Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires. Galopin Arnould
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СКАЧАТЬ cette pièce, à côté du coffre-fort et vous pouvez ainsi surveiller votre «gage». Que vous faut-il de plus?

      Ce raisonnement était loin de me convaincre, mais dans la situation où je me trouvais, je devais tout accepter. Le revolver, un petit browning bronzé, était toujours sur la table et Manzana le caressait de temps à autre d'un geste nonchalant.

      La grande force, dans la vie, c'est de gagner du temps, car avec le temps les affaires les plus compliquées finissent souvent par s'arranger d'elles-mêmes… Je cédai donc et remis le diamant à Manzana. Il le regarda de nouveau, s'extasia sur son poids et sa limpidité, puis, ouvrant son coffre-fort, le plaça soigneusement sur la tablette du haut, dans une petite caisse à monnaie. Cela fait, il referma la porte de fer, mit la clef dans la poche de son gilet, puis, familièrement, vint s'asseoir sur le divan, à côté de moi.

      Il avait laissé son revolver sur la table et j'aurais pu, à ce moment, me jeter sur lui, l'étourdir d'un coup de poing et reprendre mon bien, mais je n'osai point… Manzana était un individu taillé en force, un gaillard au cou de taureau, aux mains énormes et il n'eût fait de moi qu'une bouchée… Je songeai aussi à me précipiter vers le bureau, à y prendre la petite arme sournoise qui s'y trouvait, mais je compris que cela serait impossible… Manzana était assis à ma droite et il lui suffisait d'étendre la main pour s'emparer du browning. Il valait mieux user de ruse, attendre une occasion plus favorable… En tout cas, j'étais bien résolu à ne plus lâcher mon homme d'une semelle.

      – Mon cher Pipe, me dit brusquement Manzana, vous êtes ma providence.

      Et comme je le regardais, ahuri…

      – Oui… ma providence!.. Voyez comme la vie est drôle… j'étais perdu, ruiné, prêt à m'enfuir je ne sais où, quand vous avez eu la bonne idée de crocheter ma porte… Cela vous étonne, hein? A voir cet intérieur plutôt luxueux, on dirait que je roule sur l'or… Hélas! mon cher Pipe, je suis pauvre comme Job… Rien de ce qui est ici ne m'appartient… j'ai loué cet appartement tout meublé à une vieille rentière en ce moment à Nice et qui ne se doute certainement pas qu'elle ne verra plus la couleur de mon argent… Voyons, causons sérieusement… vous m'avez dit tout à l'heure que vous saviez où placer notre diamant… expliquez-vous… Est-ce que vous ne vous illusionnez pas un peu?.. Votre ami, le lapidaire, est-il un homme sûr? Avez-vous déjà traité quelque affaire avec lui? Ne craignez-vous point qu'il vous dénonce lorsqu'il aura «l'objet» entre les mains?

      – Non… mon lapidaire est un honnête homme…

      – Ah!.. et où demeure-t-il?

      – A Amsterdam…

      Manzana bondit sur le divan comme s'il eût touché une pile électrique…

      – A Amsterdam!.. à Amsterdam!.. et vous croyez que nous allons aller à Amsterdam?

      – Il le faudra bien… à moins que vous ne connaissiez ici quelqu'un qui consente à nous acheter le diamant…

      – Au fait, vous avez raison… j'étais stupide… eh bien, nous irons à Amsterdam, voilà tout… mais, en ce cas, il faudrait partir le plus tôt possible.

      – Je suis à vos ordres… Demain, si vous voulez?..

      – Demain, soit… D'ailleurs, cela tombe à merveille, car j'ai quelques raisons pour ne pas m'éterniser à Paris… ainsi, c'est entendu, nous allons à Amsterdam. Là, votre ami le lapidaire fractionne le diamant, en opère la vente, nous remet l'argent, nous partageons et tirons chacun de notre côté… Combien croyez-vous que tout cela demande de temps?

      – Un mois au minimum…

      – Oui, c'est ce que je pensais… Et vous avez, bien entendu, de quoi payer notre voyage?

      Je regardai Manzana d'un air effaré…

      – Comment? fit-il, vous hésitez à me faire cette légère avance… mais je vous la rembourserai, mon cher, soyez tranquille.

      – Alors, vous n'avez pas d'argent?

      – Mais puisque je vous ai dit tout à l'heure que j'étais à la côte…

      – Eh bien! nous voilà propres!..

      – Vous n'avez pas d'argent non plus?

      – Rien ou presque rien!..

      – Le diable vous emporte! Ainsi, c'était pour vous en procurer que vous veniez cambrioler mon appartement?

      – Pardon! Je ne venais pas précisément chez vous… je croyais m'introduire chez M. Bénoni, le locataire du dessus…

      – Oui… c'est juste… mais alors, il faut y aller, chez ce M. Bénoni, et sans tarder encore…

      – Trop tard!

      – Trop tard!.. et pourquoi cela?

      – M. Bénoni doit être rentré maintenant.

      – Qu'en savez-vous?

      – J'en suis à peu près sûr… Vous pensez bien qu'avant de «partir en expédition», je m'étais renseigné…

      – Et qui donc vous avait renseigné?

      – Le domestique…

      – Il faudra vous aboucher avec lui, et cela dès demain… Peut-être que demain soir vous pourriez «tenter le coup» de nouveau.

      Manzana baissait de plus en plus dans mon estime. Cet homme, qui avait paru s'indigner que je crochetasse sa serrure, me pressait maintenant d'aller cambrioler ses voisins. C'était décidément un bien triste individu. Et dire que les circonstances m'avaient associé à une pareille fripouille!

      Comme je ne répondais pas, il s'emporta:

      – Eh bien… quand vous me regarderez avec un air hébété… Voyez-vous une autre solution?

      – Pour le moment… non.

      – Peut-être bien que demain vous aurez une inspiration… la nuit porte conseil… Allons, il est tard… c'est le moment de se mettre au lit… Je vous céderais bien ma chambre, mais méfiant comme vous l'êtes, vous verriez encore là quelque piège… Il est plus simple que nous couchions ici tous deux… près du coffre-fort… Venez avec moi, nous allons chercher un matelas et des couvertures.

      Manzana ouvrit une porte et me poussa devant lui. Nous traversâmes un salon confortablement meublé, une salle à manger gothique, puis nous arrivâmes dans la chambre, où régnait un affreux désordre… Le lit était défait; des habits, du linge, des chaussures traînaient çà et là, pêle-mêle.

      – Prenez le matelas, me dit-il, moi je me charge des couvertures.

      Quelques instants après, mon associé et moi étions installés dans le bureau, lui sur le divan, moi sur le matelas. Nous avions laissé l'électricité allumée et, de temps à autre, nos regards se rencontraient. Manzana finit par s'endormir. Je me soulevai doucement et le regardai. Il était couché sur le dos, la tête légèrement renversée… Son bras droit pendait le long du divan et sa main qui rasait presque le parquet tenait toujours le maudit browning!

      J'eus un moment l'idée de me précipiter sur cette main, de m'emparer СКАЧАТЬ