La Liberté et le Déterminisme. Fouillée Alfred
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Название: La Liberté et le Déterminisme

Автор: Fouillée Alfred

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ de liberté, considérée en elle-même, ne peut avoir que trois sortes de contenu, dont aucun n'est inintelligible pour les déterministes. En premier lieu, si la liberté désigne un état de conscience, les nécessitaires peuvent constater cet état subjectivement sans en admettre pour cela la valeur objective. En second lieu, si l'idée de liberté est une combinaison de notions due à l'entendement discursif, elle peut être pour les nécessitaires un objet d'analyse, de définition et de description. Enfin, si l'idée de liberté est une donnée de «la raison,» telle que l'entendent les rationalistes, les nécessitaires peuvent en étudier les éléments intelligibles et métaphysiques. Dans ce dernier cas la liberté serait, au moins en partie, un noumène, une idée «rationnelle,» que les nécessitaires pourraient apprécier en elle-même sans en affirmer ou nier la réalisation dans l'homme. Les philosophes qui ne s'accordent pas sur ce que nous trouvons dans notre conscience comme réalisé en nous, pourraient s'accorder sur ce que notre pensée conçoit ou construit comme supérieur à nous. L'habitude de se figurer la liberté comme une notion toute de sens intime, est une des causes qui ont retardé les tentatives de rapprochement. Mais l'hypothèse platonicienne et aristotélique d'une puissance indépendante, quelle qu'en soit la valeur, est concevable pour les partisans et les adversaires de la nécessité. Nous avons donc le droit de leur poser à tous la question suivante: – Cette puissance indépendante (αυταρκεια), qui, par hypothèse, aurait en elle-même la raison de ses actes, et que les déterministes conçoivent comme le contraire idéal de leur système sur la réalité, aurait-elle en soi quelque chose de bon et serait-elle un signe de perfection? Préféreriez-vous, si vous pouviez être «le bien même, το αγαθον,» que les conditions du bien vous fussent étrangères, ou qu'elles fussent vous-même? La nécessité de conditions étrangères, qui pourraient empêcher ou retarder le bien, serait assurément un reste de dépendance; il vaudrait mieux qu'il fût à lui-même sa propre condition. Possible ou non, cette possession par le bien de toutes les conditions du bien est donc une chose que vous concevez comme bonne: – Ἱκανον ταγαθον? dit Platon.

      Ce n'est pas tout. Dans un bien qui ne verrait pas la raison de sa bonté en dehors de lui-même, mais qui serait bon par lui-même, on peut supposer, avec la vraie liberté, une sorte de dignité, σεμνοτης, αξιωμα et comme de mérite ne supposerait, il est vrai, aucun effort; car nous sommes dans le pur idéal. Mais l'absence d'effort n'entraîne peut-être pas l'absence de dignité; elle n'empêcherait pas la suprême convenance entre une volonté parfaitement bonne et une volonté parfaitement heureuse. On peut prétendre avec les platoniciens et les péripatéticiens que cette béatitude idéale serait méritée, dans le sens le plus élevé de ce mot.

      Les déterministes et les partisans de la liberté pourront s'accorder aussi, sans doute, sur cette autre hypothèse: – Le bien serait plus grand si sa puissance était assez indépendante pour être expansive, pour communiquer le bien aux autres êtres, ανευ φθονου, et avec le bien l'intelligence, la puissance, le bonheur. Cette expansion serait la marque d'une plus haute intelligence, capable de résoudre un plus difficile problème, d'une puissance moins limitée, d'un bonheur centuplé par le bonheur d'autrui.

      Un bien expansif, tel que nous venons de l'imaginer avec Platon et le christianisme, serait supposé capable de se donner et de se communiquer. Si ce don fait par la bonté était indépendant de toute autre chose que de la bonté même, le croyant pourrait trouver celle-ci plus aimable; il lui en saurait plus de gré, il ne ferait pas remonter sa reconnaissance au-dessus d'elle et comme par-dessus sa tête. Serait-ce alors forcer le sens des mots que de l'appeler une bonté librement aimante, comme celle que rêvait l'étrangère de Mantinée?

      Bien plus, si une pareille bonté pouvait exister, on trouverait désirable de lui rendre un amour analogue au sien, indépendant aussi de toute autre chose que la bonté. On la trouverait meilleure si sa puissance communiquait le bien à d'autres êtres avec les caractères qu'elle possède elle-même, je veux dire avec les caractères d'une bonté consciente, indépendante, libre et aimante. Le triomphe du bien, sans cesser de nous paraître infaillible et certain, prendrait alors pour moyen de cette heureuse certitude l'indépendance même et la liberté intrinsèque de tous les êtres. Voilà ce qui, selon les platoniciens, serait le meilleur et le plus aimable, το αριστον; c'est une pure conception de la pensée qui enveloppe peut-être de secrètes contradictions; c'est une construction dans l'idéal; mais, dût cette construction s'écrouler comme une vision fugitive à peine entrevue au plus profond du «ciel intelligible,» elle nous aurait cependant montré ce que l'homme a rêvé de plus beau et de meilleur, ce dont nous voudrions l'existence, ce que nous voudrions être nous-mêmes, si l'homme pouvait être un dieu?

      Après tout, l'idéal de la moralité ne saurait être placé trop haut; Platon a raison de croire qu'il ne saurait être trop divin. La vraie morale est celle qui, sans méconnaître les conditions de la vie humaine, nous propose comme modèle une vie qu'on peut appeler divine, βιον θειον. C'est à la métaphysique proprement dite qu'il appartient de chercher si le plus haut idéal moral et social est éternellement réalisé dans une existence supérieure à la nature, si, comme le croit Platon, le divin existe en un Dieu; mais le désaccord des doctrines sur cette question d'objectivité et de réalité transcendante ne rend pas impossible tout accord sur ce que la perfection devrait être, autant que nous pouvons la concevoir. Si Dieu n'existe pas, quel Dieu faut-il inventer? – Nous l'avons vu, le «suprême intelligible» et le «suprême aimable» de Platon serait la suprême indépendance, l'absolue spontanéité, l'action ayant en elle-même sa raison explicative, la puissance dégagée et affranchie de tout lien, ou, dans le sens grec du mot, la suprême liberté.

      Maintenant, est-il bon que l'idéal du souverain bien soit réalisé en tant qu'il est réalisable? – Proposition analytique, qui pourrait s'exprimer encore de cette manière: «le meilleur sous tous les rapports est-il aussi le meilleur à réaliser?» Le sujet une fois posé, on ne peut refuser l'attribut.

      La même vérité s'exprime en d'autres termes, lorsqu'on dit: le meilleur doit être réalisé. Au cas où le superlatif absolu ne serait pas réalisable, le superlatif relatif devrait toujours être réalisé; donc, en dernière analyse, le meilleur possible, absolu ou relatif, doit être réalisé. Le mot doit exprime que, parmi les biens qui ne sont pas et peuvent être, le meilleur a un caractère qui ne se retrouve point dans tous les autres, et qui consiste précisément en ce qu'il est le meilleur, par conséquent superlatif et dernier. Considéré par rapport à l'intelligence et au désir, c'est ce qu'il y a de plus intelligible et de plus désirable; considéré par rapport à la puissance, ce qui est le plus intelligible et le plus aimable est aussi le meilleur à réaliser, et c'est surtout ce rapport à l'activité objective que le mot doit exprime. Ce mot n'avait pas au fond d'autre sens dans la métaphysique ancienne.

      On a dit cependant que doit et devoir n'avaient aucune espèce de sens dans toute hypothèse autre que le libre arbitre. Mais n'avons-nous pas le droit d'employer ces termes, comme le firent Socrate et Platon, abstraction faite de l'arbitre humain? Par là nous exprimons une suprême harmonie, un rapport de dignité idéale, de vérité, de beauté, et en dernière analyse de bonté intrinsèque. Entre l'idéal du meilleur et la réalité du meilleur, n'y a-t-il pas pour la pensée et le désir une convenance immédiate, qui résulte d'une comparaison des deux termes, indépendamment de la considération des autres choses possibles et de toute autre comparaison? Le bien idéal a en lui une valeur suprême, un titre et un droit idéal à l'existence. Les deux notions de bonté parfaite et de réalité parfaite sont idéalement unies dans notre esprit par une sorte d'affinité et d'attraction, qui fait que l'une nous semble incomplète sans l'autre. C'est ce que nous voulons dire par ces mots: le bien doit être réel, et la réalité doit être bonne. Au fond, cela revient à dire: il est bon que le bien soit.

      Cette affirmation se produit d'abord en présence du bien qui existe réellement: ce bien est et il doit être; la première proposition n'empêche СКАЧАТЬ