Chronique de 1831 à 1862, Tome 4 (de 4). Dorothée Dino
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Название: Chronique de 1831 à 1862, Tome 4 (de 4)

Автор: Dorothée Dino

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ ainsi, point de Princesse. J'en suis charmée. Mais quelle charge, à l'âge et avec la santé du sposo, d'avoir une femme jeune, belle et méridionale! et cela dans l'entourage Bonaparte et l'atmosphère qui l'enveloppe.

      Voici d'autres détails que j'ai glanés dans mes lettres de Paris, qui ne sont remplies que du mariage: Mlle de Montijo a de vingt-cinq à vingt-sept ans; beauté hautaine avec des cheveux auburn qu'elle tient de sa mère irlandaise; elle a des allures hardies. On raconte que jouant à cache-cache dans les saturnales de Compiègne, l'Empereur l'aurait découverte cachée derrière le rideau d'une chambre, où, se croyant seul avec elle, il aurait voulu l'embrasser étroitement, et qu'elle l'aurait repoussé en disant: «Pas avant d'être Impératrice.» Une autre personne, cachée tout auprès, prétend avoir entendu ce propos.

      Le Conseil des Ministres a été très opposé à ce mariage. Les entours immédiats en sont très peinés. Légitimistes et orléanistes sont charmés de cette équipée matrimoniale et de tout ce qu'elle promet.

       Nice, 28 janvier 1853.– J'ai eu hier une nouvelle qui me va au cœur. Le Cardinal-Prince-Évêque de Breslau est mort à son château épiscopal de Johannisberg le 19 de ce mois. Je m'attendais d'autant moins à une fin aussi prochaine que j'avais reçu le 22 une lettre de son secrétaire particulier, écrite par ses ordres, en date du 13, dans laquelle, en m'envoyant sa bénédiction pour l'année 1853, il me remerciait de mon constant intérêt, de mes vœux, et me faisait donner les détails satisfaisants d'une crise salutaire, longtemps espérée en vain par les médecins, enfin effectuée, depuis laquelle le sommeil et l'appétit se reproduisaient sensiblement. Eh bien! six jours après, il a été enlevé à ses amis, à l'Église! Et à quelle époque? Il ne nous appartient pas de demander à la Providence: Pourquoi? mais il est permis de pleurer, de prier, et surtout de suivre l'exemple de cette angélique patience qui ne s'est pas démentie un instant durant de si longues et de si cruelles souffrances. Je perds personnellement en lui un appui, une consolation à laquelle j'attachais un prix infini. Sa bonté ne s'était jamais démentie pour moi depuis 1845. Pendant huit années, il a toujours été un ami à la fois sincère et indulgent, sachant faire la part de toute chose. Je conserverai à sa mémoire la plus vive reconnaissance, et je le place dans le ciel à côté de cet autre ami chrétien dont j'ai tant aussi éprouvé l'indulgente affection58. Il me semble qu'à Rome on devra comprendre quelle perte cette mort sera pour l'Église en Allemagne. Le goût personnel du Roi de Prusse pour le Cardinal, l'influence réelle, souvent magique qu'il exerçait d'autant plus sur le Monarque qu'il était lui-même entraîné par tout ce que celui-ci a de séduisant, avaient formé un lien direct, qui était devenu la seule étoile qui brillât encore en Prusse à notre horizon religieux.

       Nice, 30 janvier 1853.– Les journaux nous ont apporté hier la nomination de la maison de l'Impératrice Eugénie59. La Grande-Maîtresse est toute naturelle, la Dame d'honneur aussi, dans une Cour qui dérive du véritable Napoléon; mais les Dames du palais sont prises dans le plus petit monde, et les Messieurs aussi. C'est drôle, d'y fourrer tant de parenté et de faire avancer sa voiture, fermer une portière, ouvrir une fenêtre, porter châles et manteaux, par des cousins.

      Un des jeux de mots de Paris est de dire que l'Impératrice sera la femme la mieux habillée, parce que tout Paris l'habille.

      On dit que l'Impératrice a toute une kyrielle de prénoms; qu'on a hésité longtemps sous lequel elle serait plus habituellement désignée, qu'on avait flotté surtout entre Eugénie et Eudoxie, et qu'enfin on s'était tenu au premier, le second sentant trop le Bas-Empire.

      Nice, 1er février 1853.– La duchesse d'Albuféra m'écrit ce qui suit: «La liste des Dames de l'Impératrice n'a été arrêtée qu'après plusieurs refus. Celui de la duchesse de Vicence a été absolu. On trouve la liste officielle fort terne.

      «Le couple impérial se rendra à Saint-Cloud après la cérémonie et y passera quelques jours; les fêtes officielles recommenceront au retour. L'amour de l'Empereur est tel que samedi 22, pendant le bal des Tuileries, il a quitté la nombreuse compagnie pour aller passer deux heures dans ses petits appartements, où Mlle de Montijo s'était rendue. Son appartement coûte un million d'ameublement; les plus magnifiques cadeaux lui seront votés; la Ville de Paris lui offre un collier valant six cent mille francs.

      «L'étiquette dans la cérémonie du mariage sera calquée sur les plus anciennes traditions; rien n'y manquera; il y aura même de plus un dais et le trône dans Notre-Dame, ce qui ne s'était pas pratiqué jusqu'à présent, dit-on.

      «Vous verrez dans les journaux qu'on sème des jardins et qu'on en plante en une nuit pour fleurir et ombrager le cortège.»

      Nice, 2 février 1853.– Il paraît qu'on pense, comme je le prévoyais, au baron de Kettler pour remplacer le cardinal Diepenbrock. C'est assurément le meilleur choix que l'on pourrait faire. M. de Kettler a beaucoup de zèle, de fermeté; beaucoup plus d'activité corporelle que le Cardinal; il visitera davantage son diocèse; il parlera tout aussi bien, au moins en chaire; il a aussi un extérieur imposant; il est bien né, bien apparenté, généralement estimé et honoré, mais il n'a pas l'onction, la grâce, la suavité, l'élégante dignité, l'à-propos dans la conversation, le tact aussi fin, aussi sûr; il alarme moins, et il n'exercera pas la même séduction personnelle sur le Roi. Ils avaient servi tous les deux dans l'armée, et M. de Kettler porte même sur son noble et austère visage une marque de son naturel guerroyant.

      Nice, 4 février 1853.– J'ai reçu plusieurs lettres de Paris. Voici, en résumé, quelques détails: à la cérémonie du mariage à Notre-Dame, la princesse Mathilde était fort théâtralement arrangée, avec un air triste et contrarié; l'Impératrice très belle; on dit que sa seule imperfection est d'être plus grande, assise, qu'on ne s'y attend quand elle est debout. Elle a dit que, sacrifiant sa liberté et sa jeunesse, elle donnait plus qu'elle ne recevait, aussi se laisse-t-elle adorer. Les Dames avaient l'air terre-à-terre, mais décent. Les décorations de Notre-Dame splendides, mais les Cardinaux n'ayant pas grand air; c'est, qu'excepté M. de Bonald, il n'y en avait pas un seul de bonne maison.

      Une circonstance sûre, mais qu'on ne publie pas pour ne pas éveiller les superstitions, c'est qu'en rentrant de Notre-Dame par une autre route que celle par laquelle le cortège s'y était rendu, la voiture impériale surmontée d'une grande couronne, en passant sous la voûte du Pavillon de l'Horloge, les chevaux entrés, elle n'a pas pu avancer. Le cocher, surpris, a donné des coups de fouet aux chevaux, qui, alors, ont fait tomber l'obstacle, lequel n'était ni plus ni moins que cette couronne, trop haute pour le portail, et qui a volé en éclats! Ominous!60

      Nice, 5 février 1853.– Quelqu'un arrivé de Paris ici dit que, pendant les cérémonies du mariage impérial, la population était curieuse, mais froide; que l'Impératrice a paru moins jolie qu'on ne s'y attendait; en effet, il me revient qu'elle était d'une pâleur extrême, ce qui nuisait à son éclat. Les marchands vendent énormément, sans doute, dans cette frénésie de luxe, mais les affaires proprement dites restent assez stagnantes, le public ne prenant encore aucune confiance, et tout apparaissant jusqu'à présent fantasmagorie.

      On me dit ce qui suit dans une lettre de Paris arrivée hier: «M. Molé vient d'être très malade d'une fluxion de poitrine, une saignée l'a sauvé. La princesse Lieven languit et se traîne misérablement dans une complaisance admiratrice et plate de tout ce qui est, sans compter pour rien les turpitudes des gens qu'elle accueille avec transport, comme porteurs de nouvelles et dépositaires du pouvoir. Elle parle de ses anciens amis avec un dédain qui révolte; jamais la rage du succès ne s'est montrée avec un plus incroyable cynisme.»

      On m'écrit СКАЧАТЬ



<p>58</p>

Allusion à Mgr de Quélen.

<p>59</p>

Par un décret du 26 janvier 1853, l'Empereur Napoléon III nommait, dans la maison de l'Impératrice, la princesse d'Essling, Grande-Maîtresse; la duchesse de Bassano, Dame d'honneur; la comtesse de Montebello, Mme Feray, la vicomtesse Lezay-Marnesia, la baronne de Pierres, la baronne de Malaret et la marquise de Las Marimas, Dames du palais; le comte Tascher de la Pagerie (sénateur), Grand-Maître; le comte Charles Tascher de la Pagerie, premier Chambellan; le vicomte Lezay-Marnesia, Chambellan; le baron de Pierres, Écuyer.

<p>60</p>

Présage.