Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, Volume 2. Charles Athanase Walckenaer
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СКАЧАТЬ par les jansénistes.—Courte exposition de ces discussions.—Publications des Provinciales. Jugement sur cet ouvrage.—Effet qu'il produit.

      Cette circonstance de l'arrivée du maréchal et de madame la maréchale de Schomberg et les lettres de Bussy démontrent que madame de Sévigné continua de résider à Paris pendant le cours de cette année 1656126. Elle fut donc témoin de toutes les fêles qui se donnèrent à la cour et chez les grands; et peut-être figura-t-elle dans les ballets et les mascarades, pour lesquels le jeune roi montrait de jour en jour plus d'inclination, et auxquels la reine et Mazarin se prêtaient. Le roi aimait aussi les courses de chevaux, les jeux de bagues, les carrousels, et il les renouvela cette année. Pendant le carrousel, il se plut à courir par la ville avec son frère sous divers déguisements, et à s'affranchir de toute étiquette127. Madame de Sévigné dut avoir plus d'une occasion de s'entretenir avec lui, non-seulement au milieu de ces grands divertissements, mais chez la princesse de Conti, chez la duchesse de Mercœur, et chez d'autres jeunes femmes d'un moindre rang, auxquelles elle se complaisait à faire des visites fréquentes et familières; et enfin chez le surintendant Fouquet, qui lui donnait, ainsi qu'au roi, à la reine et à toute la cour, de somptueux repas dans son château de Saint-Mandé128. Malgré tous ces moyens de dissipation, le théâtre et les concerts publics n'étaient pas moins fréquentés. La médiocre tragédie de Thomas Corneille (Timocrate) eut un succès qui rappela celui des chefs-d'œuvre de son frère, et les représentations en furent suivies tout l'hiver avec un empressement qui n'avait pas encore été égalé129. Le roi vint exprès au Théâtre du Marais, pour voir jouer cette pièce.

      Les ressentiments que les divisions de partis avaient fait naître s'affaiblissaient et disparaissaient, par l'effet de ces fréquentes réunions, où l'on goûtait en commun les mêmes plaisirs. Les mariages, que des penchants mutuels ou des convenances de rang et de fortune faisaient contracter, formaient chaque jour des alliances étroites entre des familles que les haines politiques séparaient auparavant. Les exilés étaient presque tous rappelés, et le sort de ceux qui ne l'étaient pas était adouci130. On avait même permis à MADEMOISELLE de s'approcher de Paris, et elle avait profité de cette permission pour donner une fête superbe au roi et à la reine d'Angleterre, dans son château de Chilly. Gaston n'avait pas encore quitté Blois, mais il avait fait son arrangement avec la cour, et il devait bientôt y reparaître. Tous ces actes de clémence donnaient de la sécurité, et augmentaient l'allégresse générale. Elle se répandit dans les provinces, où l'on cherchait aussi à imiter la capitale, qui elle-même se modelait sur la cour.

      Ce n'est pas qu'on fût complétement satisfait: les changements dans les monnaies occasionnèrent des murmures; on avait, sur de simples soupçons, renfermé plusieurs personnes à la Bastille: mais ces sujets de mécontentement ne pouvaient contre-balancer le bien-être que l'on éprouvait de se voir délivré des factions et des guerres civiles, par le rétablissement de l'autorité royale.

      La mort de Hugues de Rabutin, grand prieur du Temple, qui eut lieu cette année, vers le commencement de juin, ne mit point obstacle aux plaisirs auxquels madame de Sévigné se livrait à cette brillante époque de son existence. Ce grand prieur avait les manières rudes et impolies d'un corsaire; il en avait aussi les mœurs dissolues: il rappelait à madame de Sévigné tous les défauts et les vices de son mari, sans aucune de ses qualités. Au grand contentement de notre jeune veuve, Hugues de Rabutin donna tout ce qu'il possédait à son neveu, le comte de Bussy.

      Celui-ci, dans les lettres qu'il écrivait à sa cousine, lui rendait compte des événements de la campagne131; et par la part qu'il y eut, par le grade qu'il occupait dans l'armée, les détails auxquels il se livre sont précieux pour l'histoire, et plus certains que ceux des relations officielles; car la politique, l'intérêt du moment, tendent toujours dans ces sortes de relations à fausser la vérité. Nous apprenons encore par ces lettres de Bussy qu'il était en correspondance réglée avec Corbinelli, et que celui-ci communiquait exactement à madame de Sévigné toutes les nouvelles qu'il recevait par ce canal. Le marquis de la Trousse, cousin germain de madame de Sévigné, était dans l'armée; elle s'intéressait vivement à lui, et Bussy a grand soin de faire part à sa cousine de tout ce qui concerne ce jeune homme132.

      Les événements qui font la matière des lettres de Bussy étaient d'une grande importance. Condé avait délivré Valenciennes avec autant de bonheur que Turenne avait fait pour Arras; et Turenne, de même que Condé, s'était illustré par une savante retraite, qui aux yeux des gens de guerre contribua plus à sa réputation qu'une victoire; ou plutôt cette défaite même, que l'obstination du maréchal de la Ferté avait causée, devint pour Turenne l'occasion d'un triomphe. Après une marche rapide et déguisée, il se présenta devant la Capelle, et prit cette place, avec tous les magasins que les ennemis y avaient déposés133.

      Quoique le jeune roi allât chaque année rejoindre l'armée et emmenât avec lui une portion de sa cour, cependant la guerre n'interrompait point les plaisirs ni le mouvement ordinaire de la capitale. Les armées de part et d'autre étaient alors peu nombreuses; on ne s'était pas encore habitué, dans les calculs de l'ambition ou dans les combinaisons belliqueuses, à compter les hommes pour peu de chose, et l'on évitait d'ajouter aux effets destructeurs des combats ceux des rigueurs de l'hiver. D'un commun accord, on évitait de se mesurer avec ce terrible ennemi; on se cantonnait, et l'on restait en repos tout le temps que durait cet engourdissement de la nature; on entrait tard en campagne, et les officiers généraux ne se rendaient à l'armée que lorsque les opérations allaient commencer, c'est-à-dire en mai ou en juin; et ils revenaient souvent en ville en septembre et en octobre. Grâce au génie de Turenne, on redoutait peu les suites de la guerre. Avec lui toujours on espérait des succès; et lorsqu'il y avait des revers, on ne se laissait pas décourager, parce qu'on s'attendait à les voir presque aussitôt réparés. Ce grand capitaine prévoyait toutes les chances possibles de la fortune, et savait en effet la retenir avec fermeté au moment même où elle se disposait à lui échapper.

      Ainsi cette année le roi ne partit que le 27 mai134, et il était de retour au 9 octobre135. Bussy ne quitta l'armée que le 2 novembre136, et se rendit en Bourgogne, où ses affaires l'appelaient; mais il passa par Paris, et revint y séjourner pendant l'hiver. Les plaisirs qu'on y goûtait n'avaient souffert aucune interruption; des occasions extraordinaires s'étaient présentées qui même leur avaient donné une nouvelle activité. Après le départ du duc de Modène, reçu avec une pompe et des honneurs qui excitèrent la jalousie et blessèrent l'orgueil du duc de Mantoue137, vint la visite de la princesse d'Orange à sa mère la reine d'Angleterre138, puis ensuite le premier voyage de la reine Christine en France. Le gouvernement du jeune monarque se surpassa en magnificence et en générosité hospitalière et chevaleresque, par la réception qui fut faite à cette reine virile. La curiosité qu'elle excita fut si vive et si générale, qu'elle fit quelque temps diversion à l'attention que l'on portait aux événements de la guerre, aux cercles des précieuses, et aux disputes religieuses, qui par la publication des premières Provinciales avaient acquis un nouveau degré de chaleur.

      Cette fille du grand Gustave, qui parvint jeune à la couronne, s'était rendue célèbre par l'énergie de son caractère, son application aux affaires, ses liaisons et ses correspondances avec les savants et les hommes les plus éminents de son temps. Elle s'était faite leur disciple, et se montrait digne d'être leur émule; mais à vingt-huit ans elle résigna son sceptre, changea de religion, et se retira СКАЧАТЬ



<p>126</p>

LORET, lettre du 22 avril 1656, liv. VII, p. 62.—BUSSY, dans Lettres de SÉVIGNÉ, t. I, p. 48 et 51, lettres du 2 et 9 juillet 1656, éd. M.

<p>127</p>

LORET, liv. VII, p. 1 et 2, lettre en date du 1er janvier 1656, p. 14, 15, 19, 29; lettres en date des 22 et 29 janvier, 19 février 1656.—MONGLAT, Mém., t. LI, p. 1 et 2.—BENSERADE, Œuvres, t. II, p. 142 à 172.—LORET, liv. VII, p. 23, 61, lettres en date des 2 février et 2 avril 1656.

<p>128</p>

LORET, t. VII, p. 35, lettre en date du 26 janvier 1656; lettres en date des 27 mai et 19 août 1656, p. 191; lettre en date du 2 décembre 1656, p. 50, 53, 54; lettres en date des 25 mars et 1er avril.—MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 371.

<p>129</p>

Frères PARFAICT, Hist. du Théâtre François, t. VII, p. 178 à 182.—LORET, liv. VII, p. 198, du 16 décembre 1656.—Ibid., p. 176, apostille de la lettre en date du 5 novembre 1656.

<p>130</p>

MONTPENSIER, Mém., t. XLII, p. 48, 51.—LORET, liv. VII, p. 3; lettre en date du 1er janvier 1656.—SÉVIGNÉ, lettre de madame de Coulanges du 24 juin. 1695.—LORET, liv. VII, p. 78, en date du 20 mars 1656, et p. 29, 30, 35, 36, 103; lettres en date des 19 février, 18 avril, 24 juin et 1er juillet 1656.—SÉVIGNÉ, lettre en date du 15 mai 1671, t. II, p. 72, édit. de G. de St.-G., et 2 novembre 1673, t. III, p. 203.—LORET, liv. VII, p. 104, lettre en date du 1er juillet 1656.

<p>131</p>

BUSSY, Mém., t. II, p. 65 et 72 de l'in-12.—Ibid., t. II, p. 78 et 87 de l'in-4o.—SÉVIGNÉ, Lettres, édit. Monm., t. I, p. 48 et 51; t. I, p. 59 et 82, édit. de G. de St.-G. (9 et 20 juillet 1656).

<p>132</p>

SÉVIGNÉ, Lettres, t. I, p. 50, note b, édit. M. (9 juillet 1656).

<p>133</p>

DESORMEAUX, Histoire du grand Condé, t. IV, p. 79, 86, 93.—MONGLAT, Mém., t. LI, p. 7.—GOURVILLE, Mém., t. LII, p. 303.—MOTTEVILLE, Mém., t. XXXIX, p. 392.—RAGUENET, Hist. de Turenne, édit. de 1769, p. 264.—BUSSY-RABUTIN, Mém., t. II, p. 72, 80, 82, édit. in-12; Discours de BUSSY à ses Enfants, p. 282, 302.

<p>134</p>

LORET, liv. VII, p. 84, lettre en date du 27 mai 1656.

<p>135</p>

MONGLAT, Mém., t. LI, p. 10.

<p>136</p>

BUSSY, Mém., t. II, p. 84 et 86.—LORET, liv. VII, p. 181, lettre en date du 18 novembre 1656.

<p>137</p>

MONGLAT, Mém., t. LI, p. 1.

<p>138</p>

LORET, liv. VII, p. 22, lettre en date du 5 février.