Histoire d'Henriette d'Angleterre. La Fayette Marie-Madeleine Pioche de La Vergne
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СКАЧАТЬ à la gloire, à l'amour, aux arts, à toutes les belles et grandes choses et mettant dans toutes ses pensées l'impatience d'une malade. Car Henriette d'Angleterre, conçue dans de royales angoisses et portée, au bruit des armes, par une princesse en péril, naquit fière et brisée. On verra dans la deuxième partie du livre de madame de La Fayette quels sentiments Madame et le Roi eurent l'un pour l'autre. On sait que précédemment Louis XIV l'avait dédaignée quand il pouvait l'épouser. Leur inclination mutuelle éclata à Fontainebleau dans le bel été de 1661. Alors «elle fut occupée, dit la comtesse, de la joie d'avoir ramené le roi à elle»36. Madame de Motteville donne à Henriette les mêmes sentiments avec une nuance un peu trop sombre de rancune:

      «Elle se souvenait que Louis XIV l'avoit autrefois méprisée, quand elle auroit pu prétendre à l'épouser, et le plaisir que donne la vengeance lui faisoit voir avec joie de contraires sentimens qui paroissoient s'établir pour elle dans l'âme du roi37

      Sans être touché jusqu'aux larmes, comme Bossuet38, des sentiments que Louis XIV avait pour la femme de son frère, nous ne ferons pas un crime au jeune Roi d'un peu de surprise à se trouver si près d'une jeune femme dont le charme troublait tout le monde. Ce ne fut qu'un éclair et ils en vinrent bientôt à s'aimer comme frère et sœur, et même un peu moins, s'il est possible. Je place ici deux lettres du Roi à Madame qui font honneur à la politesse de celui qui les a écrites. L'une, que je crois la plus ancienne, n'est pas datée. Elle a été publiée pour la première fois par mon ami M. Etienne Charavay, dans sa Revue des documents historiques39. La voici:

      «Ce vendredi.

      «Les grottes et la fraischeur de St Clou ne me font point souhaitter dy estre car nous avons des lieux ja asses beaux pour nous consoler de ni estre pas, mais la compagnie qui sy treuue est si bonne qu'elle me donne des tentations furieuses de mi treuuer, et si je ne croiois vous voir demain je ne sait quel parti je prendrois et si je pourrois m'enpescher de faire un voyage au pres de vous. Faittes que touttes les dames ne moublie pas et vous souvenés de l'amitié que je vous ai promise; elle est telle qu'elle doit estre pour vous plaire, si vous auez envie que j'en aie beaucoup pour vous. Assures fort mon frère de mon amitié.»

      La suscription porte entre deux cachets noirs aux armes de France: «A ma seur.»

      L'autre lettre, écrite de Dijon, au milieu de l'heureuse et rapide campagne de 1668, n'est aussi qu'un petit compliment bien tourné.

      «A Dijon, le 5 février 1668.

      «Si je ne vous aimois tant, je ne vous escrirois pas car je nai rien a vous dire apres les nouvelles que jai mandees a mon frere mais je suis bien aise de vous confirmer ce que je vous ai dit qui est que j'ai autant damitie pour vous que vous le pouvés souhaitter. Soiés persuadés de ce que je vous confirme par cette lettre et faitte mes complimens s'il vous plait a mmes de Monaco et de Tianges40

      Cette lettre ou plutôt ce billet, dont l'original appartenait à feu M. Chambry41 qui avait bien voulu m'en donner copie, était resté inédit.

      Madame, il faut le dire, fut la première à manquer à ce qu'elle devait à son beau-frère. Dépitée de ce que le roi, venu à elle un peu tard, l'eût quittée si vite pour s'occuper de La Vallière, elle se mêla beaucoup plus qu'elle n'aurait dû de la lettre espagnole que Vardes et la comtesse de Soissons écrivirent à la jeune reine pour l'instruire des infidélités du Roi. Elle connut cette mauvaise action, l'approuva, ou du moins n'y contredit pas. Ce fut non pas méchanceté, mais faiblesse de sa part. M. de Cosnac disait bien qu'elle ne faisait pas toujours ce qu'elle savait devoir faire.

      Il vint un temps où l'attachement qu'elle avait pour Louis XIV reçut de nouvelles atteintes. Ce fut quand elle se brouilla tout à fait avec Monsieur. Elle vit alors qu'elle ne pouvait pas compter sur le Roi. Elle écrivait, le 14 avril 1670, à l'ancienne gouvernante de ses enfants, madame de Saint-Chaumont, une lettre confidentielle qui nous montre qu'il est très délicat, même pour un souverain, d'être pris pour arbitre dans des querelles de ménage. Madame n'y cache pas son mécontentement. «Quoi que le roi, dit-elle, de lui à moi, soit très bien disposé, je le trouve, en mille endroits, insupportable, faisant des fautes et des imprudences incroyables, sans en avoir l'intention.»

      Elle expose ensuite les façons embarrassées et incohérentes du Roi à son égard, et elle ajoute: «Avouez qu'un esprit un peu droit est bien étonné d'une pareille conduite.»

      La lettre se termine par un trait fort dur mais tracé de main de maître et digne d'un bon peintre de mœurs:

      «Le Roi n'est point de ces gens à rendre heureux ceux qu'il veut le mieux traiter. Ses maîtresses, à ce que nous voyons, ont plus de trois dégoûts la semaine. Voyez à quoi ses amis se doivent attendre42

      Elle confiait ces plaintes à madame de Saint-Chaumont le 14 avril 1670. Dans les deux mois qui lui restaient encore à vivre, elle rendit, par le voyage de Douvres, un éclatant service à la France et au roi. On peut croire qu'il lui marqua son contentement avec assez de force, bien que nous sachions qu'il n'alla pas au-devant d'elle pour ne pas déplaire à Monsieur. Il vint la voir à son lit de mort. Là, elle lui dit «qu'il perdait la plus véritable servante qu'il aurait jamais43». Cette parole est haute et fière, à la bien comprendre. Ce n'est pas à Louis qu'elle s'adresse, mais au Roi, c'est-à-dire à l'État. C'est la parole d'une petite-fille de Henri IV, mêlée aux affaires de deux royaumes, servant la France avec zèle et qui se voit mourir au milieu de grandes entreprises.

      V. MADAME, LE COMTE DE GUICHE ET LE MARQUIS DE VARDES

      La langue du XVIIe siècle, exprimant des mœurs fort différentes des nôtres, est devenue plus difficile à comprendre qu'on ne pense. Ce n'est point tout à fait une langue morte, et, comme nous en avons gardé presque tous les mots, il arrive que nous les prenons tout naturellement dans leur acception moderne, lors même que c'est un vieux texte qui nous les donne. Nous faisons ainsi un grand nombre de contre-sens dont nous ne nous doutons pas. C'est à ce point que je ne crois pas qu'on puisse lire couramment vingt-cinq vers de Racine en étant bien certain de les comprendre tout à fait comme les contemporains du poëte. Il y faut un peu d'exégèse; c'est à quoi les nouvelles éditions critiques avec notes et lexiques ont amplement pourvu. Mais on les consulte peu, et un Français ayant passé par le collège croira difficilement qu'il a besoin d'un dictionnaire pour comprendre Racine ou Molière, ce qui est pourtant la vérité. On fera encore moins de façons pour lire les Mémoires de mademoiselle de Montpensier ou ceux de madame de La Fayette, dont le style plus familier semble plus facile et, en réalité, demande beaucoup plus d'étude. Est-on sûr seulement de bien entendre les termes que ces écrivains emploient le plus ordinairement, ceux, par exemple, de maîtresse, d'amant, de galanterie?

      Je crois que ces réflexions sont très-bien à leur place ici, parce que l'Histoire d'Henriette d'Angleterre est un des livres qui perdent le plus à être lus à la moderne, si j'ose dire, et sans une attention suffisante aux changements que les mots ont éprouvés dans leur sens depuis le siècle de Louis XIV.

      Tout spécialement, les sentiments de M. de Guiche pour Madame ne peuvent être bien sentis que si l'on fait effort pour rendre à certains termes l'honnêteté qu'ils ont perdue en deux siècles, dans les aventures de la société française. Ainsi, ce que madame de La Fayette nomme galanterie était alors, en langage de cour, «une manière polie, enjouée et agréable de faire ou СКАЧАТЬ



<p>36</p>

Page 44 de notre édition.

<p>37</p>

Mémoires, coll. Petitot, t. XXXIX, p. 117.

<p>38</p>

Oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre.

<p>39</p>

T. II, p. 2, avec le fac-simile en regard.

<p>40</p>

Sur madame de Monaco, voir page 40, la note 164. – Sur madame de Thianges, voir page 16, note 124.

<p>41</p>

Catalogue Chambry, par Etienne Charavay, 1881 no 381.

<p>42</p>

Mémoires de Cosnac, t. I, p. 415.

<p>43</p>

Voir p. 139 de notre édition.