indifférence habituelle, ce soupirant de plus à écouter, à éconduire.

      Avec indifférence? non. Avec curiosité? à coup sûr. Avec dédain? peut-être.

      En effet, les regards de la jeune fille, vagues et d'une politesse égale pour tout le monde, se concentraient et se durcissaient, quand je la saluais.

      Elle ne me disait rien de désagréable; au contraire; sa façon de parler, rieuse, étourdie, libre, se calmait, se contraignait, pour m'interroger ou me répondre. Il y avait dans ses moindres mots une bonne volonté polie; mais le regard trahissait la méfiance.

      Je tirais de cette attitude une raison d'espérer, autant qu'une raison de craindre. Ce qui se montrait de sérieux et de grave m'enchantait et prouvait bien que cette jeune fille pouvait devenir une femme sérieuse. Mais ce qui se laissait voir de gracieux en elle n'était que l'effort de sa pitié pour mieux voiler son dédain, son antipathie…

      Ah! c'était bien l'amour qui était entré en moi, puisque la douleur y était entrée aussitôt. J'aimais cette douleur et j'attisais cet amour lointain, immense, jaloux, muet…

      Ces dames quittèrent Paris pour le château de Chavanges, un mois après notre première rencontre. On ne m'invita pas directement à une visite; mais Gaston, vers l'époque des chasses, ayant reçu un petit mot de la marquise, me le montra. J'étais, en post-scriptum, prié d'accompagner mon ami.

      —L'idée de m'avoir pour tuer son gibier vient de la marquise, me dit

       Gaston; l'idée de te voir à Chavanges vient de Reine, j'en suis sûr.

       C'est elle qui a dicté le post-scriptum.

      Le cœur me battit bien fort à cette remarque. Quand mon ami me donnait une espérance, je le croyais sincère. Peut-être se moquait-il de moi, cependant. Mais je pensais que l'ironie est, pour certaines natures, une façon involontaire de céder à la vérité…

      Je partis avec Gaston.

      Nous n'étions pas les seuls hôtes de Chavanges. La marquise, moins par sentiment de convenance que pour avoir plus de bruit autour d'elle, invitait des amis de tous les âges. Seulement, elle n'acceptait que des vieilles femmes de son caractère, voulant que Reine exerçât sans lutte et despotiquement, tout son pouvoir.

      Le château de la marquise, situé dans les Ardennes, en avant d'une belle forêt, et en amphithéâtre au-dessus de la Meuse, était très gai, de face, quand on y arrivait par une belle avenue; quand on voyait rire le soleil dans les grandes fenêtres à petites vitres et étinceler les toits en ardoises. Mais il était sévère et un peu triste, quand on sortait par l'autre côté, pour entrer dans le parc qui montait vers la forêt. Une vaste pièce d'eau, carrée, s'encadrant comme un miroir dans une pelouse assombrie par l'ombre projetée de la maison, rappelait la pièce d'eau du château paternel. C'était une cause de plus d'attendrissement. Seulement, comme cette pièce d'eau était plus élevée que la cour d'honneur, dépavée et plantée de massifs, située entre la façade et la grille d'entrée, elle alimentait un jet d'eau, figuré par un grand cygne battant de l'aile et tendant le cou au ciel, au milieu d'un bassin.

      L'architecture du château était double et l'édifice avait deux masques. Le visage qui faisait accueil aux arrivants était une sorte de corps avancé, construit, enjolivé et signé par le dix-huitième siècle. Il s'adossait à une bâtisse du temps de Louis XIII dont la face avait disparu, et dont le péristyle servait de décor à un vestibule intérieur traversant le château dans sa largeur.

      La marquise habitait naturellement la partie ensoleillée du dix-huitième siècle; les hôtes avaient pour horizon la forêt à l'arrière-plan, un bout de parc sévère au-dessous de leurs fenêtres, et des roses à droite et à gauche. Reine était logée de ce côté, dans la partie pompadour encore, mais qui rejoignait celle du dix-septième siècle. Une haute bibliothèque, boisée comme une sacristie, salle de dessin, de musique, ayant, parmi trois portes, une qui communiquait avec l'appartement de Reine, servait de transition et de transaction entre les deux époques.

      Quand j'eus pris mes habitudes dans le château, cette pièce douce et fraîche m'attirait souvent.

      Puisque la chasse était le prétexte de ces invitations, on faisait, bon gré, mal gré, de grandes parties en forêt.

      La marquise avait une espèce de meute. Elle avait soin surtout d'utiliser les chasseurs des environs. Elle invitait les chevaux en même temps que les cavaliers. Nous étions venus de Paris, Gaston et moi, chacun avec notre cheval.

      Mais si j'aimais à Paris une promenade matinale, solitaire, au bois de Boulogne, je n'aimais guère à Chavanges ces courses furieuses qui secouaient la pensée, СКАЧАТЬ