Chronique de 1831 à 1862, Tome 4 (de 4). Dorothée Dino
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Название: Chronique de 1831 à 1862, Tome 4 (de 4)

Автор: Dorothée Dino

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ par la différence du point de départ, font encore mieux ressortir l'infamie du point d'arrivée.

       Bamberg, 17 août 1851.– Les journaux qui nous ont été prêtés ici à l'auberge disent que décidément le prince de Joinville accepte toutes les candidatures: députation, présidence, tout lui convient; il se prête à tout. Il ne manquait que cet abaissement de plus pour assurer le progrès des rouges, car les légitimistes, auxquels à Claremont on a refusé la fusion, préféreront voter pour les candidats de la Montagne, à voir revenir un Orléans sans un Bourbon, et les bonapartistes en feront autant. Il paraît qu'un manifeste fort travaillé du prince de Joinville va être lancé dans le public. En attendant que je le lise, j'ai lu aujourd'hui le petit volume de la comtesse Hahn, intitulé De Babylone à Jérusalem. Il est intéressant, surtout pour qui connaît ses précédents ouvrages, pour qui la connaît elle-même. Il est d'ailleurs intéressant pour la foi; il est écrit avec verve et talent; il répond aux objections courantes des gens du monde ignorants contre le catholicisme; mais je ne suis pas bien sûre que sa conversion, du reste fort sincère, lui ait fait rencontrer en chemin l'humilité; je serais un peu tentée d'en douter; il faut bien qu'elle parle d'elle puisqu'il s'agit de son voyage spirituel, mais il y a façon de le faire; puis, tout en abjurant tous ses écrits précédents, tout en répétant qu'elle n'en sait plus une ligne, qu'elle a tout oublié, elle se cite elle-même sans cesse… Ce petit livre peut avoir une utilité réelle pour les autres; c'est donc une œuvre méritoire; mais lui sera-t-il utile à elle? Il me semble que si j'étais son confesseur, je dirais que non; mais, comme je n'ai point ce difficile honneur, je n'ai point à me faire une opinion à cet égard.

       Taunenfeld, près Lœbichau, 20 août 1851.– J'écris d'un pavillon, à une lieue de Lœbichau, que j'ai habité dans mon enfance, qui m'appartenait, dont la situation est fraîche et jolie, et où ma sœur s'est établie pendant qu'elle fait faire des réparations urgentes à Lœbichau. Je vais aller tout à l'heure, dans la partie sombre du parc, où un tertre de gazon sans clôture et une croix de fer indiquent le lieu de repos de notre mère et de notre sœur Pauline25. Je n'aime pas cette façon presque païenne, du moins peu catholique, de déposer des restes chéris. Encore est-il trop heureux que la croix s'y trouve! Mais ce bois ouvert, ces allées tournantes, ces massifs de fleurs jardinières, tout cela m'est parfaitement antipathique. J'aime une certaine austérité recueillie (qui n'ait rien de trop lugubre) pour les tombeaux; mais, avant tout, une défense sûre contre toute profanation, une barrière qu'il faille ouvrir, un verrou à tirer, une cloche à sonner. Ce n'est pas le hasard d'une promenade, peut-être joyeuse, qui doit nous conduire auprès de ceux qui nous ont quittés pour nous attendre ailleurs. Il faut savoir qu'on va à eux, il faut le vouloir, et y arriver dans une certaine disposition de l'esprit, du cœur, de l'âme…

      J'ai reçu une lettre de Paris, de ma cousine Mme Alfred de Chabannes, dans laquelle il y a le passage suivant:

      «Ici, la situation politique devient honteuse pour ma couleur. La candidature du prince de Joinville a reçu son adhésion, s'appuyant sur les républicains avancés. Je doute qu'on sache le fond de cette intrigue à Claremont; même, j'en suis sûre, le Journal des Débats qui nous était favorable ne suivra pas cette ligne désastreuse. Si, du moins, Mme la Duchesse d'Orléans voulait comprendre tout ce qui se passe, et qu'elle restât en Allemagne au lieu de n'y faire qu'une course. Thiers est au fond de toute cette détestable intrigue; il joue la Princesse et cela depuis longtemps. Il jouera de même le prince de Joinville, pour consolider la République à son profit personnel. Il est bien douloureux de voir ceux qu'on aime lancés à pleines voiles sur une semblable mer, celle des révolutions. J'en suis au désespoir.»

      Sagan, 8 septembre 1851.– J'attends aujourd'hui le Roi pour dîner, et demain dans l'après-midi, il continuera sa route. Heureusement que la pluie diluvienne d'hier a cessé et que, pour l'instant, le soleil luit et le ciel est pur.

      Sagan, 10 septembre 1851.– Le temps n'est pas beau ici; cependant, il n'est pas tombé une goutte de pluie pendant le temps que le Roi a bien voulu y rester. Seulement, s'il faisait clair, il faisait froid. Mais cela n'a pas empêché le Roi de vouloir se promener à pied, en phaéton, de vouloir tout regarder, de s'amuser des progrès qu'il remarque entre chacun de ses voyages. Il était de la meilleure humeur du monde, content de tout, gracieux, en train, drôle; bref, tout à fait entraînant comme il sait l'être; pour moi, plus affectueux que jamais. En m'embrassant à l'adieu, il a passé à mon bras un petit bracelet fort simple et d'autant meilleur goût, sur lequel se trouve gravé: Donné par l'amitié. Un petit médaillon s'y trouve accroché, contenant, sous de l'émail bleu, des cheveux de la Reine. Quel dommage que cet aimable homme soit… Roi!

      Il avait dans sa suite, très nombreuse, un officier autrichien, le baron de Hammerstein, qui lui avait été assigné pour l'accompagner dans les États autrichiens et auquel il a fait la politesse de l'inviter à le suivre jusqu'à Berlin.

      J'ai lieu de croire que le Roi a été content de son passage par l'Autriche, et que la satisfaction a été réciproque à l'entrevue d'Ischl26.

      Sagan, 20 septembre 1851.– Voilà la duchesse de Maillé morte; voilà la vicomtesse de Noailles morte. Ces deux dames n'avaient que quelques années de plus que moi. Toutes deux bien douées, encore à l'âge où l'on peut se croire un certain sursis; l'une portant avec courage de grands désastres, l'autre jouissant d'une très belle existence. Rien n'y fait, rien n'abrite le bonheur, ni l'infortune; si j'avais quelque chose à apprendre sur ce grave chapitre, ces deux événements me frapperaient encore plus, mais, en vérité, je suis bien habile sur le néant. Disons-nous, au milieu de tout ce qui périt et de cette banqueroute absolue qui est la vie, que l'affection, celle que nous ressentons nous-mêmes, encore plus que celle que nous pouvons inspirer, est un bien, un trésor, qu'il nous est accordé d'emporter dans le grand par-delà. Quoi de plus beau, en effet, que de se sentir encore, au couchant de la vie, la faculté d'aimer, de croire et par conséquent d'espérer.

       Sagan, 1er octobre 1851.– Non, je ne crois pas que l'âme la mieux préparée, la plus détachée des choses d'ici-bas, soit pour cela obligée d'éteindre tous les besoins du cœur. Je crois au contraire que rien n'est plus doux, plus tendre, plus dévoué que l'âme détachée, parce qu'elle ne doit être détachée que de l'égoïsme personnel; par conséquent, elle doit se faire toute à tous, aimer mieux, aimer avec une abnégation plus parfaite.

      Sainte Thérèse dit que la grande punition infligée à Lucifer était de ne plus pouvoir aimer. Il y a des dévots secs, arides, impitoyables, orgueilleux; ou bien il y a des ascétiques qui, ermites dans une grotte sauvage, ont rompu tout commerce avec les hommes. Mais ces ermites eux-mêmes se sont mis à aimer les oiseaux, à nourrir les hôtes des bois, à aimer la nature et les créatures ailées ou sauvages, et à les apprivoiser, tant l'homme a besoin d'aimer. Nous ne serons jamais des dévots desséchés, ni des habitants du désert. Nous serons tout simplement des chrétiens dociles, humbles, ne craignant pas la mort, résignés à vivre, aimant ceux qui sont doux et honorables à aimer, et attendant en charité, paix et confiance que Dieu nous appelle et nous juge dans sa miséricorde. C'est là, je crois, le vrai travail chrétien. Le desséchement est un piège du démon; le détachement de soi et non pas des autres, c'est là l'œuvre de Dieu.

      Voilà mon petit traité. A mon sens, on peut parvenir à résoudre le problème sans arriver à la démence de Pascal. Cruelle solution qu'un Dieu de bonté et d'équité ne saurait préparer à notre faiblesse!

       Sagan, 7 octobre 1851.– Le duc de Noailles finit une lettre, en réponse à mon compliment de condoléance sur la mort de la Vicomtesse, par ces mots: «Tout le monde ici est triste, l'Élysée est triste, les fusionnistes et les légitimistes sont tristes, les orléanistes ne sont pas gais; la confusion est au comble, les divisions sans bornes et la prévision СКАЧАТЬ



<p>25</p>

La duchesse de Courlande et la princesse de Hohenzollern.

<p>26</p>

Le Roi et la Reine de Prusse étaient arrivés à Ischl le 31 août et s'y étaient rencontrés avec l'Empereur d'Autriche. Le prince Schwarzenberg et M. de Manteuffel assistèrent à cette entrevue.