Victor, ou L'enfant de la forêt. Ducray-Duminil François Guillaume
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СКАЧАТЬ boîte. Ce Roger apparemment… mais cet enfant; mais cette nourrice!.. Allons, quelque obstination que madame Wolf mette à nous cacher ses aventures, il faut qu'elle me les confie à moi; il faut qu'elle me détaille… d'ailleurs, j'ai des raisons, des aveux aussi à lui faire. Qui sait?.. Mais non, non, cela n'est pas possible, Voilà ma tête qui travaille, qui s'échauffe, qui enfante à son tour des chimères… Si cette femme est venue pour troubler mon repos! Que dis-je, elle est infortunée, et je pourrais regretter un moment l'hospitalité que je lui ai donnée! Ah! loin de moi cette idée! dût-elle m'arracher des larmes, dût-elle m'associer à ses peines; c'est une jouissance que de s'attendrir avec les malheureux; et l'insouciance sur les maux d'autrui est le plus bas de tous les vices du cœur!

      M. de Fritzierne, en disant ces mots, se levait déjà pour aller reporter la boîte dans l'appartement de madame Wolf, lorsque celle-ci parut. Son repos avait été de courte durée: en se réveillant, elle n'avait plus trouvé près d'elle son bijou précieux, et l'inquiétude l'avait conduite chez le baron. Elle entre, apperçoit son bijou, et reste immobile. Le baron à son tour est interdit, et ne sait comment faire excuser son indiscrétion. Madame, lui dit-il, troublé, je ne sais comment… cette boîte… le hasard… l'intérêt que vous m'inspirez… – Monsieur, lui répond madame Wolf, aussi émue que lui: vous m'aviez promis de respecter mes secrètes inquiétudes…

      Elle ne peut achever, le baron ne sait que lui dire, et Victor et Clémence se retirent par égard, pour ne pas gêner leur père, qu'ils voient forcé de rougir devant eux. Leur délicatesse leur apprend qu'il ne faut point ajouter au trouble de ceux que le hasard humilie à nos yeux. M. de Fritzierne est seul avec madame Wolf: il est plus ferme, plus tranquille, et l'engage à verser dans son sein les tourmens de son ame. Je l'ai connu, lui dit-il, cet homme que retrace le fond de votre boîte; c'est Roger, c'est ce chef de voleurs, qui maintenant rode dans nos forêts. – Quoi! monsieur!.. – Oui, madame, c'est lui, – Quoi! auriez connu ce monstre? – Hélas! tenez, confiez-moi vos malheurs; je vous dirai les miens, et tous deux nous nous consolerons mutuellement. – Monsieur, monsieur!.. Ah! n'insistez pas, en grace, ne me pressez pas davantage? C'est le secret d'une autre, d'une autre, qui n'est plus à la vérité; mais, en lui fermant les yeux, je lui ai promis de ne le révéler à personne, à personne! Vous entendez, mon cher monsieur? je l'ai déjà dit à votre aimable fils; s'il faut, par mon indiscrétion, reconnaître vos bienfaits, j'y renonce, oui, j'y renonce: laissez-moi partir; j'emporterai au moins le souvenir de vos vertus et… mon secret. – Femme cruelle!.. vous voulez donc gémir et pleurer seule? Je vous en avertis, je verrai couler vos larmes, et je ne les essuierai point. Vous ne savez pas, vous ne sentez pas ce que c'est qu'un ami! vous vous en privez; eh bien! je ne vous en parlerai plus… Peut-être votre récit m'eût-il été nécessaire pour quelques explications dont j'ai besoin, relatives à ce Roger… – Ah! ne prononçons jamais son nom! Oublions-le, oublions les chagrins passés pour n'admirer que votre bienfaisance et les vertus aimables de votre famille! – Madame Wolf, votre obstination m'a fait de la peine; je me suis emporté un peu: je vous en demande pardon. Ne pensons plus à ce petit démêlé? J'éviterai les occasions de le faire renaître, et j'attendrai, sans vous persécuter, que le temps, la confiance, l'amitié même, que je me flatte de vous inspirer par la suite, vous engagent à verser dans le sein d'un ami des peines qui, dès ce moment, s'allégeraient de moitié. Adieu, madame Wolf.

      Le vieillard lui tendit sa main, qu'elle couvrit de larmes et de baisers. Tous deux se séparèrent; et Fritzierne fut rejoindre ses enfans, qui, en blâmant, comme lui, la résistance de madame Wolf, lui promirent de partager les égards qu'il voulait avoir dorénavant pour cette femme intéressante.

      CHAPITRE IV.

      PROJETS MANQUÉS, SURCROÎT D'EMBARRAS

      Quelques jours se passèrent sans qu'il arrivât rien au château. Seulement on répandait le bruit que la troupe de Roger se grossissait dans les forêts et qu'il avait le projet d'attaquer quelques-unes des riches propriétés desquelles il s'approchait. Le baron de Fritzierne attachait à ce bruit plus d'importance que Victor, qui le regardait comme un conte exagéré. Quelle apparence en effet que des brigands, sans tactique comme sans discipline, osassent attaquer des châteaux-forts qui avaient autrefois soutenu le choc des armées les mieux réglées. Au milieu de cette sécurité, Victor n'abandonnait pas son projet, celui de s'exiler de la maison de son bienfaiteur; il n'osait plus lui parler encore de son desir de voyager, il était sûr d'en être refusé; il fallait donc qu'il le quittât sans lui faire ses adieux, autrement que dans une lettre qu'on lui remettrait après son départ.

      Victor, ferme dans cette résolution, bien persuadé que jamais il n'obtiendra la main de Clémence, tourmenté même de la crainte qu'en restant plus long-temps, son amour ne vienne à se découvrir, Victor prend la plume pour écrire à son protecteur, au père de son amante. Il écrit vingt lettres qu'il déchire successivement; enfin il s'arrête à celle-ci:

      «Homme respectable et cher, à qui, même en fuyant, je crois prouver ma reconnaissance, pardonne, pardonne si je ne t'ai pas serré dans mes bras avant de te quitter; il m'en a coûté pour me priver de te voir, mais tu m'aurais retenu, et il faut que je m'éloigne de toi!.. N'accuse pas mon cœur, il est, il sera toujours à toi; mais une fatalité inouie, une passion malheureuse!.. Adieu, n'en exige pas davantage… Quelque part où je serai, toi et ta fille vous serez l'objet de mes vœux, de mes moindres pensées!.. Ton fils pour la vie,

Victor».

      Victor relit cette lettre, puis il appelle son domestique: Valentin, lui dit-il m'es-tu attaché? – Ah, monsieur! – Il faut que tu me rendes un grand service, mon cher Valentin. Tu vas tous les soirs prendre les ordres de M. de Fritzierne, avant qu'il se mette au lit. – Oui, monsieur. – Eh bien! mon ami, il faut ce soir, avant de sortir de chez lui, que tu jettes cette lettre sur sa table sans qu'il t'apperçoive. – Cette lettre, monsieur? – Oui, mon ami. – Eh! que ne la lui remettez-vous vous-même? – Je ne le puis. – Vous ne le pouvez? J'entends, monsieur, j'entends; je sais tout. – Eh! que sais-tu? – Que vous voulez quitter cette maison; et qu'apparemment ce soir vous n'y serez plus. – Eh! qui t'a dit?.. – Clémence: oui, c'est Clémence elle-même qui m'a prévenu de vos desseins, mais avec une grace, une confiance, qui m'ont pénétré, moi. – Comment, Clémence t'a dit?.. – Oui, monsieur: que vous l'aimez, que vous n'êtes pas son frère; que dans la persuasion où vous étiez de ne jamais l'épouser, vous vouliez partir, la quitter, et me quitter aussi, moi. – Clémence t'a confié, à toi, un secret dont dépend…? – Oui, monsieur, j'ai son secret; elle m'a cru capable de le garder. Apparemment qu'elle me rend plus de justice que mon maître. – Bon Valentin!.. tu sais tout. – Oui, tout, tout; absolument tout. – Garde-toi de jamais… – Elle ne m'a pas fait cette défense-là, elle; elle sait bien que je n'en ai pas besoin. – Mais enfin, comment t'a-t-elle conté tout cela? – Oh! je m'en vais vous le dire. Comme elle sait que vous avez de la bonté pour moi, que je suis votre confident, à-peu-près… elle m'a dit, après m'avoir mis au fait: mon cher Valentin, veille bien sur ton maître, sur ses moindres démarches: prends garde qu'il ne t'échappe; si tu le vois rêveur, si tu le vois faire quelques préparatifs de voyage, viens, viens sur-le-champ m'en avertir. – Et tu lui aurais obéi, tu m'aurais trahi? – Oui, monsieur; oui, je vous aurais trahi; car ç'aurait été pour votre bonheur. Pourquoi voulez-vous vous en aller, voyons? qu'est-ce qui vous y force? Vous aimez Clémence, eh bien! attendez du temps que vous l'obteniez; puisque vous n'êtes pas son frère, vous avez de l'espoir; avec ça vous êtes un jeune homme si gentil, si bon, si raisonnable, si spirituel. M. de Fritzierne ne vous refusera pas; non: il ne peut pas vous refuser, ou bien j'irai lui dire moi-même qu'il a tort, qu'il fait mal. – Valentin!.. – Oui, monsieur, j'irai! c'est que je n'aime pas les injustices, moi, et ça en serait une grande que de ne pas faire votre bonheur; vous le méritez si bien!..

      Victor ne peut s'empêcher d'admirer le bon cœur de ce fidèle serviteur: cependant il emploie toute sa rhétorique pour lui prouver que tout l'engage à suivre son projet. Il СКАЧАТЬ