Charlotte de Bourbon, princesse d'Orange. Delaborde Jules
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СКАЧАТЬ affectueuse et bonne pour chacune d'elles.

      L'information secrète dont il s'agit est d'une si haute portée, qu'il faut en reproduire ici la teneur exacte. La voici44:

      «Information secrète, faicte par nous, Nicolas de Gaulnes, lieutenant-général de monsieur le bailly de Juere (Jouarre), appelé avec nous, Pierre Desmolins, greffier de ce bailliage, et ce, à la postulation et requeste de noble homme, Me Pierre André, sieur de La Garde, advocat en la Cour de Parlement de Paris, et superintendant des affaires de Monseigneur le duc de Montpensier; joinct le procureur desdites religieuses et couvent dudict lieu, aux fins de trouver la vérité de ceux qui ont suborné madame Charlotte de Bourbon, abbesse de Jouarre, fille de mondit seigneur le duc, pour la tirer hors de ladite abbaye, pour la conduire hors de ce royaume, comme aussi des occasions qui peuvent avoir induict icelle dicte dame d'avoir laissé son habit qu'elle avoit porté par l'espace de douze à treize ans, sans en avoir faict plainte ni doléance à mondict seigneur ou à aultre, ainsi que prétend ledict André; joinct qu'elle n'avoit faict protestation contraire à la profession par elle faicte; de façon que, si aulcune se trouvoit, qu'elle seroit sans cause, faulte d'induction, séduction, force, contrainte et menaces, tant dudict seigneur duc, que de deffuncte madame sa mère, ou autres ses supérieures; à la vérification desquelles choses, pour servir auxdicts procureur, seigneur duc, ou à ladicte dame de Juere ce que de raison, avons vacqué comme s'en suit:

      »Du 28e jour d'apvril, l'an 1572.

      »1o. – Vénérable religieuse Catherine de Richemont, religieuse en l'abbaye de Juere, âgée de soixante-quatre ans ou environ, laquelle, après serment par elle faict, a dict que, plus de cinquante ans a, qu'elle est religieuse en ladite abbaye, mais qu'elle ne sçait qui a sollicité ny fait sortir hors de ce royaume de France madame Charlotte de Bourbon, abbesse de ladite abbaye, sinon qu'elle pense que Françoys et Georges d'Averly luy pourroient bien avoir sollicité de ce faire, parce que journellement ils hantoient et fréquentoient en ladite abbaye, où icelle madite dame leur monstroit grande faveur. On ne sçayt personne qui sceust aucune chose de l'occasion pour laquelle elle a délaissé sadite maison, sinon que icelle portoit son habit à contre-cœur, parce qu'elle n'a esté religieuse que par le commandement de madame sa mère, laquelle la faisoit importuner et solliciter d'estre religieuse par plusieurs personnes, lesquelles rapportant à madite dame sa mère, que sa fille n'y vouloit entendre, elle-même luy envoyoit des lettres rigoureuses, pleines de menaces et de l'envoyer en fosse de religion de Fontevrault; crainte de quoy et pour éviter les rudesses, elle fit ce que sadite mère voulut; mais le regret luy en fist avoir la fiebvre qui la tint pour un long temps. N'a la déposante jamais entendu que monseigneur le duc de Montpensier ayt oncques forcé sadite fille, mais au contraire marry contre sa défunte femme de ce qu'elle attaquait sa fille n'estre contre son gré telle qu'elle la desiroit, et prophétisa ce qui est advenu de cette force et importunement; et pense ladite déposante que, si ladite fille eust fait entendre librement à mondit seigneur que son habit luy déplaisoit, que fort voluntiers il luy eust faict oster; mais elle estoit fille si craintive, qu'elle n'osa jamais luy en parler, crainte de l'ennuyer et fascher. Bien l'a-t-elle dict souvent à plusieurs, qui l'ont célé à mondit seigneur, de peur de l'irriter. Toutefois elle continuoit toujours à dire, en lieu de liberté, qu'elle n'estoit professe, et que, si elle n'avoit craint que mondit seigneur son père se fâchast, qu'elle auroit bien tantost changé de voile. Elle le luy a souvent ouy dire, veu et entendu ce que dessus, et est bien certaine de tout, pour avoir eu cest honneur de parler à elle souvent et familièrement, comme veu et entendu ce que sa défunte mère si faisoit, et la révérence paternelle qu'elle portoit à sondit père.

      Ainsi signé: »Richemont.

      »2o. – Vénérable religieuse, Catherine de Perthuis, religieuse en l'abbaye de Juerre, âgée de soixante ans ou environ, laquelle, après serment par elle faict, a dit que, quarante-six ans a, elle est religieuse en ladite abbaye, et qu'elle ne sçayt ceux qui pourroient avoir sollicité et donné conseil à madame Charlotte de Bourbon, abbesse de ladite abbaye, de sortir hors et s'en avoir allé hors du royaume de France, sinon Françoys et Georges d'Averly, qui estoient ordinairement avec madite dame, ausquels elle monstroit grande faveur; et nul ne pouvoit sçavoir ce qu'ils vouloient faire; et emmenèrent madite dame, faisant semblant d'aller voir madame du Paraclet; et a on esté longtemps qu'on pensoit qu'elle ne fust allée que jusques audict Paraclet, jusques à tant qu'il vint nouvelles de ceulx qui estoient allez avec elle, qui estoient Me Jehan Petit, Jehan Parent, Loys Lambinot, Gilles Leroy et Jacques de Conches, fussent revenus, qui dirent qu'elle estoit allée en Allemagne, au logis du comte palatin, et que lesdits d'Averly et un nommé Robichon estoient demourez avec madite dame; et qu'elle pense certainement qu'il y a jà longtemps que lesdits d'Averly sollicitoient madite dame de s'en aller. Dict aussy que, quand monseigneur le duc de Montpensier vint à Jouarre, durant les désastres qui ont esté en ce royaume, et qu'il fit publier de baptiser plusieurs enfans des huguenots, madite dame dict: puisque mondit seigneur son père luy avoit joué ce tour, qu'elle ne se pourroit plus contenir qu'elle n'en feist un autre et ne luy monstrast qu'elle n'eut jamais envie d'estre religieuse, en ayant faict profession par forcedite de madame sa mère, laquelle, à la vérité, luy a tenu toutes les rigueurs du monde pour la faire telle. Et en a veu la déposante tant de menaces de sadite mère et tant de sollicitations de plusieurs gentilshommes et serviteurs, qu'elle n'en ose dire la centième partie, voire que, pour tromper cette pauvre enfant, elle déposante vit que, quand monsieur Ruzé, à présent évesque d'Angers, vint pour luy faire faire sa profession, il avoit deux lettres; l'une contenant paroles douces et fort légères, de profession, non accoustumées à dire, afin que ceste abbesse ne les trouvast rudes, et une autre véritable, de laquelle on ne fit lecture quelconque; et a entendu que, si elle n'eust faict ladicte profession, que madite dame sa mère luy eust faict toutes les rigueurs du monde. N'a jamais entendu que mondit seigneur son père en ait esté content, mais bien marry; mais ladite abbesse l'a tousjours tant redoubté, qu'elle ne s'est oncques osée déclarer à luy, sinon par personnages qui luy ont tousjours célé sa dévotion (volonté); qui est l'occasion qu'elle luy peult présentement avoir baillé un ennui. Dict, oultre, qu'elle a tousjours entendu continuer sa volonté n'estre en cest estat, et pour cest effect n'a oncques voulu se faire béniste abbesse. C'est tout ce qu'elle peult dire, quant à présent, sinon ce qu'il est notoire.

      Ainsi signé: »C. de Perthuis.

      »3o. – Vénérable religieuse, sœur Marie Brette, grand'prieure de l'abbaye de Jouarre, âgée de quatre-vingts ans, ou environ, laquelle, après serment par elle faict, a dict que, soixante-dix ans a, elle est religieuse en ladicte abbaye, et qu'elle ne sçayt ceulx qui peuvent avoir donné conseil et sollicité madame Charlotte de Bourbon, abbesse de ce lieu, de s'en aller et sortir hors de ceste abbaye, mesmes de s'en aller hors de ce royaume, sinon Françoys et Georges d'Averly, qui estoient ordinairement à ladite abbaye et à l'entour d'icelle madite dame; et pense qu'il n'y avoit aulcunes religieuses de ladite abbaye qui en pussent sçavoir aulcune chose, sinon Jehanne Mousson et Jehanne Vassetz, qui s'en sont allées avec madite dame. Et quand elle partit, elle disoit qu'elle alloit au Paraclet; et néanmoins elle s'en seroit allée en Allemaigne, au logis du comte palatin, ainsy qu'elle a ouy dire. Dict aussy qu'elle n'a point sceu que madite dame ayt oncques, de son bon gré, voulu estre religieuse; car, encores qu'elle ayt faict vœu de religion, si est-ce qu'il ne fut jamais, ainsy qu'il appartient, faict aux religieuses, parce que, encores qu'elle fust prompte à hanter et fréquenter l'église; et quand ladicte déposante l'allait quérir pour aller au service, elle y estoit aussitost que ladicte déposante; si est-ce que cela estoit sinon pour agréer à monseigneur son père; mais, pour tout cela, la déposante ne peut croire qu'icelle n'eust tousjours dévotion (volonté) de poser son habit, qu'elle a entendu luy déplaire infiniment, et pour l'avoir pris trop jeune, à contre-cœur, par force de sa mère, laquelle luy a faict faire profession par des subtilitez et forces estranges.

      Ainsi signé: sœur »Marie Brette.

      »4o. – Vénérable religieuse, СКАЧАТЬ



<p>44</p>

Bibl. nat., mss., f. fr., vol. 3,182, fos 58 et suiv. – Au dos du document ci-dessus transcrit se trouve la mention suivante: «Par commandement de messieurs le premier président et Boissonnet, conseiller, ceste information faicte par les officiers de Jouerre.»]