Jacques Ortis; Les fous du docteur Miraglia. Foscolo Ugo
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Название: Jacques Ortis; Les fous du docteur Miraglia

Автор: Foscolo Ugo

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ Lorenzo, que je ne pourrais ni affirmer ni nier que je l'aime. – Mais si jamais… jamais!.. En vérité, ce sera un amour d'ange… incapable d'une seule pensée dont elle puisse se plaindre… Dieu le sait.

      Je m'étais arrêté, les yeux, les oreilles et tous les sens tendus, et me divinisant dans ce coin où aucun regard ne me faisait rougir du vol que je faisais. Juge de ce que j'éprouvai lorsque j'entendis qu'elle chantait une cantate de Sapho, que je lui ai traduite avec deux autres odes, seules poésies qui nous restent de cette femme immortelle comme les Muses. Je franchis la porte d'un bond, et je trouvai Thérèse dans sa chambre; sur le même siège où je la vis le jour qu'elle faisait son portrait. Elle était négligemment vêtue de blanc; le trésor de sa blonde chevelure était répandu sur ses épaules et sur sa poitrine; ses yeux nageaient dans la mélodie; une suave langueur était répandue par tout son visage; son bras rosé, son pied appuyé sur la pédale, ses doigts courant avec légèreté sur les cordes sonores, tout en elle était harmonie. Je m'étais arrêté devant elle, je ne pouvais me rassasier du bonheur de la contempler. Thérèse parut d'abord confuse de s'être laissé surprendre par un homme qui l'admirait ainsi négligée, et, moi-même, je commençais à me reprocher intérieurement ma vivacité et mon oubli des convenances; mais bientôt elle se remit et continua. Alors, je ne songeai plus qu'au plaisir de la voir et de l'entendre; je ne puis te dire, Lorenzo, dans quel état se trouvait précisément mon cœur, mais le fait est que, dans ce moment, j'avais cessé de sentir le poids de cette vie mortelle.

      Quelques minutes après, Thérèse se leva en souriant et me laissa seul. Peu après, je revins à moi, j'appuyai alors ma tête sur la harpe, mon visage se baigna de larmes, et je me sentis soulagé.

Padoue, 7 décembre.

      Je n'ose le dire, Lorenzo, mais je crains bien que tu ne m'aies pris au mot, et que tu n'aies fait tout ce qui était en ton pouvoir pour m'éloigner de mon cher ermitage. Hier, Michel vint m'avertir, de la part de ma mère, que mon logement à Padoue, où j'avais dit (et vraiment à peine si je m'en souviens) que je voulais me rendre, à la réouverture de l'Université, était préparé; il est vrai que j'avais juré de partir, je te l'avais même écrit; mais j'attendais M. T***, qui n'est point encore revenu. Au reste, plus je réfléchis, plus je me félicite d'avoir profité du moment où je voulais fermement m'éloigner de ma retraite, que j'ai quittée sans dire adieu à personne; autrement, je crois bien que, malgré tes résolutions et les miennes, jamais je n'aurais eu ce courage; je t'avouerai même que parfois je regrette bien amèrement ma solitude, et qu'alors il me prend la tentation d'y retourner.

      Au reste, figure-toi bien que je suis à Padoue, et prêt à devenir un savantissime… Je te dis cela afin que tu n'ailles pas encore prêcher partout que je me perds avec mes folies… Mais aussi qu'il ne te prenne pas l'envie de t'opposer à mon départ, lorsque je l'aurai décidé… Tu sais, mon ami, que je suis né extrêmement inapte à certaines choses, et surtout lorsqu'il s'agit de vivre avec cette méthode qu'exigent les études, et qui se trouve tout à fait en opposition avec mon caractère libre et indépendant; si pourtant cela t'arrivait, rappelle-toi que je te le pardonne d'avance et de mon propre mouvement… Remercie cependant ma mère, et, pour diminuer son déplaisir, dis-lui, comme si la chose venait de toi, qu'il est probable que je ne trouverai pas ici de chambre à louer pour plus d'un mois…

Padoue, 11 décembre.

      Je viens de faite connaissance avec l'épouse du noble M. M***, qui, abandonnant le tumulte de Venise, et la maison de son indolent mari, vient passer une partie de l'année à Padoue pour se divertir. Hélas! si jeune et si belle… sa figure a déjà perdu cette ingénuité sans laquelle il n'y a ni grâce ni amour. Coquette consommée, elle passe son temps à chercher à plaire, et, cela, sans autre but que de faire des conquêtes, du moins je le pense ainsi; peut-être ai-je tort… Elle paraît rester volontiers avec moi, me parle bas et sourit à mes louanges; d'autant plus qu'elle ne semble pas goûter, comme les autres femmes, cette froide ambroisie, ce fade jargon, qu'on est convenu d'appeler bons mots et traits d'esprit, et qui presque toujours décèlent un caractère mauvais. Je ne sais comment il se fit qu'hier en approchant sa chaise de la mienne, elle me parla de quelques-uns de mes vers, et amena la conversation sur la poésie; je ne sais encore comment je nommai un livre qu'elle me demanda, et que je promis de lui porter ce matin… Adieu; l'heure s'avance.

Deux heures.

      Un page m'ouvrit un boudoir où, entré à peine, je vis venir au-devant de moi une femme de trente-cinq ans environ, légèrement vêtue, et que jamais je n'eusse prise pour une femme de chambre, si elle même ne me l'eût appris en me disant:

      – Ma maîtresse est encore au lit, mais elle va se lever à l'instant.

      Aussitôt, un coup de sonnette la fit courir dans la chambre contiguë, où était le trône de la déesse; et, moi, je continuai à me chauffer, en regardant une Danaé peinte au plafond, et les fresques dont les murailles étaient couvertes, ainsi que quelques romans français jetés ça et là. Tout à coup la porte s'ouvrit, un air parfumé de mille odeurs parvint jusqu'à moi, et je vis notre donna, toute fraîche et radieuse, s'approcher vivement du feu, comme si elle tremblait de froid, et s'étendre sur une chaise longue que lui avait préparée sa femme de chambre.

      Elle me salua des yeux seulement… et me demanda en souriant si je me souvenais de ma promesse; alors, je lui présentai le livre, et je m'aperçus avec étonnement qu'elle n'était vêtue que d'une espèce de peignoir qui, n'étant pas lacé, descendait librement et laissait à découvert ses épaules et sa poitrine voluptueusement cachée par une peau de cygne, dans laquelle elle s'était enveloppée. Ses cheveux, quoique retenus par un peigne, accusaient le sommeil récent, et quelques boucles qui s'en échappaient, retombant sur son cou, et pénétrant jusque dans son sein, semblaient inviter l'œil inexpérimenté à les y poursuivre, tandis que, pour en rattacher d'autres qui ombrageaient son front et ses longues paupières noires, elle laissait voir, peut-être sans s'en douter, un bras d'albâtre que ne pouvaient cacher les manches de sa chemise, qui, lorsqu'elle levait la main, retombaient jusqu'au coude. A demi couchée sur un trône de coussins, elle se tournait avec complaisance vers un petit chien qui s'approchait d'elle, la fuyait, puis revenait la caresser, en courbant son dos, et en secouant les oreilles et la queue.

      Je m'assis à son côté sur un siége qu'avait avancé la femme de chambre déjà partie, et je regardai cette flatteuse petite bête qui, en se jouant avec le bas du peignoir, et en le relevant avec ses pattes, laissait apercevoir une gentille pantoufle de soie rose tendre, et dans cette pantoufle un petit pied, ô Lorenzo!.. semblable à celui que l'Albane peindrait à une Grâce sortant du bain… Oh! si comme moi tu avais pu voir Thérèse, dans le même négligé, s'approchant du feu comme elle, sans ceinture… En me rappelant ce bienheureux moment, je me souviens que je n'osais respirer l'air qui l'entourait… Toutes mes facultés étaient suspendues, et n'avaient de force que pour l'adorer… Sans doute c'est un génie bienfaisant qui m'offrit alors l'image de Thérèse… Je reportai, avec un léger sourire, les yeux sur la belle, sur le petit chien, sur le tapis, sur le pied mignon… Mais les bords du peignoir étaient baissés, et le pied avait disparu. Je me levai en lui demandant pardon d'avoir choisi une heure aussi peu convenable, et, en prenant congé d'elle, je m'aperçus qu'un air sérieux avait remplacé le doux et tendre abandon qu'un instant auparavant on lisait sur sa figure; au reste, je me trompe peut-être. Enfin, lorsque je fus seul, ma raison, qui est en procès éternel avec mon cœur, me dit:

      – Malheureux! crains celle-là seulement qui participe du ciel; prends donc un parti et ne retire pas tes lèvres du contre-poison que te présentait la fortune.

      Je louai ma raison, mais le cœur avait déjà fait à sa guise. Tu t'apercevras facilement, mon cher Lorenzo, que cette lettre est copiée, et recopiée, parce que j'ai voulu me surpasser en beau style.

      Oh! la cantate de Sapho! je la chante partout, je la répète à chaque instant, à la promenade, en écrivant, au milieu de mes lectures; je n'éprouvais pas cette inquiétude СКАЧАТЬ