Histoire de Sibylle. Feuillet Octave
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Название: Histoire de Sibylle

Автор: Feuillet Octave

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ observa qu'elle ne priait point avec son recueillement ordinaire. La distraction de Sibylle était du reste partagée par tous les fidèles qui, pendant la cérémonie, ne cessaient de jeter des regards impatients sur le petit autel supplémentaire et d'échanger des chuchotements mêlés de sourires. Quand le messe fut terminée, la curiosité, si longtemps et si mal contenue, fit explosion, et le choeur fut pris d'assaut par la foule. En cet instant critique, le chevalier Théodore Desrozais, opposant ses grands bras au flot des envahisseurs et dominant le tumulte des éclats de sa voix de chantre, réussit à transformer la cohue en un défilé méthodique; puis, adoptant le rôle de cicerone, il démontra à chaque groupe de curieux les grâces et les mérites de la figure de cire dont il se plut même à faire jouer les yeux d'émail par le moyen d'un ressort ingénieux. Les impressions que cette scène laissait dans l'esprit des assistants étaient de diverse nature: quelques hommes, à peine sur le seuil du porche, riaient à leur aise du bon Dieu de madame de Beaumesnil; quelques vieilles femmes, prises d'une dévotion subite pour cette image, lui consacraient des cierges. Madame de Férias, sur l'invitation pressante de madame de Beaumesnil, eut la politesse de se ranger au nombre de ces prosélytes vulgaires.

      Sibylle, en retournant au château, resta remarquablement triste et silencieuse. Avait-elle été choquée des indécentes familiarités d'un tel épisode, contrastant avec l'idée solennelle qu'elle s'était faite de la Divinité et du culte qui lui était dû? La logique droite et même un peu roide qui caractérise l'intelligence des enfants lui suggérait-elle à cette occasion des réflexions d'un ordre plus sérieux encore? Quelles que fussent ses pensées, l'enfant les garda pour elle.

      Cependant, l'époque fixée pour sa première communion approchait. L'abbé Renaud venait alors presque chaque jour au château de Férias; il y partageait le dîner de famille, qui avait lieu à midi, et donnait ensuite à Sibylle une leçon de catéchisme. Une après-midi, M. de Férias, qui peu d'instants auparavant avait laissé sa petite-fille enfermée avec la curé, fut surpris de la rencontrer tout à coup dans le jardin.

      – Mais que faites-vous là? lui dit-il; est-ce que l'abbé est déjà parti?

      – Non, dit brièvement Sibylle, il dort.

      – Comment! reprit le marquis, est-ce qu'il s'endort souvent ainsi?

      – Très-souvent après dîner.

      – Il n'importe, dit gravement M. de Férias, votre devoir était d'attendre son réveil avec patience. Je n'aime ni votre conduite ni votre ton, qui manquent de respect.

      Ce n'était pas la première fois que M. de Férias avait l'occasion de constater dans l'attitude et dans le langage de Sibylle vis-à-vis du curé une nuance assez indéfinissable d'irrévérence et presque de dédain. Alarmé de ce bizarre symptôme, il ne l'était pas moins de l'humeur mélancolique qui, depuis quelque temps, s'était emparée de l'enfant, et du goût qu'elle avait repris pour la solitude. En même temps, chose étrange, il croyait voir qu'une altération analogue se produisait peu à peu dans le caractère de l'abbé Renaud, dont la santé même ne paraissait pas aussi bonne qu'autrefois. L'incident du jour prêtait une nouvelle gravité à ces observations. La leçon finie, le marquis et la marquise mandèrent le curé. Le brave homme arriva tout haletant sous le poids de trois énormes in-quarto qui chargeaient ses bras.

      – Ah! ah! qu'avez-vous donc là, l'abbé? dit M. de Férias.

      – Monsieur le marquis, ce sont les Pères.

      – Ah! ce sont les Pères?

      – Oui, ce sont quelques volumes des Pères que je prends la liberté d'emprunter à votre bibliothèque, et que j'emporte au presbytère.

      – Ah! vous relisez les Pères, l'abbé?

      – Oui, monsieur le marquis: je me propose même de les relire à fond, et je me reproche de ne l'avoir pas fait plus tôt. Au surplus, j'y passerai mes nuits, s'il le faut.

      M. de Férias toussa légèrement.

      – Hem! mais voilà du zèle, l'abbé, voilà du zèle!.. Et vous êtes toujours content de Sibylle, mon ami?

      Une faible teinte rosée nuança les jours du vieux prêtre.

      – Toujours, monsieur le marquis; mais, vous le savez, l'enfant a de l'esprit!

      – Voulez-vous dire, l'abbé, qu'elle abuse de son esprit?

      – Mon Dieu! monsieur le marquis, si quelqu'un doit être blâmé en cette affaire, c'est moi seul. Avant d'entrer en lice contre une intelligence si subtile, j'aurais dû sans doute fourbir à neuf mon arsenal théologique, un peu rouillé par les années.

      – Comment! l'enfant discute donc avec vous?

      – A dire vrai, monsieur le marquis, elle ne s'en fait pas faute depuis quelque temps. Aujourd'hui en particulier elle a soulevé quelques objections véritablement embarrassantes.

      – Mais à propos de quoi, mon pauvre abbé?

      – A propos de tout, monsieur le marquis, et spécialement à propos des mystères.

      – A propos des mystères? Mais cela n'est pas naturel, l'abbé. Les mystères n'ont rien qui doive étonner l'intelligence des enfants, car pour eux tout est mystère. Il faut qu'il y ait là-dessous du parti-pris.

      – Véritablement, monsieur le marquis, je serais quelquefois tenté de le croire.

      – Expliquez-vous, mon digne ami: soupçonneriez-vous miss O'Neil d'exercer sur l'esprit de Sibylle quelque malfaisante influence?

      L'abbé Renaud écarta les bras et leva légèrement les épaules.

      – Hélas! je ne sais qu'en penser, dit-il. Je dois reconnaître que miss O'Neil, lorsqu'elle assiste à mes leçons, s'y comporte avec une parfaite bienséance; mais il est trop évident que je perds chaque jour davantage la confiance et même le respect de l'enfant.

      Au milieu des angoisses qui déchiraient en ce moment le coeur du vieux marquis, aucune circonstance ne pouvait lui être d'un surcroît plus désagréable que l'arrivée de madame de Beaumesnil, qu'on introduisit tout à coup dans le salon. Madame de Beaumesnil, cependant, voulut bien ne triompher qu'avec modération de la douleur de ses voisins et de l'accomplissement de ses prophéties. Elle se contenta de prendre l'attitude du sage méconnu pour qui l'heure de la justice a enfin sonné; puis elle demanda tranquillement si miss O'Neil était encore au château.

      – Sans doute, madame, dit le marquis. Il ne faut pas que le malheur nous rende injustes. Miss O'Neil n'est encore que soupçonnée; mais je conviens qu'une matière aussi grave veut être éclaircie sans délai. Venez avec moi, l'abbé.

      M. de Férias, en sortant du salon, rencontra un domestique qui avait laissé mademoiselle Sibylle et miss O'Neil au carrefour du vieux chêne. Le marquis et l'abbé se dirigèrent de ce côté. Ils convinrent, chemin faisant, que ce n'était pas l'heure d'écouter de vains scrupules, et que le seul moyen de connaître la vérité était de surprendre l'entretien de miss O'Neil et de son élève. Ils s'approchèrent donc avec précaution à travers le fourré, et parvinrent à gagner, sans être aperçus, la frange épaisse d'arbres et de buissons qui bordait la clairière. Miss O'Neil, assise sur la table druidique, tenait une sphère céleste; elle en expliquait le mécanisme à Sibylle, agenouillée près d'elle sur un coussin, et levait de temps à autre la main vers les différents points de l'horizon, comme pour appliquer sur le firmament ses démonstrations théoriques. Cette leçon du reste touchait à sa fin, car l'Irlandaise déposa СКАЧАТЬ