Jacques Ortis; Les fous du docteur Miraglia. Foscolo Ugo
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Название: Jacques Ortis; Les fous du docteur Miraglia

Автор: Foscolo Ugo

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ et éloignés de leurs maisons!.. Et pourquoi?.. Que pouvons-nous attendre, si ce n'est l'indigence, le mépris, ou tout au plus cette courte et stérile compassion que les nations barbares offrent à l'étranger fugitif? Mais où chercherai-je un asile? En Italie?.. terre prostituée, toujours prête à subir le joug du vainqueur! et pourrais-je avoir sans cesse devant les yeux ces hommes qui m'ont dépouillé, raillé, vendu, et ne pas pleurer de colère? Dévastateurs des peuples, ils se servent de la liberté comme les papes se servaient des croisades… Oh! que de fois, désespérant de me venger, j'ai voulu m'enfoncer un couteau dans le cœur, pour verser tout mon sang au milieu des derniers gémissements de ma patrie!

      Et ces autres!.. ils ont mis à prix notre servitude;… ils ont racheté au poids de l'or ce qu'ils avaient stupidement et lâchement perdu par les armes… Tiens, Lorenzo, je ressemble à un de ces malheureux qui, tombés en léthargie, ont été enterrés vivants; et qui tout à coup, revenant à eux, se trouvent au milieu des ténèbres et des ossements, certains de vivre, mais désespérant de revoir jamais la douce lumière de la vie, et contraints de mourir au milieu des blasphèmes et de la faim!.. Eh! pourquoi nous laisser entrevoir et toucher la liberté, pour nous la retirer ensuite, et d'une manière aussi infâme?..

16 octobre.

      Pour le moment, n'en parlons plus: la bourrasque paraît calmée. Si le péril revient, je tâcherai de m'y soustraire par tous les moyens possibles: du reste, je vis tranquille, tranquille autant que je puis l'être… Je ne vois personne au monde, et je suis toujours errant par la campagne; mais, à te dire le vrai, je pense et je me ronge… Envoie-moi quelques livres.

      Que fait Laurette?.. Pauvre enfant! je l'ai laissée hors d'elle-même… Belle et jeune encore, elle a pourtant déjà l'esprit malade et le cœur malheureux. Je n'ai jamais eu d'amour pour elle; mais, soit compassion, soit reconnaissance de ce qu'elle m'avait choisi pour la consoler et pour verser son âme, ses erreurs et ses peines dans mon sein… Je crois vraiment que j'en aurais fait volontiers la compagne de toute ma vie; le sort ne l'a point voulu… Peut-être est-ce pour notre bonheur à tous deux… Elle aimait Eugène, et il est mort entre ses bras. Son père et ses frères ont été forcés de s'expatrier… Et, maintenant, cette pauvre famille, privée de tout secours humain, vit… Dieu sait comment… de larmes. O liberté! voilà encore de tes victimes… Sais-tu, Lorenzo, qu'en t'écrivant je pleure comme un enfant?.. Hélas! j'ai presque toujours vécu avec des misérables, et le peu de fois que j'ai rencontré un homme de bien, j'ai eu à pleurer sur lui… Adieu! adieu!..

18 octobre.

      Michel m'a remis Plutarque, et je t'en remercie; il m'a dit que, par une autre occasion, tu m'enverrais quelque autre livre; pour le moment, je n'en ai pas besoin. Avec le divin Plutarque, je pourrai me consoler des crimes et des malheurs de l'humanité en tournant les yeux sur cette petite quantité d'hommes illustres qui, comme les élus du genre humain, ont survécu à tant de siècles et à tant de nations. Je crains bien cependant qu'en les dépouillant de leur magnificence historique et du voile respectueux qui couvre l'antiquité, je n'aie décidément à me louer ni des anciens, ni des modernes, ni de moi-même plus que des autres… Race humaine!

23 octobre.

      S'il m'est permis d'espérer la paix, je l'ai trouvée, Lorenzo. Le curé, le médecin et tous les obscurs mortels de ce petit coin de terre, jusqu'aux enfants, me connaissent et m'aiment: ils m'entourent, aussitôt qu'ils me voient paraître, comme une bête sauvage, mais noble et généreuse, qu'ils voudraient apprivoiser; quant à présent, je les laisse faire… je n'ai pas eu assez à me louer des hommes, pour m'y fier ainsi au premier abord… Mais c'est que mener la vie d'un tyran qui frémit et tremble d'être frappé à chaque minute, c'est agoniser dans une mort lente et ignominieuse. Souvent, à midi, je m'assieds au milieu d'eux, sous le platane de l'église, et je leur lis la vie de Lycurgue ou de Timoléon; dimanche dernier, ils s'étaient rassemblés en foule autour de moi, et, quoiqu'ils ne comprissent pas parfaitement ce que je leur lisais, ils m'écoutaient debout et la bouche béante; je crois que le désir de savoir et de redire l'histoire des temps passés est fils de notre amour-propre, qui voudrait se faire illusion sur la durée de la vie en l'unissant aux choses et aux hommes qui ne sont plus, et en les rendant pour ainsi dire notre propriété; l'imagination se complaît à posséder un autre univers et à s'élancer dans l'espace des siècles; avec quelle passion un vieux laboureur me racontait, ce matin, l'histoire des curés qu'il avait connus dans sa jeunesse, les ravages d'une tempête arrivée il y a trente-sept ans, les dates des temps d'abondance et de disette, s'interrompant à tout moment, reprenant son récit pour s'interrompre de nouveau, en accusant sa mémoire d'infidélité! C'est ainsi que je parviens à oublier que j'existe encore.

      M. T***, que tu as connu à Padoue, est venu me voir; il m'a dit que souvent tu lui avais parlé de moi, et qu'il en était encore question dans la dernière lettre que tu lui as écrite avant-hier. Il s'est aussi retiré à la campagne pour éviter les premières fureurs du peuple, quoique, à te dire le vrai, je croie qu'il ne s'est pas beaucoup mêlé des affaires publiques. J'avais entendu parler de lui comme d'un homme d'un esprit cultivé et d'une probité suprême, qualités qu'on redoutait autrefois, mais qu'aujourd'hui l'on ne possède point impunément. Il a les manières affables, la physionomie ouverte, et parle avec le cœur. Il était accompagné d'un individu que je crois le fiancé de sa fille; c'est peut-être un brave et bon jeune homme; mais sa figure ne dit pas grand'chose. – Bonne nuit.

24 octobre.

      Je viens enfin, d'attraper par le collet le mauvais petit garnement qui dévastait notre jardin, en rompant et brisant tout ce qu'il ne pouvait voler; j'étais sous une treille et lui sur un pêcher dont il s'amusait gaiement à casser les branches encore vertes; pour les fruits, il n'y en avait plus. A peine s'est-il vu entre mes mains, qu'il s'est mis à crier miséricorde, et qu'il m'avoua que, depuis plusieurs semaines, il faisait ce misérable métier parce que le frère du jardinier avait, quelques mois auparavant, soustrait un sac de fèves à son père.

      – Tes parents, lui dis-je, t'encouragent donc à voler?

      – Eh! monsieur, me répondit-il, tous les hommes n'en font-ils pas autant?

      Je le laissai aller, et, pendant que, pour s'éloigner de moi, il sautait précipitamment une haie, je m'écriai:

      – Voilà la société en miniature, tous les hommes en font autant.

26 octobre

      Je l'ai vue, Lorenzo, la divine jeune fille, je l'ai vue, et je t'en remercie. Je la trouvai assise et occupée à faire son propre portrait; elle se leva comme si elle me connaissait, et ordonna à un domestique d'aller chercher son père.

      – Il ne pensait pas, me dit-elle, que vous viendriez sitôt; il sera dans la campagne, mais il ne tardera point à revenir.

      Dans ce moment, une petite fille accourut entre ses genoux et lui dit à l'oreille quelques mots que je ne pus entendre.

      – C'est un ami de Lorenzo, lui répondit Thérèse: celui que papa alla voir avant-hier.

      Sur ces entrefaites, M. T*** rentra; il m'accueillit avec bonté et me remercia de m'être souvenu de lui. Thérèse alors prit sa petite sœur par la main, et se retira avec elle.

      – Vous voyez, me dit M. T*** en me montrant ses enfants qui quittaient la chambre, nous voici tous!..

      Il prononça ces mots comme s'il avait voulu me faire sentir que sa femme manquait: il ne la nomma point cependant. Après avoir causé quelque temps, je me levai pour sortir; alors, Thérèse rentra.

      – Nous sommes voisins, me dit-elle en souriant, et j'espère que vous viendrez quelquefois passer vos soirées avec nous.

      Je revins chez moi le cœur tout en fête. Je crois que le spectacle de la beauté suffit pour adoucir chez nous, pauvres СКАЧАТЬ