Chronique de 1831 à 1862, Tome 4 (de 4). Dorothée Dino
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Название: Chronique de 1831 à 1862, Tome 4 (de 4)

Автор: Dorothée Dino

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ de ne vouloir rien céder sur le protectionnisme empêchera toute coalition avec les Peelistes et laisse l'opposition tout aussi divisée que l'année passée, ce qui donnera une espèce de force factice aux ministres actuels.»

      Sagan, 23 février 1852.– Je suis rentrée dans ma retraite, qui est toute ornée de glaçons. J'aime Sagan, malgré tous ses défauts, sur lesquels je ne m'aveugle nullement; il m'a coûté trop d'efforts, trop de sacrifices, pour ne pas avoir, par cela même, acquis du prix à mes yeux. Puis, j'y ai fait quelque bien, ranimé la contrée, donné de la vie, du mouvement à la population; ma surabondante activité y a trouvé pâture. J'ai quelques motifs de croire que j'y suis bien vue, et qu'on y redoute ma mort comme la fin du monde, c'est-à-dire, comme la fin de ce petit point, presque imperceptible, du monde. D'ailleurs, j'y ai traversé toute une vie de l'âme, orages, luttes, secousses; j'y ai ensuite trouvé calme, méditation, recueillement. La Providence, en m'y conduisant par mille voies bien détournées, a fait encore preuve, là, de son admirable habileté, patience et miséricorde. Il est juste que ce soit là aussi que je lui paye le plus volontiers le tribut de ma reconnaissance.

      Il n'y a pas d'amertume dans mes paroles; pour de la tristesse, c'est autre chose! Comment n'en éprouverais-je pas là? et ailleurs? et partout? J'ai eu mari sans vie domestique; j'ai des enfants sans vie matérielle; j'ai quelques rares amis dont je suis séparée; j'ai eu des guides et des protecteurs, ils ne sont plus sur la terre; ma santé n'est plus ce qu'elle a été; mes souvenirs sont souvent fort amers, comme le sont tous ceux dans lesquels on ne peut fouiller sans buter à chaque pas contre une erreur, une folie, une déception. J'ai fait, en grand, en petit, en autrui et surtout en moi-même les plus tristes expériences. Voilà de quoi justifier toutes les tristesses. Les miennes sont fréquentes, je dirai même constantes au fond de l'âme, point apparentes dans le monde, moins comprimées dans la solitude; et voilà pourquoi je leur appartiens sans partage à Sagan. Et cependant, en y regardant bien, je trouve que si j'ai autre part plus de distractions, j'ai, à Sagan, plus de consolations. J'y ai mes pauvres; c'est si bon à aimer, à soigner, précisément parce que les individus n'entrent pour rien dans l'intérêt qu'ils inspirent. On ne voit ni leurs défauts, ni leurs qualités, on ne voit en eux que les membres souffrants de Celui qui s'est immolé pour nos péchés. Plus les péchés ont été multipliés, et plus il est doux et consolant de soigner notre Sauveur dans les plaies et misères de ceux que la Providence place sous nos yeux.

      Il me semble que je viens de montrer mon âme dans tous ses replis, toute pleine à la fois des meurtrissures que je dois à Satan et des miséricordes que je dois à Dieu.

       Sagan, 29 février 1852.– Je continue à bien m'arranger de ma solitude, qui me permet de causer sans distractions avec mon curé, sans interruptions avec mon médecin. D'ailleurs, on a beau ne pas se plaire dans le monde, en reconnaître le vide et l'illusion, il nous atteint, quoi qu'on en ait. Il agite l'esprit, il trouble la paix, il obscurcit l'âme, il la fatigue, il l'épuise; on y perd le gouvernement de soi-même par mille pauvretés qu'on méprise, et cependant auxquelles on cède. Bref, on ne reprend tout son équilibre que dans une certaine réclusion, qui, pour être salutaire, doit, pendant quelque peu de jours du moins, être absolue. On en sort, et plus douce, et plus armée, plus paisible et plus forte, plus aimable dans le service des autres, et, cependant, s'appartenant davantage à soi-même. Voilà ce que je demande à ma solitude; je voudrais être sûre de l'avoir trouvé.

       Sagan, 13 mars 1852.– L'incendie du château à Varsovie donnera de l'humeur à Saint-Pétersbourg41. Une chose qui ne laisse pas d'être extraordinaire et, par conséquent, remarquée, c'est ce voyage des jeunes Grands-Ducs de Russie, se rendant, par Vienne (où on leur prépare de grandes fêtes), à Venise, en passant par Breslau et Dresde, et évitant Berlin, dont ils ne passent qu'à si extrêmement petite distance, et où se trouve, comme Roi, leur propre oncle!

       Sagan, 4 avril 1852.– Je suis décidée à essayer de passer l'hiver prochain dans le Midi. Je veux choisir un lieu où ma fille Pauline puisse venir me rejoindre. J'ai donc arrêté ma pensée sur Nice, que je connais, où j'ai déjà fait deux séjours agréables, où on vit à bon marché, sans devoirs de Cour. Le climat, pour qui n'a pas mal à la poitrine, est excellent, les environs charmants, la mer superbe, les promenades faciles. Veut-on vivre en ermite? on le peut. Veut-on voir du monde? on y trouve des échantillons des différents pays de l'Europe, parmi lesquels on peut choisir. Dans une secousse politique on peut ou s'embarquer immédiatement, ou passer en une demi-heure en France. Mon intention est d'être à Nice le 1er novembre pour y rester cinq mois consécutifs. C'est bien hardi de plonger si avant dans l'avenir, mais j'avoue que je me suis attachée à ce projet, qu'il me serait pénible d'y renoncer et que je demande à Dieu de le bénir.

      Sagan, 8 avril 1852.– La mort du prince Félix Schwarzenberg est un événement bien grave pour le jeune Empereur, pour tous les intérêts autrichiens, et, à mon avis, pour l'Europe entière, car tout ce qui affaiblit le principe conservateur est fatal, et, assurément, il était un habile et courageux champion dans la lutte contre le mauvais principe.

       Sagan, 13 avril 1852.– On sera fort content à Saint-Pétersbourg du choix de Buol pour remplacer le prince Schwarzenberg; très mécontent à Berlin, où sa raideur est, depuis les conférences de Dresde, fort redoutée. Windisch-Graetz, que j'aime personnellement beaucoup, n'eût pas convenu à ce poste; ce n'est pas un personnage politique, et, excepté une petite coterie de famille, tout le monde le juge ainsi. Il paraît que le prince Schwarzenberg, qui savait que ses jours étaient comptés, a souvent parlé à l'Empereur des éventualités après sa mort, et que c'est lui qui a désigné Buol pour les Affaires étrangères, Kübeck pour la présidence du Conseil.

       Vienne, 11 mai 1852.– Je suis arrivée à Vienne hier, vers huit heures du soir, après quinze heures de chemin de fer qui m'ont paru un peu longues, malgré un beau soleil, qui avait toutes les grâces de la nouveauté et tout le mérite de l'à-propos. A Brünn, où on s'arrête une demi-heure, j'ai aperçu le Spielberg, rendu célèbre par Silvio Pellico. Il domine de fort près la ville et comme on lui a donné, à l'extérieur, un badigeonnage rose, on peut de loin se faire illusion sur le noir de l'intérieur. Aussitôt après mon arrivée ici, j'ai vu ma sœur. Plus tard, on m'a raconté qu'il n'était question que de la belle revue du matin: trente mille hommes de troupes superbes ont été montrées à l'Empereur de Russie. Le jeune Empereur d'Autriche a commandé lui-même toute la revue. Il doit y avoir ce matin des exercices à feu; après dîner, promenade élégante de tout le beau monde au Prater où les deux Empereurs se montreront ensemble42.

      L'Empereur Nicolas est allé, en personne, voir Jellachich et le prince Windisch-Graetz; ce dernier lui a présenté ses cinq fils, tous les cinq dans l'armée.

       Vienne, 15 mai 1852.– Avant-hier, j'ai eu mon audience chez Mme l'Archiduchesse Sophie, très longue, très gracieuse, très intéressante.

      Le comte de Nesselrode avait désiré me voir; nous avons pris rendez-vous dans le cabinet de Mme de Meyendorff; autre conversation fort intéressante dont j'espère ne pas perdre le souvenir.

      J'ai aussi été chez la Princesse Amélie de Suède, qui m'a beaucoup questionnée sur sa nièce Caroline43. J'en ai dit tout le bien que j'en pense.

      J'ai passé une heure entre le prince de Metternich et sa femme, car celle-ci ne permet jamais de voir le premier seul. Je pourrais rendre mon récit bien plus intéressant, mais sous de certains courants d'air la plume se paralyse.

      Vienne, 17 mai 1852.– C'est aujourd'hui l'anniversaire de la mort de M. de Talleyrand. Ce jour rappelle de grandes épreuves, de grandes consolations, des larmes de regret et d'espérance.

      M. et СКАЧАТЬ



<p>41</p>

Le palais habité par le général-gouverneur de Varsovie fut, par suite d'un accident, la proie des flammes dans la nuit du 22 février/6 mars 1852. A force d'efforts on put, pourtant, en sauver une partie, ainsi que les archives. Cet ancien palais de la famille Radziwill avait été vendu en 1821 au gouvernement du Royaume de Pologne.

<p>42</p>

Cette entrevue des deux souverains n'avait d'autre but, pour l'Empereur Nicolas, que de rendre à l'Empereur d'Autriche, dans sa capitale, les deux visites que le Monarque lui avait faites à Varsovie.

<p>43</p>

La Princesse Royale de Saxe.