Histoire de Sibylle. Feuillet Octave
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Название: Histoire de Sibylle

Автор: Feuillet Octave

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ un diamant de famille! Il faut avouer que de Vergnes, sous son apparente légèreté, cache un tact et une sûreté de jugement peu ordinaires! Elle n'est pas belle, c'est vrai; mais j'en suis bien aise. Ce sera pour Sibylle un enseignement de plus: nous lui démontrerons en quelque sorte sur cet exemple vivant, combien les avantages physiques sont de mince valeur comparés à cette parure morale qui brille chez miss O'Neil comme dans un riche écrin, j'entends la noblesse des sentiments, la pureté de l'âme, les grâces de l'esprit…

      – Les douces vertus du caractère… dit la bonne marquise.

      – Et les solides principes religieux, ajouta le curé.

      Au milieu de ce concert, la porte du salon s'ouvrit avec fracas, et la nourrice, qu'on appelait dans le château madame Rose, entra brusquement, les traits si étrangement bouleversés que l'annonce d'une catastrophe lui sortait pour ainsi dire par les yeux.

      – Au nom du ciel! nourrice, qu'y a-t-il? s'écria le marquis en se levant.

      – Monsieur le marquis, dit madame Rose, reprenant difficilement haleine, elle n'est pas chrétienne!

      – Quoi? qui? Miss O'Neil? Pas chrétienne?.. C'est impossible!

      Vous êtes folle, nourrice!

      – Elle n'est pas chrétienne! reprit madame Rose en appuyant; c'est une chose sûre, puisqu'elle a demandé tout à l'heure à Jean s'il y avait un ministre protestant dans les environs, et si elle pourrait aller facilement au temps tous les dimanches.

      – Protestante! dit le marquis, retombant anéanti sur son fauteuil. Protestante!.. Puis, après une pause: – Madame Rose, reprit-il d'une voix altérée, c'est bien, laissez nous!

      Il y eut quelques minutes d'un silence complet: la marquise échangeait avec son mari des regards douloureux; le curé et madame de Beaumesnil avaient joint les mains et les levaient de temps à autre vers le plafond avec un air de consternation sincère chez le premier, mais qui, chez la dame, n'était qu'une contenance, car, en réalité, la bombe qui venait d'éclater chez ses voisins n'avait jeté dans son coeur, toujours rongé d'envie, qu'une pluie de fleurs et de rosée.

      – Il faut convenir, dit enfin le marquis avec éclat, que de Vergnes est impardonnable! Voilà bien l'indifférence et la frivolité parisiennes!.. Une chose si capitale! il ne s'en informe même pas!.. Il m'eût envoyé tout aussi bien une juive ou une mahométane… mon Dieu! tout aussi bien! Voilà de Vergnes! Quant à moi, comment m'en serais-je informé? Comment m'imaginer une pareille négligence? Comment une idée si insensée, si absurde, m'eût-elle un seul instant traversé le cerveau?.. D'ailleurs elle était Irlandaise, et j'ai dû croire… car il a fallu vraiment une fatalité particulière!.. Au surplus, je n'apprendrai à personne ici que la nourrice, en refusant à miss O'Neil la qualité de chrétienne, parlait en ignorante femme du peuple. Miss O'Neil n'est pas catholique, voilà tout, et c'est parbleu bien suffisant; mais, à part la déplorable erreur de sa croyance, elle n'en reste pas moins une femme digne d'intérêt, digne d'égards… et véritablement je me trouve, vis-à-vis d'elle, dans un embarras effroyable… Que faire?

      – Il me semblerait difficile, monsieur le marquis, hasarda timidement le curé, de laisser une institutrice protestante auprès de mademoiselle Sibylle, surtout au moment où l'enfant se prépare à sa première communion.

      – Oh! Seigneur! s'écria madame de Beaumesnil avec un élan d'indignation qui se tourna aussitôt en hilarité réservée.

      – Cela n'est pas possible, reprit le marquis, je n'y songe pas un instant, madame, veuillez le croire; mais j'ai l'âme navrée, je vous le confesse: outre que je ne renonce point sans amertume à faire profiter ma petite-fille des talents, et je dirai même, quoi qu'il en puisse être, des vertus de cette personne, je frémis du coup que je vais porter à un coeur aussi sensible, aussi délicat que m'a paru l'être celui de miss O'Neil. Moi-même j'aurai contribué, par l'imprudence de mon langage, – mais mon propre coeur m'entraînait, – à lui rendre ce mécompte plus poignant. Oui, je donnerais un de mes bras tout à l'heure pour lui épargner et pour m'épargner à moi-même l'explication et la séparation qui semblent désormais nécessaires.

      – Cela est dur assurément, mon ami, dit la marquise; mais si vous reconnaissez que cela est nécessaire…

      – Le plus tôt sera le mieux, interrompit brutalement madame de

      Beaumesnil.

      – Pardon, madame, répliqua un peu vivement le marquis; mais vous ne prétendez pas sans doute que je chasse cette jeune femme comme un voleur, si protestante qu'elle puisse être!

      Il y eut une nouvelle pause de silence, après laquelle la marquise reprit avec douceur:

      – J'allais dire, mon ami, que, si vous le désiriez, je me chargerais d'interpréter vos intentions à miss O'Neil.

      – Non, ma chère, non. Vous voulez toujours prendre les peines pour vous. Cela n'est pas juste. Miss O'Neil est-elle seule en ce moment que vous sachiez?

      – Sibylle est avec elle.

      – Faites appeler l'enfant.

      La pauvre miss O'Neil cependant, lorsqu'elle était demeurée seule avec Sibylle après le départ de la marquise, avait lu facilement dans les yeux de son élève la prévention peu favorable qu'elle lui inspirait. Elle s'était bien gardée de chercher à vaincre cette antipathie par des prévenances et des caresses inopportunes. Elle n'embrassa même point Sibylle, bien qu'elle en mourût d'envie. Lui souriant seulement le plus doucement qu'elle put, elle l'emmena dans sa chambre, sous le prétexte, toujours bien accueilli des enfants, de la faire assister au déballage de ses caisses. Miss O'Neil, en effet, commença par exposer à la lumière son humble trousseau qu'elle casa ensuite dans les armoires avec méthode. Pendant cette partie de l'opération, qui du reste ne fut pas longue, Sibylle, debout au milieu de la chambre, les bras croisés par derrière, le front soucieux, contemplait sans mot dire, et non sans dédain, les allées et venues de l'affairée miss O'Neil, qui lui semblait, en vérité, se donner beaucoup de peine pour peu de chose; mais son joli visage se détendit et s'éclaira bientôt du plus vif intérêt, quand elle vit sortir successivement des profondeurs d'une caisse l'herbier de miss O'Neil, puis sa palette, ses pinceaux et son chevalet, enfin une demi-douzaine de tableaux, ouvrage de miss O'Neil. Les questions de l'enfant commencèrent alors ardentes et pressées; mais elles s'arrêtèrent soudain devant une vision plus éclatante et plus mystérieuse encore: c'était une harpe que l'Irlandaise dégageait de son étui; et quand miss O'Neil, ayant placé l'instrument sur sa base dorée, crut devoir en tirer quelques accords d'un air rêveur, l'enthousiasme de Sibylle pour cette merveilleuse étrangère ne connut plus de bornes.

      – Vous m'apprendrez tout ce que vous savez, miss O'Neil?

      – Tout, certainement, ma chérie.

      – Je saurai, comme vous, le nom de toutes les fleurs?

      – De toutes les fleurs, mon enfant.

      – Je jouerai de ce bel instrument, comme les anges?

      – Comme les anges.

      – Et je ferai des tableaux comme les vôtres?

      – Assurément, et meilleurs que les miens, j'espère.

      – Je ne crois pas que cela soit possible, miss O'Neil, car ils sont superbes.

      Et pour témoigner sans retard à miss O'Neil sa respectueuse admiration, Sibylle СКАЧАТЬ