Les Mystères du Louvre. Féré Octave
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Название: Les Mystères du Louvre

Автор: Féré Octave

Издательство: Public Domain

Жанр: Историческая литература

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СКАЧАТЬ abandonné?.. Non, hérétique, proscrit, condamné, je t'aime…

      – Prends donc ma vie, murmura-t-il fou d'ivresse, emporte avec toi mon âme, puisqu'il n'y a pas de mots dans la langue humaine pour t'exprimer ce que je ressens pour toi.

      – Ne m'aimes-tu pas aussi? reprit-elle en embrassant les boucles de ses cheveux; l'amour se paye par l'amour, tu ne me dois rien.

      Puis elle se mit à le regarder avec l'attention d'une mère qui interroge les traits de son enfant en danger, et comme son rayonnement actuel ne comblait pas les sillons creusés par ses tortures précédentes:

      – Comme tu as souffert!.. lui dit-elle.

      – C'est vrai, j'ai cru mourir, et de quelle mort!..

      Il frissonna rien qu'à ce souvenir; elle se serra contre lui.

      – Il me semblait, poursuivit-il ranimé par ce contact, que ces parois sinistres me menaçaient et allaient s'écrouler sur moi. J'attendais le supplice; Dieu soit béni, c'est le bonheur qui est venu.

      – Je comprends, le mystère de ce pan de muraille t'a surpris… C'est la porte de la vie et du salut, ami. – Messire Antoine Duprat est un persécuteur habile, mais il ne saurait tout prévoir ni tout connaître. Il a cru empêcher notre réunion en substituant ses esclaves aux serviteurs qui gardaient cette prison. Il aura favorisé ce qu'il voulait détruire.

      – Que dites-vous?

      – Ma compagne dévouée, Hélène de Tournon, est parvenue à joindre le chef de ces gardiens évincés, leur doyen, celui-là même qui m'avait enseigné le passage de l'arche de Charles V. Ce vieillard est le génie de ce donjon; il en possède tous les détours, toutes les issues dérobées. Son dévouement est à nous, je ne l'ai pas marchandé. Aujourd'hui, il m'a ouvert ce bloc impénétrable à l'œil de nos ennemis; avant peu, si d'autres projets n'ont pas abouti, il nous secondera dans une combinaison qui te sauvera aussi.

      – Mais qu'ai-je donc fait pour mériter tant d'amour? Comment parviendrai-je à le justifier jamais?.. Ah! misérable, s'écria-t-il en rencontrant la devise gravée sur le mur, misérable, maudit! Pendant que tu ne songeais qu'à mon salut, je travaillais à ta perte!..

      – Jacobus, mon ami, ta raison s'égare!..

      – Non! non! elle est pleine et entière!.. Marguerite, va-t'en, laisse-moi, renie-moi; j'ai fait ta honte!.. Ah! tu doutes; tiens, vois donc, là! sur cette même pierre qui t'a livré passage pour m'apporter tes consolations, tes baisers, ton amour, – insensé, j'ai gravé le témoignage irrécusable de cet amour…

      – Ah! c'est bien, cela, fit-elle avec ravissement, c'est bien! Tu répétais ma devise; tu dessinais mon emblème pour avoir toujours auprès de toi quelque chose qui émanât de ta Marguerite et qui te la rappelât… Et tu prétends que je t'aime trop! Oh! jamais je ne t'aimerai, je ne te le prouverai assez!

      – Mais tu ne sais pas, cette devise, cet emblème, Triboulet les a découverts, les a dénoncés au chancelier… et le démon qui est entre eux leur a révélé que c'était là un gage d'amour… d'amour partagé.

      – N'est-ce que cela! fit-elle en relevant comme une reine sa tête dédaigneuse, laisse siffler les serpents: Dieu est grand et le bon droit est fort.

      – Ainsi, tu me pardonnes mon imprudence… tu ne m'en veux pas d'avoir trahi notre secret?..

      – Trahi!.. répéta Marguerite en souriant. Cet amour est pour moi si cher et si glorieux, que je l'ai dit à ma propre mère! Si je devais mourir ici, sur l'heure, mais à Dieu lui-même je ne demanderais pas d'autre paradis que toi!

      – C'est le vœu que j'ai déjà fait, et nous avons assez souffert en commun pour que le père miséricordieux nous l'accordât…

      – Quoi! toi aussi…

      – Oh! moi surtout, car je n'ai pas été élevé absolument dans le courant des idées du vulgaire. Mon père, je te l'ai dit, a consacré une existence séculaire à étudier, à approfondir les arcanes des mondes inconnus. Il a pénétré très avant dans les sphères abstraites de la métaphysique, de la théogonie et de la génération des êtres.

      A peine ma jeune intelligence fut-elle en état de le comprendre, qu'il m'initia à ses calculs. C'est là sans doute l'origine de ma propension vers les novateurs, qui veulent nous ramener à la religion simple et pure. C'est là assurément la source de ces inclinations à la rêverie et à la mélancolie, que vous remarquâtes, qui vous attirèrent vers moi, ma bien-aimée, alors que les autres femmes, plus légères, moins amies de l'étude, me dédaignaient.

      – Que t'enseignait donc ton père?

      – Oh! des choses étranges, mais que je me suis plu souvent à tenir pour certaines, principalement quand l'adversité est venue m'atteindre. Quelques-unes de ses leçons restent gravées dans ma mémoire:

      «Enfant, me disait-il, il faut convenir que nos docteurs sont de bien grands orgueilleux, avec leur prétention de tout expliquer et leur dédain pour la sagesse des autres âges. L'homme impartial qui étudie et approfondit est moins tranchant et plus humble: il ne croit pas surtout que le monde ait vécu un nombre inconnu de siècles plongé dans les ténèbres de l'esprit, et que la vérité soit toute moderne. En quoi valons-nous donc mieux que les habitants de ces empires immenses, dont il ne reste que de rares débris, qui écrasent pourtant nos œuvres de pygmées?

      «Il ne faut pas rire de la théologie de ces peuples antiques, car ils étaient plus près de Dieu que nous. Leurs mystérieuses doctrines sur la migration, sur la transmission des âmes n'étaient-elles que mensonge? La même âme ne saurait-elle, en dépit de nos docteurs, servir successivement à animer plusieurs corps? D'où viennent les similitudes merveilleuses que l'histoire elle-même consacre dans les caractères des hommes et les événements qui en résultent, en quelque sorte dans un cercle fatal, s'il n'existe aucune relation entre le souffle qui nous anime et celui qui fut l'âme de nos devanciers?

      «Je ne te dirai jamais, avec les pyrrhoniens: Doute de tout; mais, si tu es sage, tu ne dédaigneras rien des religions ni des croyances antiques. Crois-tu donc, quand il plaît à Dieu d'animer la matière, qu'il crée une âme nouvelle pour chaque homme qui naît? Cette essence qui échappe à notre tact, à notre analyse, se perd-elle dans l'espace, retourne-t-elle se confondre dans le grand tout de l'immensité au sortir de notre misérable corps?.. Avant de conclure avec nos prétendus savants, enfant, médite et réfléchis…»

      Voilà ce que me répétait mon père, voilà pourquoi, chère Marguerite, convaincu de l'immortalité de la partie la plus noble de mon être, j'ai aspiré souvent après une seconde existence, qui sera, – puisque Dieu est la justice même, – la compensation de celle-ci.

      La princesse l'avait écouté avec recueillement; occupée elle-même d'études théologiques, lancée à la poursuite de la vérité ou de la nouveauté, parce que les enseignements de la Sorbonne ne satisfaisaient ni son impatience ni sa raison, elle suivait avec intérêt ces doctrines, qui semblaient la séduire.

      Son œil rêveur erra longtemps sous la voûte du cachot, indiquant les efforts de son imagination pour saisir la substance de ces enseignements.

      – Oui, dit-elle enfin, de cet air inspiré qui lui valut, la première en France, le titre de dixième muse, quelque chose se prononce en moi pour m'assurer que ce ne sont pas là de pures fantasmagories… Notre âme ne meurt point, et cette immortalité, en la perpétuant sous divers aspects, réalise ce СКАЧАТЬ