Une femme d'argent. Hector Malot
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Название: Une femme d'argent

Автор: Hector Malot

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066088194

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СКАЧАТЬ préoccupation pénible.

      —Je dois vous expliquer, dit-il, pourquoi j'ai tenu si vivement à attirer Robert dans mon intérieur et à l'y retenir.

      —N'est-ce pas tout naturel? ton fils et le mien ont fait leurs classes ensemble, ils sont camarades.

      —Cette raison ne m'eût pas déterminé si je n'en avais pas eu d'autres d'un ordre plus élevé, car, par sa position, son nom, sa fortune, Robert doit vivre dans un autre monde que le nôtre.

      —Quelles raisons? Tu m'inquiètes, parle.

      Mais, avant de parler, Fourcy chercha un dossier, et, l'ayant trouvé, il prit une feuille de papier dont un des côtés était occupé par une colonne de chiffres et il la présenta à M. Charlemont:

      —Voici le relevé des sommes qui ont été payées depuis trois mois pour le compte de Robert; vous voyez le total.

      —Bigre!

      —Ce n'est pas seulement le total qui est grave, c'est aussi le détail des sommes payées: Haupois-Daguillon, orfèvre, 5,400 francs; Damain, joaillier, 17,000 francs, et les autres, que vous pouvez voir en suivant; évidemment ce ne sont pas là des dépenses excusables ou tout au moins justifiables chez un jeune nomme de dix-neuf ans.

      —D'autant mieux qu'on ne lui connaît pas de maîtresse en titre.

      —J'ai dû croire cependant qu'il en avait une, car il n'est pas probable qu'il achète des bijoux pour lui-même, et il n'est pas probable non plus que ce soit pour ses dépenses personnelles qu'il ait eu recours aux usuriers et particulièrement à Carbans qui a ruiné tant de jeunes gens: Carbans a d'autant plus facilement prêté qu'il sait que dans deux ans Robert sera mis en possession de son héritage maternel.

      —Et que doit-il à Carbans?

      —Je n'en sais rien, mais le certain, c'est qu'il est entre les mains de ce coquin; ce sera à voir au moment de le tirer de là; pour le présent, en vous attendant, j'ai fait le possible pour l'arracher à la vie de Paris et l'attirer à Nogent.

      —Et tu dis qu'il est resté chez toi?

      —Depuis huit jours.

      —Sans venir à Paris?

      —Sans venir à Paris.

      —Voilà vraiment qui ne s'explique que si sa maîtresse est elle-même absente de Paris en ce moment; car il est évident que c'est cette maîtresse qui lui fait faire ces dépenses et ces dettes. Maintenant, quelle est cette femme, voilà l'inquiétant. Il est certain que si c'était une femme en vue, une femme de théâtre ou une cocotte, on connaîtrait leur liaison: une de ces femmes n'a pas Robert Charlemont, unique héritier de la maison Charlemont, pour amant, même en second ou en troisième, sans que cela se sache. S'il en était ainsi, il n'y aurait pas à s'en tourmenter, même quand elle l'entraînerait à quelque folie, c'est-à-dire à de grosses dépenses; on guérit de cette folie-là ou tout au moins on en change, ce qui est un genre de guérison. Non, ce qui m'inquiète, c'est de penser que la femme que nous cherchons est une femme du monde, ce qu'on appelle une honnête femme. Et ce compte d'argent dépensé par Robert, montre comment elle entend et pratique l'honnêteté.

      —C'est impossible.

      —Impossible à admettre pour toi, mais non pas impossible dans la réalité; ce genre de femme se rencontre, je ne dis point à chaque pas, mais encore très souvent, crois-en l'expérience d'un homme qui connaît le monde et la vie; c'est là la femme que je crains, car, avec une nature comme Robert, elle peut exercer une influence désastreuse. Il ne faut pas s'y tromper, Robert est une nature féminine, capable de grandes choses ou de très vilaines choses, selon qu'il sera poussé dans un sens ou dans un autre. Par certains côtés, il tient de sa mère; mais sa mère a été la meilleure des femmes, la plus tendre et la plus digne; tandis que je ne sais pas ce qu'il sera; il y a en lui des coins sombres et mystérieux qui ne m'ont jamais rien dit de bon. Ah! si j'avais pu m'occuper de son enfance! Mais était-ce possible avec ma vie? Si j'avais pu surveiller sa jeunesse! En tous cas, il faut, pour le moment, que nous cherchions quelle est cette femme, sa maîtresse, et que nous ne le laissions pas aller plus loin dans la voie où elle l'a amené et où elle le pousse. Tu m'aideras.

      Ce n'était point l'habitude de M. Charlemont de parler si longuement et sur ce ton; il fallait vraiment que ce que Fourcy lui avait dit et le compte qu'il lui avait montré l'eût ému plus profondément qu'il ne se laissait ordinairement toucher.

      Mais il ne resta pas sous cette impression, car il avait horreur de ce qui le troublait ou l'affectait péniblement, et il cherchait toujours à s'en débarrasser aussi vite que possible.

      —Et chez toi comment vont les choses? dit-il en homme qui veut changer le sujet de l'entretien; tu es toujours content de Lucien et de Marcelle?

      —Aussi content que peut l'être le père le plus exigeant. Pour le travail et pour tout, Lucien m'a satisfait pleinement; depuis un an bientôt qu'il est dans cette maison, on n'a pas eu un reproche à lui adresser; et je ne l'ai pas traité avec l'indulgence d'un père faible, croyez-le-bien.

      —Tu vois donc que j'ai eu bien raison de combattre ton idée d'École polytechnique.

      —Ce n'était pas mon idée, c'était celle de Lucien, et c'était parce que je voyais en lui une sorte de vocation pour la science que j'avais scrupule de la contrarier.

      —La vocation de ne rien faire, je comprends cela, mais la vocation du travail, du travail ingrat, du travail pour le travail lui-même, c'est trop naïf; où l'Ecole polytechnique aurait-elle conduit Lucien? à mourir de faim dans quelque fonction honorable. Je le veux bien, mais misérable; heureusement que madame Fourcy, qui est un esprit pratique, a compris cela et tandis que je te faisais de l'opposition de mon côté, elle t'en faisait du sien, de sorte que nous l'avons emporté; voilà Lucien dans la maison: il y fera son chemin comme tu y as fait le tien, et il sera pour Robert ce que tu as été pour moi: nous y trouverons tous notre compte. Lucien ne se plaint pas?

      —Certes non.

      —Voilà ce que c'est que la vocation; à douze ans, on a la vocation de la marine pour Robinson; à quinze ans on a celle de l'École polytechnique pour le manteau et l'épée; mais à vingt, un peu plus tôt, un peu plus tard, on commence à comprendre qu'il n'y a qu'une chose dans la vie: gagner de l'argent, et que la plus belle profession est celle qui nous en fait gagner davantage et le plus vite possible.

      —Ce n'est pas à ce point de vue que Lucien se place.

      —Je pense bien, mais il est en bon chemin, il y arrivera; je suis tranquille pour lui; et Marcelle? son mariage?

      —Les choses en sont toujours au même point.

      —C'est étrange; comment votre marquis italien ne met-il pas plus d'empressement à épouser une belle fille telle que la tienne?

      —Rien ne presse, Marcelle n'a que dix-huit ans, et sa mère aussi bien que moi nous désirons ne pas la marier trop jeune; pour mon compte, j'aurais voulu ne pas la marier avant qu'elle eût atteint la vingtième année; c'était une date que je m'étais fixée, non par égoïsme paternel, non pour l'avoir plus longtemps à moi, bien que je l'aime tendrement, vous le savez, et que la pensée d'une séparation me soit cruelle, mais pour elle, dans son intérêt; aussi ai-je vu avec chagrin le marquis Collio la rechercher, en même temps que j'ai vu avec regret Marcelle СКАЧАТЬ