Conscience. Hector Malot
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Название: Conscience

Автор: Hector Malot

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066089078

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СКАЧАТЬ compte bien; mais son heure n'a pas encore sonné. Parce que je manque de souplesse, je n'ai pas su gagner la sympathie ou l'intérêt de mes maîtres; ils n'ont vu que ma raideur, et, comme je n'allais pas à eux, plus encore par timidité que par fierté, ils ne sont pas venus à moi,—ce qui est bien naturel, j'en conviens; de plus comme je n'ai pas incliné mes idées devant l'autorité de quelques-uns, ceux-là m'ont pris en grippe, ce qui est plus naturel encore. Parce que je manque de politesse et suis resté pour beaucoup de choses l'Auvergnat lourd et gauche que la nature m'a fait, les gens du monde m'ont dédaigné, s'en tenant à l'écorce qu'ils voyaient et qui leur déplaisait. Plus avisé, plus malin, plus expérimenté, je me serais au moins appuyé sur la camaraderie; mais je n'en ai pas pris souci. A quoi bon? je n'en avais pas besoin: ma force me suffisait; je trouvais plus crâne de me faire craindre que de me faire aimer. Ainsi bâti, je n'avais que deux partis à prendre: ou rester dans ma pauvre chambre de l'hôtel du Sénat, en vivant de leçons et de besognes de librairie jusqu'au jour du concours pour le bureau central et l'agrégation; ou bien m'établir dans un quartier excentrique, à Belleville, Montrouge ou ailleurs, et là faire de la clientèle à la force du jarret avec des gens qui ne me demanderaient ni politesse ni belles manières. Comme ces partis étaient raisonnables, je n'ai pris ni l'un ni l'autre:—Belleville parce que je voulais pas ne plus travailler que des jambes, comme un de mes camarades que j'ai vu fonctionner à la Villette: «Votre langue.—Bon.—Votre bras.—Bon!—Et, tandis qu'il est censé tâter le pouls à son malade, de l'autre main il écrit son ordonnance: «Vomitif, purgatif....—C'est quarante sous.»—Et il s'en va, sans jamais perdre cinq minutes pour son diagnostic: il n'a pas le temps;—l'hôtel du Sénat, parce que j'en avais assez, et qu'avec ses propositions Jardine me tentait. Voilà où il m'a amené.

      —Et maintenant?

       Table des matières

      A ce moment, la bougie qui éclairait la table, s'éteignit dans le flambeau, sans que sa lueur vacillante depuis quelques instants déjà les eût avertis qu'elle allait mourir. Philis se leva:

      —Où y a-t-il des bougies? demanda-t-elle.

      —Il n'y en a plus; celle-ci était la dernière.

      —Eh bien! il n'y a qu'à faire flamber le feu.

      Elle jeta une petite poignée de bois dans l'âtre; puis, au lieu de reprendre sa chaise, elle alla chercher un coussin sur le divan et, le déposant devant la cheminée, elle s'assit dessus en s'accoudant sur le genou de Saniel.

      —Et maintenant, répéta-t-elle, les yeux levés sur lui.

      —Maintenant! je suppose qu'il ne me reste plus qu'à me sauver en Auvergne et me faire médecin de campagne.

      —Mon Dieu. est-ce possible? murmura-t-elle d'un ton qui surprit Saniel; car, s'il y avait de la douleur dans ce cri, il y avait aussi un autre sentiment qu'il ne comprenait pas.

      —En quittant l'École, je pouvais continuer à demeurer à l'hôtel du Sénat et, en donnant des leçons pour vivre, préparer mes concours; maintenant, après avoir occupé une position jusqu'à un certain point en vue, puis-je reprendre cette existence d'étudiant besoigneux? Mes créanciers, qui se sont déjà abattus sur moi ici, me harcelleront et mes concurrents au concours exploiteront ma misère... qui n'a pas d'autre cause que mes vices; on trouvera que je déshonorerais la Faculté et je serai repoussé. Ni médecin des hôpitaux, ni agrégé, j'en serais réduit à n'être que médecin de quartier; à quoi bon? l'épreuve a été faite ici; tu vois comme elle a réussi.

      —Alors tu partirais?

      —Non sans déchirement, sans désespoir, puisque ce serait notre séparation et le renoncement aux espoirs sur lesquels je vis depuis dix ans, l'abandon de mes travaux, la mort; tu vois maintenant pourquoi, malgré ta gaieté, je n'ai pas eu la force de te cacher ma préoccupation: plus tu étais charmante, plus je sentais combien tu m'es chère, plus j'étais désespéré de cette séparation.

      —Pourquoi nous séparer?

      —Que veux-tu?

      Elle se retourna vers lui:

      —Partir avec toi. Tu me rendras ce témoignage que, jusqu'à cette heure, jamais je ne t'ai parlé de mariage et n'ai laissé paraître la pensée que tu pouvais faire de moi ta femme un jour. Dans la position où tu te trouvais, dans la lutte que tu soutenais, une femme eût été un fardeau qui t'eût paralysé, alors surtout que cette femme n'était qu'une pauvre misérable créature comme moi, qui n'apportait en dot que sa misère et celle de sa famille. Mais les conditions ne sont plus les mêmes: te voilà, toi, aussi misérable et de plus désespéré; dans ton pays, où tu n'as plus que des parents éloignés qui ne te sont rien, puisqu'ils n'ont ni ton éducation, ni tes idées, ni tes besoins, ni tes habitudes, que vas-tu devenir tout seul avec tes déceptions et tes regrets? Si tu m'acceptes, je vais avec toi; à deux et quand on s'aime, on n'est nulle part malheureux. Quant tu rentreras fatigué, tu me trouveras souriante à ton retour; quand tu resteras à la maison, tu m'associeras à tes pensées, à ton travail, et je tâcherai de te comprendre. Je n'ai pas peur de la pauvreté, tu sais, et je n'ai pas peur davantage de la solitude; partout où nous serons ensemble, je serai bien. Tout ce que je te demande, c'est d'emmener ma mère avec nous, car tu sens bien que je ne peux pas l'abandonner; en la soignant, tu as appris à la connaître assez pour savoir qu'elle n'est ni gênante ni difficile; quant à Florentin, il restera à Paris où il trouvera à s'employer: son voyage en Amérique l'a assagi et ses ambitions sont maintenant faciles à contenter: gagner petitement sa vie est tout ce qu'il demande. Sans doute, nous te serons une charge, mais pas aussi lourde qu'au premier abord on pourrait le supposer: une femme, quand elle le veut, met l'ordre et l'économie dans une maison, et je te promets que je serai cette femme. Et puis je travaillerai: j'ai la certitude que mon papetier me donnera des menus aussi bien quand je serai en Auvergne qu'il m'en donne à Paris. Je pourrai aussi, sans doute, me procurer d'autres travaux; c'est cent francs par mois, peut-être cent cinquante, peut-être même deux cents. En attendant que tu te sois créé une clientèle, nous vivrons avec cet argent; en Auvergne, la vie ne doit pas être chère.

      Elle lui avait pris les deux mains, et elle suivait anxieusement sur son visage, qu'éclairait la flamme capricieuse de la cheminée, l'effet de ses paroles: c'était leur vie à tous deux qui allait se décider, et l'émotion qui lui serrait le coeur faisait trembler sa voix. Qu'allait-il répondre? Elle le voyait le visage bouleversé, sans pouvoir lire plus loin.

      Comme elle se taisait, il dégagea ses deux mains et, lui prenant la tête, il la regarda en silence pendant quelques instants:

      —Comme tu m'aimes! dit-il.

      —Donne-moi le moyen de le prouver autrement qu'en paroles.

      —Ce serait une lâcheté de t'associer à ma misère.

      —Ce serait m'estimer assez pour être assuré que j'en serai heureuse.

      —Et moi?

      —L'amour dans ton coeur ne l'emportera-t-il pas sur la fierté? Ne sens-tu pas que depuis que je t'aime mon amour a pris toute ma vie, et que rien au monde que ce qui est lui, que ce qui est toi, n'existe dans le présent comme dans l'avenir! Parce que je te vois quelques heures de temps en temps à Paris, je suis heureuse; quelles que soient les difficultés qui nous attendent, je serai plus heureuse encore en Auvergne, par cela seul que nous nous verrons toujours.

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