Les mystères du peuple, Tome IV. Эжен Сю
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Название: Les mystères du peuple, Tome IV

Автор: Эжен Сю

Издательство: Public Domain

Жанр: История

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СКАЧАТЬ hélas! à cet âge où l'on rit souvent, ils ont toujours un sourire pour l'ermite laboureur.

      –Oh! dès qu'ils l'aperçoivent, ils courent se pendre à sa robe!

      –Aussi malheureux que nous, il aime à faire aux enfants de petits présents… doux présents des pauvres gens, dit-il, et il leur donne quelques fruits des bois… un rayon de miel sauvage… un oiseau tombé de son nid…

      –Aimez-vous… aimez-vous en frères, pauvres déshérités, – nous dit-il sans cesse; – l'amour rend le travail moins rude.

      –Espérez! – nous dit-il encore; – espérez! le règne des oppresseurs passera en ce monde, et pour eux sur cette terre, viendra l'heure d'un châtiment terrible… alors les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers.

      –Jésus, l'ami des affligés, l'a dit: les fers des esclaves seront brisés… Espoir! pauvres opprimés! Espoir!

      –Unissez-vous… aimez-vous… soutenez-vous… fils d'un même Dieu, enfants d'une même patrie!.. Désunis, vous ne pourrez rien; unis, vous pourrez tout… Le jour de la délivrance n'est peut-être pas éloigné… Amour, union, patience! attendez l'heure de l'affranchissement comme l'attendaient nos pères.

      –Oui, voilà ce que chaque jour l'ermite nous dit…

      –Et de mes paroles, frères, il faut vous souvenir en ce moment, – reprit le moine laboureur. – Jésus l'a dit: malheur aux âmes endurcies! miséricorde à qui se repent! Votre évêque peut se repentir du mal qu'il a fait.

      –Moine insolent! tu oses m'accuser!

      –Ce n'est pas moi qui t'accuse… c'est ta vie passée… expie-la par le repentir, tu obtiendras miséricorde…

      –Je me repens d'une chose, infâme renégat! c'est de ne pouvoir t'assommer sur l'heure…

      –Ermite, notre ami, tu entends ce saint homme… tu vois sa repentance… qu'en faisons-nous, mes Vagres?

      –À mort! celui qui enterre des vivants avec des cadavres! à mort!

      –Mes frères, vous m'aimez…

      –Nous t'aimons, brave ermite, autant que nous abhorrons l'évêque Cautin…

      –Accordez-moi sa vie…

      –Non, non…

      –Tu l'as dit, ermite: malheur aux âmes endurcies…

      –Vois comme il se repent… à mort… à mort!

      Et, furieux, ils se précipitèrent sur le prélat qui, dans son épouvante, appela le moine à son aide; mais celui-ci, avant cet appel, avait couvert l'évêque de son corps en s'écriant:

      –Tuez-moi donc aussi, moi qui vous aime du plus profond de mon coeur et vous console de mon mieux, pauvres esclaves, tuez-moi donc aussi, moi qui ai pour vous plus de pitié que de blâme! Vagres errants au fond des bois! car la juste haine de l'oppression franque, les terribles iniquités du temps vous ont poussés à la révolte… et si vous prenez aux riches, c'est du moins pour donner aux pauvres… Non, non, vous ne tuerez pas cet homme, vous n'êtes pas des bourreaux! vous m'accorderez sa vie!

      –L'évêque nous a trop fait souffrir. Oeil pour oeil, dent pour dent.

      –Une lâche vengeance effacera-t-elle vos souffrances passées? Quoi! vous, dont les aïeux étonnaient le monde par leur bravoure généreuse… vous allez massacrer de sang-froid un homme sans défense? Seriez-vous devenus lâches? vous, fils des vaillants Gaulois des temps passés?

      Vagres et esclaves restèrent silencieux, et ne menacèrent plus l'évêque.

      –Ermite, tu es l'ami des pauvres gens. Nous t'accordons la vie de cet homme… mais il faut qu'il nous suive en Vagrerie.

      –Bien dit, Ronan! et dans nos repos, il nous fera la cuisine; il est gourmand comme un évêque, foi de Dent-de-Loup! nous dînerons en prélats.

      –Évêque, choisis! cuisinier ou pendu?

      –Sacriléges! avoir pillé, incendié ma villa épiscopale, et me forcer d'être leur cuisinier! abomination de la désolation!.. Moine, tu les entends, hélas! hélas!.. et tu n'as pour eux ni malédiction ni anathème… Est-ce ainsi que tu me défends?.. Ne m'as-tu sauvé la vie que pour jouir de mon abjection!

      –Tais-toi! Jésus de Nazareth, dont la vie avait été aussi pure que la tienne a été coupable; Jésus, dans le prétoire romain, au milieu des soldats qui l'accablaient de railleries, de sanglants outrages, disait seulement: Pardonnez-leur, mon Dieu; ils ne savent ce qu'ils font

      –Mais ils savent ce qu'ils font, ces impies, en me prenant pour cuisinier… Et tu oses me conseiller de pardonner cette énormité sacrilége…

      –Songe à ta vie passée… au lieu de te plaindre, tu remercieras le ciel…

      –Allons, mes Vagres, – dit Ronan, – allons, voici l'aube; emportons notre butin dans les chariots de l'évêque, et en route! Quel beau jour pour les bonnes gens du voisinage! Mais, avant notre départ, deux mots à cette enfant.

      Et s'avançant vers la petite esclave, qui, assise sur les marches de l'autel, avait écouté tout ceci fort étonnée, presque sans quitter Ronan des yeux, celui-ci lui dit avec bonté:

      –Pauvre enfant, sans père ni mère, viens avec nous; ne crains rien… la Vagrerie, c'est, vois-tu, le monde renversé: l'esclave et le pauvre sont sacrés pour nous; notre haine est pour le riche conquérant… Cette vie d'aventures et de dangers te fait-elle peur? l'ermite, notre ami, quoiqu'il ait le grand défaut d'empêcher les évêques Cautin d'être pendus, l'ermite, notre ami, te conduira chez une bonne âme dans quelque ville, seul endroit où l'on trouve aujourd'hui, en Gaule, un peu de sécurité, lorsque toutefois la ville n'est pas mise à feu, à sang et à sac par l'un de nos rois franks, dignes fils et petit-fils du glorieux Clovis, qui leur a laissé la Gaule en héritage, et qui sont autant qu'il l'était, curieux de se piller et de s'égorger entre frères et parents…

      –Je te suivrai, Ronan… D'abord, tu m'as fait peur; mais quand tu m'as parlé, ton regard est devenu doux comme ta voix; je suis esclave et orpheline, – ajouta-t-elle en pleurant; – que veux-tu que je fasse? où veux-tu que j'aille, sinon avec le premier qui doucement me dit: Viens…

      –Viens donc, et sèche tes larmes, petite Odille; on ne pleure guère en Vagrerie… Tu monteras sur l'un des chariots de la villa, dans lequel nos compagnons transportent, tu le vois, le butin, sans compter celui qui est resté en dehors de la chapelle… Allons, prends mon bras, et marchons, pauvre enfant…

      Et voyant l'ermite s'approcher:

      –Adieu, notre ami; tu as la vie d'un méchant évêque sur la conscience… que le Cautin te soit léger!

      –Ronan, je t'accompagne.

      –Tu viens avec nous courir la Vagrerie?

      –Oui.

      –Toi, ermite? toi, véritablement saint homme? toi, avec nous, Hommes errants, Loups, Têtes de loups, diables de Vagres que nous sommes?

      –Jésus l'a dit: «Ce ne sont pas ceux qui se portent bien, mais СКАЧАТЬ