Walter Benjamin: Gesamtausgabe - Sämtliche Werke. Walter Benjamin
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Название: Walter Benjamin: Gesamtausgabe - Sämtliche Werke

Автор: Walter Benjamin

Издательство: Ingram

Жанр: Контркультура

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isbn: 9789176377444

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СКАЧАТЬ qui les aime, augmente ses verdures.

      On pourrait ajouter le célèbre début de poème:

      La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse.

      S’il paraissait hasardeux de rapprocher ces défaillances métriques de l’expérience du promeneur solitaire dans la foule, on pourrait se référer au poète lui-même. On lit, en effet, dans la dédicace des Petits poèmes en prose: »Quel est celui de nous qui n’a pas, dans ses jours d’ambition, rêvé le miracle d’une prose poétique, musicale sans rhythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience? C’est surtout de la fréquentation des villes énormes, c’est du croisement de leurs innombrables rapports que naît cet idéal obsédant.«

      Nous venons de parler d’un promeneur solitaire. Solitaire, Baudelaire l’a été dans l’acception la plus atroce du mot. »Sentiment de solitude, dès mon enfance. Malgré la famille, et au milieu des camarades, surtout – sentiment de destinée éternellement solitaire.« Ce sentiment porte, au-delà de sa signification individuelle, une empreinte sociale. Une parenthèse la dégagera brièvement.

      Dans la société féodale, jouir de ses loisirs – être exempt de travail – constituait un privilège. Privilège, non seulement de fait mais de droit. Les choses n’en sont plus là dans la société bourgeoise. La société féodale pouvait d’autant plus aisément reconnaître le privilège du loisir à certains d’entre ses membres qu’elle disposait des moyens d’anoblir cette attitude, voire de la transfigurer. La vie de la cour et la vie contemplative faisaient comme deux moules dans lesquels les loisirs du grand seigneur, du prélat et du guerrier pouvaient être coulés. Ces attitudes, celle de la représentation aussi bien que celle de la dévotion, convenaient au poète de cette société, et son œuvre les justifiait. En écrivant, le poète garde un contact, au moins indirect, avec la religion ou avec la cour, ou bien avec les deux. (Voltaire, le premier des littérateurs en vue, qui rompt délibérément avec l’Eglise, se ménage une retraite auprès du Roi de Prusse.)

      Dans la société féodale, les loisirs du poète sont un privilège reconnu. Par contre, une fois la bourgeoisie au pouvoir, le poète se trouve être le désœuvré, »l’oisif« par excellence. Cette situation n’a pas été sans provoquer un désarroi notable. Nombreuses furent les tentatives d’y échapper. Les talents qui se sentaient le plus à l’aise dans leur vocation de poète prirent le plus grand essor: Lamartine, Victor Hugo se trouvaient comme investis d’une dignité toute nouvelle. C’étaient en quelque sorte les prêtres laïques de la bourgeoisie. D’autres – Béranger, Pierre Dupont – se contentaient de solliciter le concours de la mélodie facile pour assurer leur popularité. D’autres encore, dont Barbier, firent leur la cause du quatrième état. D’autres enfin, Théophile Gautier, Leconte de l’Isle, se réfugièrent dans l’art pour l’art.

      Baudelaire n’a su s’engager dans aucune de ces voies. C’est ce qui a été si bien dit par Valéry dans cette fameuse Situation de Baudelaire où on lit: »Le problème de Baudelaire devait se poser ainsi: être un grand poète, mais n’être ni Lamartine, ni Hugo, ni Musset. Je ne dis pas que ce propos fut conscient, mais il était nécessairement en Baudelaire, – et même essentiellement Baudelaire. Il était sa raison d’état.« On peut dire que Baudelaire, en face de ce problème, prit le parti de le porter devant le public. Son existence oisive, dépourvue d’identité sociale, il prit la résolution de l’afficher; il se fit une enseigne de son isolement social: il devint flâneur. Ici comme pour toutes les attitudes essentielles de Baudelaire, il paraît impossible et vain de départir ce qu’elles comportaient de gratuit et de nécessaire, de choisi et de subi, d’artifice et de naturel. En l’espèce, cet enchevêtrement tient à ce que Baudelaire éleva l’oisiveté au rang d’une méthode de travail, de sa méthode à lui. On sait qu’en bien des périodes de sa vie il ne connut pour ainsi dire pas de table de travail. C’est en flânant qu’il fit, et surtout qu’il remania interminablement ses vers.

      Le long du vieux faubourg, où pendent aux masures

      Les persiennes, abri des secrètes luxures,

      Quand le soleil cruel frappe à traits redoublés

      Sur la ville et les champs, sur les toits et les blés,

      Je vais m’exercer seul à ma fantasque escrime,

      Flairant dans tous les coins les hasards de la rime,

      Trébuchant sur les mots comme sur les pavés,

      Heurtant parfois des vers depuis longtemps rêvés.

      C’est le flâneur Baudelaire qui fit l’expérience des foules dont nous avons parlé. Nous y revenons pour mettre en valeur un autre de ces coups de sonde qu’il portait dans les profondeurs de la vie collective. Une des premières réactions que fit naître la formation des foules au sein des grandes villes, fut la vogue de ce qu’on nommait les »physiologies«. C’étaient là de petits livrets à quelques sous dont l’auteur s’amusait à classer des types d’après leur physionomie et à saisir au vol aussi bien le caractère que les occupations et le rang social d’un passant quelconque. L’œuvre de Balzac donne mille échantillons de cette manie. Voilà, dira-t-on, une perspicacité bien illusoire. Illusoire, en effet. Mais il y a un cauchemar qui lui correspond et celui-ci, de son côté, apparaît comme beaucoup plus substantiel. Ce cauchemar serait de voir les traits distinctifs qui au premier abord semblent garantir l’unicité, l’individualité stricte d’un personnage révéler à leur tour les éléments constitutifs d’un type nouveau qui établirait, lui, une subdivision nouvelle. Ainsi se manifesterait, au cœur de la flânerie, une phantasmagorie angoissante. Baudelaire l’a développée vigoureusement dans Les sept vieillards.

      Tout à coup, un vieillard dont les guenilles jaunes

      Imitaient la couleur de ce ciel pluvieux,

      Et dont l’aspect aurait fait pleuvoir les aumônes,

      Sans la méchanceté qui luisait dans ses yeux,

      M’apparut.

      …………

      …………

      Son pareil le suivait: barbe, œil, dos, bâton, loques,

      Nul trait ne distinguait, du même enfer venu,

      Ce jumeau centenaire, et ces spectres baroques

      Marchaient du même pas vers un but inconnu.

      A quel complot infâme étais-je donc en butte,

      Ou quel méchant hasard ainsi m’humiliait?

      Car je comptai sept fois, de minute en minute,

      Ce sinistre vieillard qui se multipliait!

      L’individu qui est ainsi présenté dans sa multiplication comme toujours identique, suggère l’angoisse qu’éprouve le citadin à ne plus pouvoir, malgré la mise en œuvre des singularités les plus excentriques, rompre le cercle magique du type. Cercle magique qui déjà est suggéré par Poe dans sa description de la foule. Les êtres dont il la voit composée, apparaissent comme assujettis à des automatismes. C’est, du reste, la conscience de cet automatisme strictement СКАЧАТЬ