La Liberté et le Déterminisme. Fouillée Alfred
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Название: La Liberté et le Déterminisme

Автор: Fouillée Alfred

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ géomètre théoricien ne se soucie pas de l'application; et d'autre part, pour appliquer les vérités géométriques, nous n'avons pas besoin d'être assurés que l'étendue est objective; ici les vérités relatives sont suffisantes. Au contraire, dans l'acte moral, il n'est pas indifférent que notre indépendance et notre responsabilité soit réelle ou apparente, que le devoir soit subjectif ou objectif. La pratique de l'arpentage ne change pas quand on considère l'espace comme une illusion; mais l'art de la vertu demeure-t-il le même pour celui qui ne s'attribue point une indépendance quelconque? Pourvu que, par l'arpentage, nous parvenions à modifier les apparences, nous nous inquiétons peu de savoir ce qui est au delà. Au contraire, quand nous faisons à l'idée de la société universelle le sacrifice de notre plaisir, de notre intérêt, de notre vie même, nous accordons à cette idée, semble-t-il, ne fût-ce que par hypothèse, une valeur supérieure; nous ne voulons plus seulement modifier une apparence, mais nous sacrifions des biens réels à un bien idéal que nous traitons comme s'il représentait plus ou moins symboliquement la réalité et la loi du monde. Par cela même nous accordons à l'idéal une certaine valeur objective; car, si nous le considérions comme étant certainement sous tous les rapports une pure illusion, l'idée même du bien moral et du dévouement à l'universel deviendrait chimérique en son dernier fond. Ainsi la morale proprement dite est par sa nature, comme la métaphysique, une recherche hypothétique de la loi suprême du monde, au moins dans les grandes alternatives de la vie qui ont quelque chose de décisif et parfois de tragique15. Nous ne pouvons rester à moitié chemin dans la question de la liberté et de la fatalité: cette question est le point de coïncidence entre la pratique et la théorie, parce qu'elle est proprement la question morale, portant sur la loi suprême et la nature ultime de l'acte moral, de l'acte désintéressé. Par conséquent, pour obtenir une conciliation complète des systèmes dans la pratique morale, – mais dans celle-là seule et seulement dans la question précise de la moralité intrinsèque des actions, – nous sommes obligés de porter aussi loin que nous le pourrons la conciliation théorique, en cherchant jusqu'à quel point, sous l'idée de la liberté, peut se manifester une liberté réelle ou du moins un progrès vers cette liberté.

      DEUXIÈME PARTIE

RECHERCHED'UNECONCILIATION THÉORIQUE ET DE SES LIMITESLIVRE PREMIEREXAMEN CRITIQUE DE L'INDÉTERMINISME ET DU DÉTERMINISME

      CHAPITRE PREMIER

      AVONS-NOUS CONSCIENCE DE L'ACTIVITÉ ET DE LA LIBERTÉ

      I. Avons-nous conscience de l'action, dans son contraste avec la passion.

      II. Avons-nous conscience de la puissance, dans son contraste avec les actes particuliers.

      III. Avons-nous conscience du moi, comme centre commun de l'action et de la puissance.

      La liberté étant généralement considérée comme la puissance de se déterminer soi-même à une action, les éléments de cette idée, sur lesquels il faut chercher à s'entendre préalablement, sont l'action, la puissance, et le centre commun d'où elles dérivent, le moi. Cherchons d'abord si tout se réduit dans la conscience à des sensations qui se suivent, ou si nous avons encore conscience de notre vouloir et de notre action dans son contraste avec la passivité.

      I. – On s'accorde à reconnaître aujourd'hui que nos sensations sont toutes des sensations de mouvement, et que celles-ci se ramènent à des séries de sensations musculaires qui, à leur tour, supposent l'effort musculaire. C'est par une série d'efforts que nous mesurons la quantité extensive. En même temps nos sensations ont une quantité intensive, c'est-à-dire un degré d'énergie, que nous apprécions, semble-t-il, par la réaction de notre énergie cérébrale et musculaire. Action extérieure et réaction intérieure se retrouvent dans le phénomène fondamental qui est le type des phénomènes cérébraux, l'action réflexe. Enfin les sensations ont des qualités spécifiques par lesquelles elles diffèrent les unes des autres; penser, c'est percevoir des différences, et cette «discrimination» est, selon Bain, la propriété primordiale de l'intelligence. Si l'on met le plaisir ou la peine hors de compte, «nous pouvons proprement appeler l'effet produit par le sentiment des différences un choc, un tressaillement, une surprise.» Bain croit cette idée de choc ou de surprise entièrement irréductible; évidemment elle est encore une expression de l'action réflexe, et il n'est pas difficile d'y apercevoir deux éléments: action subie et réaction. La différence de notre activité et de notre passivité, différence qui est au fond de l'action réflexe, serait donc impliquée dans la perception de toutes les autres. Complètement passif et sans aucun pouvoir de réagir, je ne subirais aucun choc, ou tout au moins je ne percevrais pas le choc subi. Quant à la notion de surprise, elle indique en outre une réaction intellectuelle du dedans sur le dehors, une véritable réflexion de la conscience, que Bain introduit jusque dans le phénomène le plus primitif et le plus spontané. Lorsqu'un objet matériel en choque un autre, ce dernier, en raison de son élasticité, tend à reprendre sa forme primitive; quelque chose d'analogue se retrouve dans la conscience. J'étais dans l'obscurité, et la continuité des ténèbres n'excitait de ma part aucune réaction, ou tout au moins n'en excitait qu'une également continue et uniforme; de là équilibre du cerveau et état neutre de la conscience. Une lumière subite, en rompant l'équilibre, provoque mon étonnement; or, tout étonnement suppose un contraste entre ce qui était attendu et ce qui arrive. Si le différent et le discontinu m'étonnent, c'est que j'attendais la continuation de ce qui existait d'abord, c'est-à-dire de mon état antérieur et de mon action antérieure, dirigée en tel sens et vers tel objet. Je saisis la discontinuité et la différence dans la continuité et l'identité au moins apparente de ma conscience. Tout à l'heure, au milieu des ténèbres, je sentais, pensais, agissais; l'effet passif produit en moi par la nuit avait fini par être annulé, et j'étais comme seul; quand la lumière apparaît tout à coup, elle et moi nous sommes deux; et c'est cette dualité, action et passion, qui éveille ma «surprise.» Aux mots d'action et de passion, on peut substituer ceux de volontaire et d'involontaire, ou plutôt de désiré et de non désiré; ils exprimeront peut-être mieux encore la vérité des choses: je n'ai point désiré cette lumière qui jette une discontinuité soudaine dans la continuité de ma tendance antérieure. Le contraste du désiré et du non désiré, qui a son fond primitif dans le contraste du plaisir et de la peine, est, semble-t-il, ce qui donne le branle à nos facultés intellectuelles. Bain finit par dire: «L'activité entre comme partie composante dans chacune de nos sensations, et elle leur donne le caractère de composés, tandis qu'elle-même est une propriété simple et élémentaire16

      Le mieux serait d'admettre en nous, à la racine de tous les phénomènes de conscience, la «discrimination» plus ou moins vague des deux directions centripète et centrifuge impliquées jusque dans le réflexe, et auxquelles correspondent les nerfs afférents ou efférents. Jusque dans le simple choc, l'action et la réaction semblent inséparables, et, si toutes nos sensations se ramènent à des chocs nerveux, la conscience doit distinguer l'action exercée sur nous de notre réaction propre. Ce contraste semble seul expliquer celui du moi et du non-moi. Stuart Mill ramène, comme on sait, la matière et l'esprit à des possibilités ou potentialités permanentes; mais, abstraites de leur véritable origine, qui est la conscience de l'action et de la réaction enveloppée dans le réflexe, les possibilités logiques ne peuvent plus suffire à distinguer le moi du non-moi. D'où vient que nous séparons certains états de conscience de tous les autres pour les réunir sous le nom de sensations et les rapporter à la matière? Pourquoi ne rapportons-nous pas les volitions à la matière, les sons ou les odeurs à l'esprit? – Simple affaire de classification et de généralisation, dit Stuart Mill; nous rangeons dans une même classe ce qui offre des caractères communs. – Oui, mais quel est ce caractère différentiel qui nous fait distinguer en quelque sorte le mien et le tien dans notre commerce avec l'extérieur? Quelle est comme la marque de fabrique par laquelle СКАЧАТЬ



<p>15</p>

Voir, sur ce point, notre Critique des systèmes de morale contemporains.

<p>16</p>

Emotions and Will, p. 297.