Jacques Ortis; Les fous du docteur Miraglia. Foscolo Ugo
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Название: Jacques Ortis; Les fous du docteur Miraglia

Автор: Foscolo Ugo

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ la lumière les gouttes de rosée suspendues à leurs feuilles, tandis que la brise du matin séchait le superflu de l'humidité des plantes. Tu aurais entendu alors une solennelle harmonie se répandre confusément par toute la forêt: c'étaient le bêlement des troupeaux, le murmure du fleuve, le chant des oiseaux, la voix des hommes; et, pendant ce temps, l'air était parfumé par les exhalaisons que la terre, dans sa joie, envoyait des vallons et des montagnes au soleil… au soleil, roi de la nature. Oh! que je plains le malheureux que tant de bienfaits ne peuvent émouvoir, et qui n'a jamais senti à ce spectacle ses yeux se mouiller des douces larmes de la reconnaissance… Dans ce moment, j'aperçus Thérèse brillante de toutes ses grâces; son visage portait l'empreinte d'une mélancolie douce qui se dissipa peu à peu pour faire place à la joie vive et pure qui lui débordait de l'âme. Sa voix était entrecoupée, ses grands yeux noirs, dans l'immobilité de l'extase, se mouillaient de pleurs; toutes ses facultés paraissaient envahies par la beauté sainte de la campagne. Dans cette plénitude de sensations, les cœurs se cherchent pour se répandre dans les autres cœurs, et alors elle se tourna vers Odouard… Grand Dieu! on eût dit qu'il allait tâtonnant dans les ténèbres les plus épaisses ou au milieu d'un désert abandonné du sourire de la nature. Elle le quitta tout à coup, et s'appuya sur mon bras, en me disant… Mais, Lorenzo, à quoi bon continuer, et ne vaut-il pas mieux que je me taise? Ne m'est-il pas impossible de te rendre la douceur de ses accents, la grâce de ses gestes, la mélodie de sa voix, la céleste expression de son visage? Si du moins je pouvais redire littéralement ses paroles sans en changer ni transposer une syllabe, certes, tu m'en saurais gré, je le crois… Mais à quoi sert-il de copier imparfaitement un tableau inimitable, qui doit plus gagner par sa seule réputation que par une pâle copie?.. Ne te paraît-il pas que je ressemble aux traducteurs du divin Homère? Tu vois que je n'essaye pas même de t'exprimer un sentiment qui ne peut être rendu par des phrases, sans perdre toute sa vivacité.

      Je me sens fatigué, Lorenzo, et je renvoie à demain le reste de mon récit. Le vent souffle avec force, et cependant je vais essayer de me mettre en route. Je saluerai Thérèse en ton nom…

      Sur Dieu! je suis condamné à poursuivre ma lettre. J'ai trouvé au seuil de la porte un véritable lac; peut-être pourrais-je le franchir d'un saut; mais la pluie ne cesse pas, midi est passé, et, dans peu d'heures, cette nuit, qui menace d'être la dernière, sera venue. Pour aujourd'hui, journée perdue… ô Thérèse!

      – Je ne suis pas heureuse, m'a dit Thérèse.

      Et ces paroles m'ont déchiré le cœur.

      Je marchais près d'elle dans un profond silence; Odouard avait rejoint M. T***, et ils nous précédaient en causant; la petite Isabelle nous suivait, portée par le jardinier.

      – Je ne suis pas heureuse, répéta une seconde fois Thérèse.

      J'avais déjà compris la terrible signification de ces paroles, et je gémissais intérieurement en voyant devant moi la victime qu'on voulait sacrifier aux préjugés et à l'intérêt. Thérèse s'aperçut alors de ma tristesse, et, changeant de voix:

      – Quelque doux souvenir, me dit-elle en s'efforçant de sourire.

      Et aussitôt elle baissa les yeux. Je n'osai pas lui répondre.

      Nous approchions d'Arqua, et, à mesure que nous gravissions l'herbeuse colline, les villages que nous dépassions fuyaient et disparaissaient à nos yeux. Enfin nous nous trouvâmes dans une avenue bordée d'un côté par des peupliers qui, en se balançant, laissaient tomber sur nos têtes leurs feuilles les plus jaunes, et ombragée de l'autre par une forêt de chênes dont l'épaisseur et la verdure plus foncée contrastaient agréablement avec le feuillage plus tendre des peupliers. De temps en temps, quelques rameaux de vigne sauvage, s'échappant de la forêt, joignaient les deux rangées d'arbres opposées, et, se balançant au-dessus de nous, formaient des festons mollement agités par la brise du matin.

      – Oh! que de fois, dit Thérèse en s'arrêtant et regardant autour d'elle, que de fois, l'été dernier, je me suis reposée sur cette herbe et sous l'ombre fraîche de ces chênes… Hélas! j'y venais avec ma mère…

      Elle se tut à ces mots, et se retourna comme pour regarder la petite Isabelle, qui nous suivait à peu de distance; mais je m'aperçus qu'elle ne m'avait quitté que pour me cacher les larmes qu'elle ne pouvait plus retenir et dont son visage était inondé.

      – Mais où donc est votre mère? lui demandais-je, et pourquoi ne la vois-je jamais?

      – Depuis plusieurs semaines, me répondit-elle, elle habite Padoue avec sa sœur, séparée de nous peut-être pour toujours!.. Mon père l'adorait; mais, depuis qu'il s'est obstiné à me donner un mari que je ne puis aimer, l'harmonie a disparu de notre famille. Ma pauvre mère, après s'être opposée en vain à ce mariage, s'est éloignée pour ne point avoir part à mon malheur inévitable… Et moi, je reste abandonnée de tout… J'ai promis à mon père; je tiendrai ma parole… Mais ce qui redouble ma peine, c'est d'être cause de la désunion de notre famille… Quant à moi… patience!

      Et, à ces mots, les larmes pleuvaient de ses yeux.

      – Pardonnez-moi, continua-t-elle, mais j'avais besoin d'épancher mon cœur brisé. Je ne puis écrire à ma mère ni recevoir de ses lettres. Mon père, absolu dans ses résolutions, ne veut pas même l'entendre nommer; il me répète à chaque instant qu'elle est notre plus grande ennemie, et cependant… je sens que je n'aime pas, que je n'aimerai jamais celui avec lequel tout est déjà décidé…

      Représente-toi ma situation, dans ce moment… Je ne pouvais ni la consoler, ni lui répondre, ni lui donner des conseils…

      – De grâce, reprit-elle tout à coup, ne vous affligez pas de mes peines, je vous en conjure. Je me suis confiée à vous;… le besoin de trouver quelqu'un qui pût me plaindre… une certaine sympathie… enfin je n'ai que vous seul.

      – O ange! oui, oui, puissé-je pleurer toujours, et racheter à ce prix tes larmes! Cette misérable vie est toute à toi; elle t'appartient sans réserve, et je la consacre à ton bonheur.

      Que de malheurs dans une seule famille, mon cher Lorenzo! quelle obstination dans M. T***! qui, du reste, est un brave et galant homme… Il aime sa fille de toute son âme, il la loue souvent, la regarde toujours avec tendresse, et cependant il lui tient la main sur la gorge. Thérèse me disait, il y a quelques jours, qu'il était doué d'une âme ardente et continuellement agitée par des passions malheureuses. Gêné dans son intérieur par la trop grande magnificence qu'il affecte de déployer, poursuivi par ces hommes qui, dans les révolutions, établissent leur fortune sur la ruine des autres, et, craignant pour ses enfants, il veut assurer la félicité de sa famille en s'alliant à un homme de sens, riche, et qui a encore la perspective d'un héritage immense; peut-être est-ce aussi par une certaine morgue, et je parierais cent contre un qu'il ne donnerait pas sa fille à un homme à qui il manquerait un demi-quartier de noblesse. Celui qui naît patricien doit mourir patricien: telle est sa devise. Il en résulte qu'il considère l'opposition de sa femme comme une attaque à son autorité, et ce sentiment tyrannique le rend encore plus inflexible; son cœur est pourtant excellent: il adore sa fille, il l'accable de caresses, et quelquefois semble plaindre intérieurement la résignation de cette malheureuse enfant. Vraiment, Lorenzo, lorsque je vois comment des hommes qui pourraient être heureux cherchent par une certaine fatalité le malheur avec une lanterne, et veillent, suent et se fatiguent pour se fabriquer des douleurs éternelles, je suis sur le point de me faire sauter la cervelle, de peur qu'il ne me passe quelque jour par la tête une semblable tentation.

      Je te quitte, Lorenzo; Michel m'appelle. Je reprendrai ma lettre au premier moment…

      Le ciel se déride, et il fait la plus belle soirée du monde; СКАЧАТЬ