L'Abbé de l'Épée: sa vie, son apostolat, ses travaux, sa lutte et ses succès. Berthier Ferdinand
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СКАЧАТЬ très-humble et très-obéissant serviteur,L'abbé DE L'ÉPÉE.

      «Ce 31 décembre, immédiatement après avoir reçu l'honneur de la vôtre, à huit heures du soir.»

      Quelle ne dut pas être la surprise de l'abbé de l'Épée en recevant, dans le mois de janvier suivant, une ordonnance de 400 livres pour les six derniers mois de l'année 1777!

      XIV

      Cazeaux, accusé d'avoir, de concert avec la comtesse de Solar, supprimé la personne et l'état de l'enfant sourd-muet, est arrêté à Toulouse et amené a Paris, les fers aux pieds et aux mains. – Ses moyens de défense. – Il demande à être transféré, avec le sourd-muet, partout où la justice croira que sa présence peut devenir nécessaire pour éclaircir l'affaire. – Cette requête est jointe au fond; on refuse son élargissement provisoire, ainsi que le transfert de l'enfant et de sa sœur sur les lieux. – Enfin, une sentence du Châtelet déclare Joseph fils du comte de Solar, reconnaît Cazeaux innocent et le renvoie absous. – Commentaire des juges.

      Cependant, on avait écrit à Toulouse. On y avait demandé des renseignements sur le jeune de Solar, et ces renseignements étaient venus. Rien n'y était passé sous silence: on accusait formellement un sieur Cazeaux d'avoir, de concert avec la comtesse de Solar, supprimé la personne et l'état de l'enfant. Une plainte est dressée contre le prévenu; il est décrété de prise de corps le 5 février 1778, arrêté à Toulouse le 10 mai, amené, les fers aux pieds et aux mains, à Paris, et plongé dans les cachots du grand Châtelet, à la suite d'un rapport foudroyant de M. Avril, conseiller au parlement.

      Les moyens de défense présentés par Cazeaux nous paraissent, pour l'éclaircissement de la question en elle-même, mériter d'être reproduits ici en entier:

      «En 1773, disait-il, j'étais clerc chez M. Belin, procureur à Toulouse; j'eus l'occasion de connaître Mme la comtesse de Solar. Cette dame, sachant qu'à l'époque des vacances du parlement, je devais aller trouver ma famille à Charlas, et, de là, accompagner ma mère aux eaux de Bagnères, qui en sont proches, me pria instamment de me charger de son fils, sourd et muet, alors âgé de onze ans, auquel le régime des eaux avait été prescrit. J'acceptai avec d'autant plus d'empressement, que je savais que Mme de Solar avait des relations très-puissantes à Versailles, et que je pensai que ce service, rendu de bonne grâce, ne serait point inutile à mon avancement et à ma fortune.

      «L'enfant, qui me connaissait déjà, consentit facilement à me suivre, et, le samedi 4 septembre 1773, à cinq heures du soir, à la porte de l'auberge de l'Écharpe, dans l'une des rues les plus fréquentées de Toulouse, en présence de cinquante à soixante personnes, je montai à cheval, en prenant sur le devant de ma selle le jeune comte de Solar. Nous partîmes, accompagnés de l'un de mes parents, l'abbé Cazeaux, et d'un domestique de mon père, qui, tous deux, étaient aussi à cheval. Ceci ne saurait faire l'objet d'un doute. Je donne les noms des personnes qui assistaient à mon départ. Nous nous rendîmes à Charlas, en passant par Saint-Elix-de-la-Terrasse, Montaigut et Montoussin. A Charlas, je trouvai ma mère. L'enfant fut reçu à merveille par toute ma famille, et, bientôt après, nous partîmes avec ma mère pour Bagnères.

      »Après quinze jours de résidence aux eaux, le jeune de Solar revint avec nous à Charlas. Ma mère s'attacha à cet enfant, et j'écrivis à Mme de Solar pour lui demander de nous le laisser jusqu'à la Saint-Martin, époque de mon retour. La comtesse y consentit; quelques affaires domestiques et le mauvais temps retardèrent mon départ, et, vers Noël, la petite vérole s'étant répandue dans le pays, l'enfant en fut atteint. On lui prodigua les soins les plus empressés. Moi-même j'étais constamment à son chevet, ce qui fut cause peut-être que je me vis bientôt à toute extrémité. D'un autre côté, l'état de l'enfant ne tarde pas à s'aggraver: un dépôt se forme dans sa poitrine. On lui administre l'extrême-onction; et il meurt! Le jeune de Solar alors est enseveli, mis dans un cercueil, et enterré au cimetière de Charlas, dans la sépulture de ma famille.

      «Tous ces faits, je peux les établir de la manière la plus péremptoire. Je donne les noms de plus de quarante témoins qui ont vu l'enfant, qui ont assisté à ses derniers moments, qui l'ont conduit au cimetière. Que pourra-t-on répondre à ces témoins? Que l'acte de décès est irrégulier… Mais rien n'est plus facile à expliquer que cette irrégularité. Lorsque le curé de Charlas dressa cet acte, il manquait de renseignements, et cela se comprend aisément: l'enfant était étranger au pays; personne que moi, et j'étais alors dans un état de maladie désespéré, ne connaissait exactement son âge et son nom… On savait seulement que c'était le comte de Solar. Le curé constata donc que le comte de Solar était mort; c'était tout ce qu'il savait. J'ignore s'il demanda des renseignements pour compléter son acte, ou si ces renseignements ne lui parvinrent pas… Toujours est-il que, lorsque, pour se conformer à la loi, il fut obligé d'envoyer le double de l'acte au greffe de la sénéchaussée de Toulouse, il l'envoya dans l'état où il se trouvait alors. Plus tard, il s'aperçut que cet acte était insuffisant, parce qu'il ne désignait pas clairement la personne décédée, et il crut devoir le compléter en ajoutant ces mots: Un enfant âgé d'environ dix à onze ans, qui était muet, et qu'on appelait le comte de Solar. Il est vrai que cet acte manque de régularité; mais on ne saurait contester que cet enfant, décédé à Charlas, fût le fils de la comtesse de Solar.

      «Quelles conséquences résultent de tout ceci? disait Cazeaux; c'est que d'abord l'enfant, à moi confié à Toulouse par la comtesse de Solar, le 4 septembre 1773, est vraiment mort et enterré à Charlas, en janvier 1774, et que, dès lors, l'enfant, que présente l'abbé de l'Épée, ne saurait être le jeune de Solar, qui m'a été confié. – Ensuite, ajoutait-il, il suffirait d'un simple rapprochement de date pour se convaincre que le jeune comte de Solar, vu par un grand nombre de témoins, le 4 septembre 1773, à Toulouse, au moment de son départ avec moi, ne pouvait être cet enfant sourd-et-muet, conduit, sur l'ordre de M. de Sartine au château de Bicêtre, le 2 du même mois de septembre 1773, et qu'un mois auparavant (le 1er août 1773) on avait trouvé abandonné sur le grand chemin de Péronne en Picardie!»

      Aussi Cazeaux, se faisant fort de prouver sa parfaite innocence, insiste-t-il pour être transféré avec le jeune sourd-muet partout où la justice croira que sa présence peut devenir nécessaire pour éclaircir l'affaire.

      Cette requête est jointe au fond; on refuse non-seulement l'élargissement provisoire, mais encore le transfert de l'enfant et de Caroline de Solar sur les lieux indiqués.

      Enfin, par sentence de Messieurs du Châtelet, en date du 29 septembre 1778, Joseph est reconnu et déclaré fils de M. le comte de Solar et frère de Caroline de Solar. Et le sieur Cazeaux est reconnu innocent et renvoyé absous.

      Ainsi s'expliquent Messieurs du Châtelet sur leur sentence:

      «Le public croyait que Joseph ne pouvait être Solar sans que Cazeaux fût coupable, et que celui-ci ne pouvait être innocent si Joseph était Solar; mais cette alternative est tout à fait étrangère au procès. L'enfant trouvé près de Péronne, dans les premiers jours d'août, et qu'on a nommé Joseph, nous a été démontré être le petit Solar. Rien de mieux établi que cette vérité; nous l'avons, en conséquence, déclaré être de la famille des comtes de Solar. Il nous a été démontré avec la même évidence que Cazeaux n'était pas et ne pouvait être complice de la perte de cet enfant. Il nous a rendu bon compte de l'enfant dont on l'a chargé sous le nom du petit Solar, dans le commencement de septembre suivant, enfant qui est décédé ensuite. Cazeaux est donc innocent, et nous l'avons renvoyé tel.

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