Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires. Galopin Arnould
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СКАЧАТЬ en lui parlant à l'oreille. Il lui racontait évidemment la visite qu'il venait de faire au bijoutier et ce que celui-ci lui avait dit.

      Je m'étonnai cependant de ne pas voir arriver l'autre vieux monsieur, celui qui, la veille, avait entamé la conversation avec Manzana. Sans doute était-il parti en expédition, car ces gens que je considérais maintenant comme des bandits étaient des confrères… des cambrioleurs comme moi.

      Je devais même reconnaître qu'ils étaient très habiles et, en toute autre circonstance, j'aurais eu pour eux de l'admiration. Leur façon de travailler, quoique différant sensiblement de la mienne, n'en était pas moins très ingénieuse. Ils exerçaient probablement depuis longtemps, bien qu'ils ne fussent pas aussi vieux qu'ils s'efforçaient de le paraître. Ils avaient dû, pour inspirer plus de confiance, se coller une perruque et une barbe blanches, car rien n'impose le respect comme un vieillard à la chevelure de neige, décoré de la Légion d'honneur, même lorsqu'il s'est, de son propre chef, décerné cette haute distinction.

      La foule est gobeuse, elle aime ce qui est vénérable et ne se méfie presque jamais d'un vieux monsieur décoré.

      Quant à moi, ma façon de travailler est tout autre, je crois l'avoir déjà dit. Au lieu d'arborer des complets extravagants et des cravates multicolores, je préfère une mise simple et modeste qui permet de passer partout sans être remarqué.

      Ne pas être remarqué, c'est aussi une force, et je crois l'avoir suffisamment prouvé.

      Tout en me livrant à ces réflexions cambriolo-philosophiques, je ne quittais pas de l'œil mon voleur et la jeune femme qui était assise à côté de lui. Cet homme portait ma fortune sur lui et j'étais prêt à tout tenter pour la lui reprendre… à tout, même au crime… Il est vrai que je pourrais, pour ce qui était de cette dernière solution, avoir recours à Manzana qui ne devait pas être un novice en la matière, si je m'en référais à l'opinion de la dame au manteau de loutre, entrevue aux Champs-Elysées.

      XI

      OU JE ME DÉCIDE A BRUSQUER LES CHOSES

      Lorsque le vieux monsieur et la jeune dame se levèrent, je fis un signe à Manzana et nous leur emboitâmes le pas.

      Ils n'allèrent pas loin. A cinquante mètres du café se trouve l'hôtel d'Albion. Ils y entrèrent.

      La «filature» devenait difficile, car nous ne pouvions, Manzana et moi, sales comme nous l'étions, pénétrer dans le hall où l'on apercevait un domestique en culotte courte, raide et grave comme un bonhomme en cire.

      J'eus par bonheur une inspiration. Roulant à la hâte mon mouchoir dans un journal, je confectionnai un petit paquet que je tins ostensiblement à la main, et me précipitai vers le bureau de l'hôtel, en disant:

      – C'est bien le locataire du 21 qui vient de rentrer avec une jeune femme, n'est-ce pas?.. J'ai là quelque chose pour lui…

      – Non, répondit d'un ton maussade une vieille caissière aux cheveux acajou, ce n'est pas le no 21 qui vient de rentrer… C'est le 34… vous faites erreur… En tout cas, si vous avez un paquet à remettre au 21, laissez-le à la caisse.

      – Merci, dis-je, en esquissant un gracieux sourire, je reviendrai.

      Manzana m'attendait devant la porte.

      – Eh bien? demanda-t-il.

      – Eh bien… j'ai déjà une indication… Je sais quel est le numéro de la chambre de notre voleur… c'est le 34…

      – Et son nom?..

      – Je l'ignore… mais qu'importe? Du moment que je sais où trouver l'homme…

      – Vous avez l'intention de vous introduire chez lui?

      – Mais… oui… et avec vous, je suppose.

      – C'est grave cela…

      – Et la perte de notre diamant, croyez-vous que ce ne soit pas plus grave?

      – Certes… mais le coup est dangereux à tenter… encore plus dangereux à réussir.

      – Nous tâcherons de ne pas le manquer… Voyez-vous une autre solution?

      – Pour le moment, non…

      – Il n'y en a pas d'autre, allez…

      – Et nous essayerions cela en plein jour?

      – Oui, ce serait préférable…

      – Et si nous sommes pris?

      – On ne nous prendra pas…

      – J'admire votre confiance… mais si cependant cela arrivait?

      – Nous perdrions notre diamant, mais nous ne serions pas inquiétés… Au contraire, on nous adresserait des félicitations.

      Manzana ouvrait des yeux larges comme des hublots.

      – Je ne vous comprends plus.

      Je fouillai dans ma poche et en tirai un carré de carton que je tendis à mon associé.

      – Une carte d'agent de la Sûreté, fit Manzana stupéfait… Ce n'est pas à vous, je suppose?..

      – Bien sûr… je l'ai prise à un grand dadais de policier qui habitait, à Paris, la même maison que moi…

      – Ah! très bien… et vous allez vous servir de cette carte pour pénétrer chez notre voleur?

      – Peut-être.

      – Mais moi?..

      – Vous?.. vous êtes mon collègue… Du moment que je montre ma carte, cela vous dispense d'exhiber la vôtre…

      – Parfait… et ensuite?

      – Ensuite… ensuite!.. je ne sais pas moi… tout dépendra des circonstances… il est bien difficile, dans ces sortes d'affaires, de prévoir comment cela tournera… Je n'ai qu'une crainte.

      – Laquelle?

      – C'est que le patron de l'hôtel ne nous fasse accompagner à la chambre 34.

      – Vous devez vous y attendre…

      – Cela gâterait tout…

      – Et si nous arrêtions l'homme quand il sortira?

      – Non, c'est stupide ce que vous proposez là… La foule s'amasserait, nous serions obligés d'aller au poste… là, on fouillerait notre voleur et le diamant serait confisqué.

      – Alors, si nous abordions carrément le type dans la rue en le menaçant, s'il ne nous rend pas le diamant, de le conduire au commissariat.

      – Toujours la même chose, mon cher… Au bruit de la discussion des gens nous entoureraient et l'affaire serait manquée…

      – Il faudrait pincer ce vilain individu, le soir, dans une rue déserte.

      – Oui, mais nous n'aurons pas cette chance, croyez-le.

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