Histoire de Sibylle. Feuillet Octave
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Название: Histoire de Sibylle

Автор: Feuillet Octave

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ plus que le nom: on l'appelait la Roche à la Fée. Ce nom, qui évoquait tous les romans de son enfance, contribuait beaucoup sans doute à faire de ce lieu une des stations favorites de Sibylle. Elle demeurait là avec une singulière persévérance, surveillant d'un oeil curieux cette merveilleuse roche, – à demi craintive, à demi enchantée. Elle attendait une aventure. Il lui en arrive deux.

      Un soir d'été, elle était venue rendre visite à la Roche-Fée, tandis que sa nourrice, suivant l'usage, travaillait au pied d'un arbre dans la partie supérieure du bois. Sibylle aimait à être seule avec sa roche. Mademoiselle de Férias était à cette époque une fillette de sept à huit ans, grande pour son âge, élégante et marchant bien. La masse épaisse de ses cheveux blonds était emprisonnée dans un réseau dont le poids semblait faire fléchir sa tête en arrière par un mouvement d'une grâce hautaine. Elle portait habituellement un chapeau à bords plats autour duquel était roulée une plume noire qui retombait légèrement sur son front et qui jetait sur ses yeux, naturellement profonds, une ombre un peu farouche; mais quelquefois elle avait la fantaisie d'enlacer dans ses cheveux des lianes, des feuillages et des fleurs qui formaient sur sa tête une de ces épaisses couronnes qui ombragent le front des jeunes pâtres joueurs de flûte dans les scènes figurées des âges mythologiques. – Elle avait eu, ce soir-là, cette fantaisie, et, se servant de la petite fontaine comme d'un miroir, elle s'était composé une coiffure d'une grâce sauvage. – Elle tenait à la main une baguette qu'elle avait dépouillée de son écorce: debout sur le bord du bassin, le regard vague et perdu, elle levait le bras de temps à autre et dessinait lentement dans l'air avec sa baguette blanche des signes mystérieux, comme si elle eût joué un rôle dans quelque idylle féerique dont elle s'enchantait elle-même. Tout à coup, en face d'elle, la taillis s'entr'ouvrit, et un homme sauta légèrement sur le terre-plein qui entourait la fontaine. Sibylle fit un mouvement en arrière et entr'ouvrit les lèvres pour crier: puis elle demeura immobile, une main appuyée sur sa baguette, dans une pose intrépide, l'oeil fixé sur l'inconnu. Cet inconnu n'avait à la vérité rien d'effrayant: c'était un jeune homme d'une vingtaine d'années au plus, en tenue de voyage, grand, souple, avec un reste de grâce adolescente et une douce flamme dans des yeux bien ouverts. L'aspect imprévu de l'enfant, sa beauté, sa couronne étrange, son attitude héroïque, avaient d'abord jeté ce jeune homme dans un étonnement silencieux. Il murmura enfin quelques mots en souriant et en se parlant à lui-même, puis il dit à haute voix:

      – Pardon, mademoiselle… Je suis peut-être ici chez vous?

      – Oui, dit Sibylle.

      – Excusez mon indiscrétion. Je vais me retirer. J'étais venu, ajouta-t-il en montrant un album, pour dessiner dans ces bois que je croyais ouverts au public.

      Sibylle ne répondant point, il fit deux pas comme pour s'éloigner.

      – C'est dommage, reprit-il gaiement. Quel joli endroit! Puis-je vous demander comment on l'appelle?

      – La Roche à la Fée.

      – Ah! Et vous êtes la fée? dit le jeune homme, que le sérieux de l'enfant amusait.

      Un sourire effleura la bouche fière de Sibylle.

      – Oui, dit-elle.

      – Mon Dieu! me permettriez-vous de faire votre portrait?

      – Non.

      – Voulez-vous me permettre au moins de vous demander votre nom?

      – Sibylle.

      – Adieu donc, mademoiselle Sibylle… Me permettez-vous de vous embrasser, mon enfant?

      – Non.

      – Puis-je vous baiser la main?

      Sibylle avança sa main avec un geste d'infante. Le jeune homme sourit, puis la baisa gravement.

      – Je vous suis reconnaissant, mademoiselle. Maintenant je m'en vais, et je puis vous assurer que je n'oublierai jamais ni la roche ni la fée. Gardez-moi aussi un petit souvenir dans votre jolie tête. Voulez-vous?

      – Je ne sais pas votre nom.

      – Je m'appelle Raoul. Vous en souviendrez-vous?

      – Toujours, dit l'enfant.

      Raoul, un peu embarrassé, sans trop savoir pourquoi, la regarda encore un moment avec un sourire gauche, puis il la salua respectueusement et disparut dans le taillis.

      Quelques jours plus tard, la marquise de Férias, tenant sa petite-fille attentive sur ses genoux, commençait en ces termes une de ces improvisations orientales où elle excellait:

      – Il y avait une fois dans une forêt, sur les bords du Gange, un fils de roi qui chassait; il était beau comme le jour, bien élevé, spirituel et modeste; il s'appelait…

      La marquise cherchant le nom de ce fils de roi, Sibylle le lui fournit tout à coup:

      – Raoul, dit-elle.

      – Pourquoi Raoul? demanda avec un peu d'étonnement madame de

      Férias.

      Une légère teinte rosée se répandit sur les joues de l'enfant. Par un sentiment qu'il lui eût été bien impossible d'expliquer, elle avait gardé pour elle jusque-là l'innocent mystère de son entrevue avec l'inconnu. Elle n'hésita pas à le confier sur l'heure à son aïeule, ajoutant tout bonnement que, ce Raoul lui ayant paru beau comme le jour, bien élevé, spirituel et modeste, son nom lui était venu naturellement à l'esprit pour en baptiser ce fils de roi qui avait tout juste les mêmes qualités. Madame de Férias rit beaucoup de l'histoire, et même plus qu'elle n'en avait envie; elle s'assura discrètement le lendemain, dans une petite excursion au bourg de Férias, que le prince Raoul, qu'on lui présenta d'ailleurs comme un jeune homme gai, honnête et du meilleur monde, avait quitté le pays le soir même du jour où il y avait paru: moyennant quoi, Sibylle put continuer librement ses chères promenades et rencontrer peu de temps après dans le même lieu une seconde aventure qui exige deux mots de préface.

      Le ruisseau qu'épanchait l'urne de la fée de Férias, et qui traversait les bois, allait se jeter dans la mer à deux lieues de là; mais, chemin faisant, il s'enflait du tribut de deux ou trois affluents et finissait par former un cours d'eau respectable, lequel, peu d'années avant celle où commence cette histoire, avait l'honneur de faire tourner un moulin établi sur la lisière de la forêt. Le meunier de ce moulin se nommait Jacques Féray. Il avait gaiement accompli son temps de service sur la flotte, et avait trouvé au retour une fiancée fidèle à qui il fit hommage de ses boucles d'oreilles à la marinière, et qui devint bientôt après une meunière blanche et de bonne mine. Ce ménage fut heureux. Jacques Féray était un brave garçon de belle humeur; il était doué d'une jolie voix, qu'il avait perfectionnée dans les veillées de bord, et qu'il ne tarda pas à utiliser auprès du berceau d'une petite fille que lui donna sa femme. Il y avait devant le moulin un carré de jardin aux deux pieds de figuier et trois ruches à miel; tout cela avec cette jeune meunière, ce meunier poudré et chantant, et ce brin d'enfant qui dansait à travers, tout cela riait à l'oeil sous le soleil de l'été. Après cinq ou six ans, madame Féray fut favorisée d'une nouvelle grossesse, et Jacques Féray, qui devait à la vérité le savoir, jurait joyeusement que cette fois-ci c'était un garçon. Sur ces entrefaites, par une triste nuit d'automne, une trombe d'eau s'abattit sur le canton de Férias; ce déluge local se prolongea toute la journée du lendemain: la nuit suivante, le paisible ruisseau, métamorphosé en torrent furieux, escalada ses rives, noya les campagnes et culbuta le moulin. Jacques Féray se sauva à grand'peine avec sa femme et sa fille; mais СКАЧАТЬ