Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires. Galopin Arnould
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СКАЧАТЬ là, à deux pas… place de l'Hôtel-de-Ville. Nous remontâmes en voiture, Manzana et moi. Le cocher fouetta son cheval.

      – Vraiment, questionna mon associé en se penchant à mon oreille, vous avez un billet de cinq cents francs?

      – Vous ne voyez donc pas que c'est de la frime?.. Mon billet de cinq cents francs est une simple feuille de papier… Je suis sans un sou… vos amis m'ont dévalisé.

      – Comment! vous aussi!.. Mais alors, qu'allons-nous dire en arrivant au poste?

      – Vous pensez bien que nous n'allons pas être assez stupides pour y aller… Ouvrez doucement la portière de votre côté, moi je vais faire de même… La voiture va assez lentement pour que nous puissions sauter à terre sans danger… Attention!.. y êtes-vous?

      Nous arrivions, à ce moment, au coin d'une rue obscure. Nous quittâmes le fiacre si prestement et avec une telle légèreté que le pauvre cocher ne s'aperçut point de notre disparition. Quand le brimbalement des portières que nous avions laissées ouvertes l'avertit enfin de notre fuite, il poussa un juron formidable, mais nous étions déjà loin.

      Après avoir couru pendant environ un quart d'heure, en faisant le plus de détours possible, nous nous trouvâmes sur les quais. Il tombait une pluie glaciale et le vent qui soufflait par bourrasques faisait clignoter la flamme des réverbères.

      Nous nous mîmes à l'abri derrière un hangar et bientôt un douanier, qui nous prit sans doute pour des chapardeurs, nous chassa en nous accablant d'injures. Nous tentâmes de nous réfugier sous la porte d'un dock qui était demeurée entr'ouverte, mais un veilleur de nuit nous reçut comme des chiens errants.

      Enfin, grâce à la complaisance d'un employé de chemin de fer, nous trouvâmes un refuge dans un wagon réformé que l'on avait commencé à démolir. Une partie de la toiture en avait été enlevée et il faisait dans cette roulotte un froid sibérien. Manzana et moi nous blottîmes dans la paille et attendîmes ainsi le jour…

      Je ne sais à quoi songeait mon compagnon, mais moi, je sais que je fis, cette nuit-là, de bien tristes réflexions.

      Lorsque l'on est malheureux, comme je l'étais, le moindre souvenir vous attriste et l'on a envie de pleurer en se rappelant les heures heureuses que l'on a vécues autrefois. Je me revoyais à Ramsgate, tranquille, la poche bien garnie, à la suite d'une opération fructueuse, flirtant avec Edith que j'avais rencontrée au «Royal Oak». Puis nous partions pour Paris. C'était alors la lune de miel, de longues soirées d'amour devant un bon feu de bois, la vie joyeuse, les rêves sans fin que forment les amoureux… Je me souvenais aussi, avec une émotion délicieuse, de la nuit où je m'étais emparé du Régent et, je me mis à pleurer à chaudes larmes en songeant à ces deux disparus: Edith et le diamant…

      Manzana essaya de me consoler, mais je le rembarrai si brutalement qu'il ne dit plus un mot.

      Parfois, je l'injuriais sans mesure, puis, le voyant aussi malheureux que moi, je finissais par m'apitoyer sur son compte.

      C'était là, je le reconnais, de la pitié bien mal placée, mais on a pu remarquer, au cours de ce récit, que je suis, à certaines heures, d'une sensibilité exagérée.

      Quand parut le jour, un jour terne, maussade, mon compagnon et moi nous nous concertâmes. Nous allions rôder aux abords des hôtels; peut-être aurions-nous la chance d'y rencontrer un de nos voleurs. Nous irions aussi dans les gares, à l'heure du départ des trains, mais nous nous écarterions avec prudence de tout véhicule conduit par un cocher rubicond et traîné par une rosse clopinante.

      De dix heures du matin à midi, nous errâmes par les rues, l'estomac vide, les jambes molles, et je songeais déjà à vendre le revolver de Manzana, quand mon attention fut attirée soudain par un individu qui marchait devant nous… Il me semblait avoir déjà vu cette «charpente» – là quelque part…

      J'allais devancer l'homme afin d'apercevoir son visage quand une occasion s'offrit qui me permit de l'examiner à loisir. Il entra chez un bijoutier et, dès qu'il se présenta de profil, je le reconnus.

      C'était l'un des vieux messieurs de la veille.

      Ah! décidément, cette fois encore, le hasard faisait bien les choses!

      Le drôle était probablement venu dans cette boutique pour s'assurer, auprès du marchand, que le diamant n'était pas en toc.

      – Vite! dis-je à Manzana… faites comme moi, baissez votre chapeau sur vos yeux… s'il nous reconnaît tout est perdu.

      Postés tous deux au coin de la devanture, nous ne perdions pas un des gestes de notre voleur. Nous le vîmes tirer quelque chose de sa poche, le développer et le présenter au bijoutier qui eut une exclamation de surprise. Parbleu! il n'avait pas souvent vu des diamants comme le Régent. Il le regarda à la loupe, puis le posa sur une petite balance de cuivre, hocha longuement la tête et finalement le rendit au vieux monsieur.

      Celui-ci replaça le Régent dans le petit sac que l'on connaît, puis s'entretint un moment avec le bijoutier. Il cherchait évidemment à expliquer comment il se trouvait en possession d'une telle pierre précieuse…

      J'eus à ce moment l'idée de faire irruption dans la boutique, en compagnie de Manzana, de me donner comme inspecteur de la Sûreté, d'arrêter l'homme et de saisir le diamant, mais je compris tout de suite que cette façon de procéder n'amènerait pas le résultat que j'en attendais. Le marchand nous accompagnerait pour servir de témoin et, au commissariat, on confisquerait l'objet. Nous ne serions pas plus avancés que devant.

      – Attention! dis-je à Manzana… ouvrez l'œil… nous allons filer cet individu-là quand il va sortir, mais n'oubliez pas que si nous le laissons échapper, si nous perdons sa piste, nous perdons aussi notre diamant.

      – Soyez tranquille… il ne nous échappera pas…

      Et mon compagnon traversa rapidement la rue.

      L'homme était maintenant sur le pas de la porte. Il causait avec le bijoutier, et je remarquai que celui-ci semblait chercher quelqu'un, un agent probablement, afin de lui signaler le particulier, mais en province, comme à Paris, quand on a besoin d'eux, les agents ne sont jamais là.

      Je m'étais tourné à demi pour que le vieux monsieur ne pût me reconnaître. Quand enfin il quitta le bijoutier, je fis à Manzana un signe d'intelligence et me lançai sur les traces de notre voleur.

      Le filou marchait d'un bon pas et il me parut que, pour un vieillard, il avait le jarret joliment élastique. Il descendit la rue Grand-Pont, tourna à droite, s'arrêta un instant pour acheter des journaux, puis s'installa sur le quai de la Bourse, à la terrasse d'un café.

      Manzana et moi, nous nous dissimulâmes derrière un kiosque.

      – Je crois que nous le tenons, dis-je.

      – Oui, répondit mon associé, mais nous ne pouvons nous jeter sur lui, en plein jour. Si encore nous savions à quel hôtel il est descendu.

      – Nous le saurons bientôt, soyez tranquille.

      Un quart d'heure s'écoula. Notre gredin lisait toujours son journal, mais il devait certainement attendre quelqu'un, car, de temps à autre, il jetait un rapide coup d'œil dans la direction de la Bourse.

      Déjà, cela était visible, il commençait à s'impatienter, quand une femme s'approcha vivement de lui.

      – Voici СКАЧАТЬ