Les Mystères du Louvre. Féré Octave
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Название: Les Mystères du Louvre

Автор: Féré Octave

Издательство: Public Domain

Жанр: Историческая литература

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СКАЧАТЬ style="font-size:15px;">      Prenant alors les devants, il guida son patron à travers les escaliers, les galeries, les souterrains, jusqu'aux fosses, où il s'arrêta juste à la porte de Jacobus.

      – C'est ici, dit-il, et je crois que notre beau galant va recevoir là une visite qui lui sera moins agréable que celle du fantôme noir du Louvre. Décidément, je me range à votre avis: il n'y a qu'un hérétique capable de préférer la vue d'un spectre à celle de créatures vivantes, et surtout celle d'un premier ministre.

      Tout en grimaçant ces sarcasmes, il avait fini par démêler dans le trousseau la clef de la cellule.

      Le prisonnier crut sans doute que c'était une ronde des geôliers; il était accoudé sur sa table, lisant la Bible, et ne leva pas la tête.

      Triboulet, s'avançant sur la pointe des pieds derrière lui, vint faire résonner sa marotte à son oreille.

      – Eh quoi! dit sans aigreur le chevalier, c'est encore vous, maître bouffon. Deux visites en un jour? je vous semble donc un personnage bien gai?

      – Si gai, mon beau gentilhomme, que mes joyeusetés ne parvenant pas à dérider le plus grave personnage de ce beau royaume de France, j'ai songé à vous pour me suppléer et le divertir…

      – En vérité?

      – C'est si vrai que je l'ai amené, et que je vous le présente.

      Le prisonnier, suivant la main du bouffon, aperçut la silhouette menaçante du chancelier, immobile dans sa robe noire bordée d'hermine et le mortier en tête, sur le seuil de la cellule.

      – Je ne te croyais que fou, dit froidement Jacobus au bouffon, mais tu es méchant.

      Et sans s'émouvoir davantage, il regarda le chancelier sans forfanterie, mais sans humilité, attendant qu'il lui adressât le premier la parole.

      – Je vous trouve bien fier pour un hérétique, fit Triboulet dissimulant le coup de cette apostrophe.

      Et s'emparant du livre que le chevalier n'essaya pas de lui disputer:

      – Voyez plutôt, monseigneur, ajouta-t-il en l'ouvrant devant Duprat.

      – Quel est ce volume? demanda celui-ci.

      – Une Bible hébraïque, mais dont les marges sont couvertes d'annotations françaises.

      – Conserve-la, pour me la remettre plus tard, et souviens-toi présentement pour quel objet nous sommes ici.

      Jacobus s'était levé, mû par un secret ressort, en se voyant enlever le livre où il puisait la force et la résignation. Mais ce fut la seule marque d'émotion que son persécuteur parvint à lui arracher.

      Son attitude imposante, la calme inspiration qui régnait sur son front pâle, la grâce recueillie de ses traits encore adolescents, apparaissaient dans le rayonnement vague de la lampe, comme nageant dans l'auréole anticipée de l'immortalité et du martyre.

      Triboulet, accoutumé à honnir tout ce qui était noble et beau, furetait autour de lui, jusque sous la paille de sa couche, pour lui susciter quelque basse persécution.

      Duprat, le front crispé, le considérait avec une rage concentrée, croyant surprendre encore sur ce visage la trace des baisers de Marguerite et forcé de s'avouer qu'il n'en était pas indigne.

      – Me connaissez-vous? demanda-t-il, se décidant à rompre le silence et faisant un pas dans la cellule.

      – C'est-à-dire que je vous eusse reconnu bien plus vite, monseigneur, si je n'eusse hésité, en voyant le premier dignitaire du royaume se faire accompagner d'un jongleur.

      – Pas mal, murmura tout bas Triboulet; mais le jongleur va te montrer un tour auquel tu ne t'attends guère.

      – Vous avez le ton bien rogue, pour un homme sur lequel planent deux accusations capitales.

      – Votre Excellence excusera mon ton, si je lui réponds que c'est peut-être celui d'un prévenu, mais à coup sûr celui d'un innocent. Les hommes peuvent m'accuser, ma conscience m'absout.

      – Moi ministre, maître Jacobus de Pavanes, sachez que les juges ne condamnent que sur des preuves.

      – En ce cas, monseigneur, qu'on me conduise au prétoire, je ne crains rien.

      – Ne viens-je pas de vous dire que deux accusations planent sur vous.

      – Celle d'hérésie et celle de lèse-majesté? Qu'on les prouve donc.

      – L'hérésie, c'est la traduction et les commentaires des livres saints; le Saint-Père, la Sorbonne et le Parlement l'ont ainsi reconnu. – L'attentat à la majesté royale, c'est offense envers le souverain et les membres de sa famille, qui ne sauraient être atteints dans leur honneur sans qu'il en rejaillisse un affront sur lui. N'est-ce pas votre avis?

      – Je ne saurais méconnaître que c'est du moins le vôtre.

      – Or, reprit Duprat en distillant le poison de chaque syllabe, la preuve du crime d'hérésie par traduction et commentaires, la voici!..

      – Cette Bible! s'écria Jacobus au comble de l'étonnement.

      – Quand à la preuve de l'offense envers une personne de sang royal…

      – La voila!.. exclama le bouffon en approchant la flamme de la lampe d'un certain endroit du mur.

      – Malheur!.. s'écria Jacobus.

      Et il retomba sur sa chaise dans une attitude désolée, cette pierre venait de vendre le plus cher de ses secrets à ses persécuteurs.

      Dans les heures mortelles de sa captivité, rêvant sans cesse de Marguerite, il avait gravé sur le mur l'emblème et la devise adoptés par elle, un souci d'or regardant le soleil, et ces trois mots dans un cartouche: Non inferiora secutus.

      Quel autre qu'un amant passionné eût jamais eu l'idée de placer là ce chiffre? En fallait-il plus pour convaincre le chancelier? La preuve, comme il disait en jargon judiciaire, n'était-elle pas complète?

      – Je te fais compliment, dit-il en posant la main sur l'épaule de Triboulet, tu as la clairvoyance d'Argus. Tu serais un fameux pourvoyeur pour l'inquisition que nous allons établir.

      – Ma foi, riposta cyniquement le bouffon, j'aime mieux demeurer à la cour; c'est aussi lucratif, et l'on y voit des fous plus amusants, sans me compter.

      Mais Duprat ne l'écoutait guère. Les sourcils rapprochés, les lèvres relevées par la colère comme celles d'un chacal, dont il laissait voir en ce moment les dents aiguës, il se dressa en face du prisonnier.

      – Eh bien, dit-il, vous ne niez plus, je crois! Votre bonne conscience se tait, et les témoignages de vos crimes vous écrasent… Jacobus de Pavanes, orgueilleux puritain auquel il faut une religion pour lui seul, et des princesses pour amantes, – Jacobus de Pavanes, impie et félon, c'est avec tes larmes et ton sang que j'effacerai cette devise.

      – Le captif se courba, accablé, non pas sous cette menace, mais sous le désespoir d'avoir laissé tomber à la connaissance de cet infâme le sentiment le plus profond et le plus parfait qu'il fût possible à un cœur humain de ressentir.

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