Histoire amoureuse des Gaules; suivie des Romans historico-satiriques du XVIIe siècle, Tome III. Bussy Roger de Rabutin
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Читать онлайн книгу Histoire amoureuse des Gaules; suivie des Romans historico-satiriques du XVIIe siècle, Tome III - Bussy Roger de Rabutin страница 17

СКАЧАТЬ ton âme,

      Etre la mienne aussi.

      Embrasse-moi d'une longue embrassée;

      Ma bouche soit de la tienne pressée,

      Suçant également

      De nos amours les faveurs plus mignardes;

      Et qu'en ces jeux nos langues frétillardes

      S'étreignent mollement.

      Au paradis de tes lèvres écloses

      Je vais cueillir de mille et mille roses

      Le miel délicieux.

      Mon cœur s'y paît, sans qu'il s'y rassasie,

      De la liqueur d'une douce ambroisie,

      Passant celle des Dieux.

      Je n'en puis plus, mon âme à demi fole

      En te baisant par ma bouche s'envole,

      Dedans toi s'assemblant.

      Mon cœur hallette à petites secousses;

      Bref, je me fonds en ces liesses douces,

      Soupirant et tremblant.

      Quand je te baise, un gracieux zéphire,

      Un petit vent moite et doux, qui soupire,

      Va mon cœur éventant.

      Mais tant s'en faut qu'il éteigne ma flamme,

      Que la chaleur qui dévore mon âme

      S'en augmente d'autant.

      Ce ne sont point des baisers, ma mignonne,

      Ce ne sont point des baisers que tu donne,

      Ce sont de doux appas,

      Faits de Nectar, de Sucre et de Canelle,

      Afin de rendre une amour éternelle

      Vive après le trépas;

      Ce sont des fruits de l'Arabie heureuse,

      Ce sont parfums qui font l'âme amoureuse

      S'éjouir dans ces feux;

      C'est un doux air, un baume, des fleurettes,

      Où comme oiseaux volent les amourettes,

      Les plaisirs et les jeux.

      Parmi les fleurs de ta bouche vermeille,

      On voit dessus voler comme une abeille

      Amour plein de rigueur;

      Il est jaloux des douceurs de ta bouche:

      Car aussi-tôt qu'à tes lèvres je touche,

      Il me pique le cœur.

      En finissant, il laissa aller un soupir, et dit: «Hé bien! ma chère, que vous en semble? y en a-t-il assez? – Oui, certes, dit-elle, et je vous proteste que j'aime infiniment les vers; et si je pouvois avoir pour vous plus d'amitié que je n'en ai, ce seroit le don que vous avez de faire les vers si galamment qui pourroit y contribuer plus qu'autre chose: car je vous avoue que j'ai une grande passion pour les poëtes, et tous les gens d'esprit, ce me semble, en doivent avoir aussi. – J'ai bien de la joie, ma chère, répondit-il, d'avoir quelque chose dans mes qualités intérieures qui vous plaise, et je vous assure que je m'y attacherai avec plus de plaisir, puisque vous y en prenez, et qu'il ne se passera rien de galant dont je ne vous fasse part en vers. – En vérité, je vous serai fort obligée», lui répliqua-t-elle.

      Ils se dirent encore de tendres paroles, et se donnèrent quelques raisons, puis ils se séparèrent avec promesse de ne point manquer à l'assignation80. D'abord qu'elle fut de retour dans sa chambre, elle se mit à faire réflexion sur cette affaire. Et comme par hasard, en cherchant quelque chose dans son coffre, elle mit au même temps la main sur les instructions que lui avoit données son ancienne dame, elle les lut avec quelque espèce de chagrin, parce qu'elle y trouvoit son action blâmée; mais qu'y faire? La parole est donnée, et la chose est trop avancée pour s'en dédire. Mais d'autre côté les instructions ont raison, elle va entreprendre une affaire dont elle se pourra repentir; que faire à cela? Elle trouva une fin: c'est qu'elle sacrifia ces instructions au feu, pour n'avoir rien qui lui pût reprocher son procédé. Les voilà donc brûlées, et elle en repos.

      Le dimanche cependant approchoit. Elle se hâta de plier ses meilleures nippes dans un petit paquet, et à l'heure assignée elle le prit sous son bras et sortit du château sans être aperçue de personne; à deux cents pas de là elle trouva son amant, qui l'attendoit avec un carrosse à six chevaux, qui firent grande diligence lorsqu'ils furent dedans81. Ainsi, dans moins de deux heures ils furent rendus à sa maison, où il lui avoit fait préparer un appartement magnifique, et où il coucha cette nuit avec elle, et lui ravit ce qu'elle avoit de plus précieux au monde. On la trouva d'abord à dire au château, et on crut qu'elle s'en étoit retournée chez son ancienne dame; on y envoya voir, mais elle n'y étoit pas. La vieille dame s'en mit beaucoup en peine, et Olympe aussi de son côté faisoit tous ses efforts pour savoir si elle n'auroit point été assassinée. Tout cela n'éclaircissoit rien, et je crois qu'on auroit été longtemps sans en savoir de nouvelles, si un des serviteurs de la vieille dame, qui alloit chez le marquis pour s'acquitter d'une commission, ne l'eût vue à la fenêtre. Il n'en fit pas paroître son étonnement, et elle, qui l'avoit aperçu, s'étoit incontinent retirée; mais lorsqu'il fut de retour à son logis, il déclara le tout à la bonne femme, qui du commencement en eut du chagrin, mais qui pourtant s'en consola; néanmoins elle bannit le marquis de sa maison, et ne l'a pas voulu voir depuis. Il ne laissoit pas pour cela de bien passer son temps auprès de sa maîtresse. Et comme il se souvint qu'elle aimoit fort les vers, et qu'il ne cherchoit qu'à la divertir, il lui fit les suivants sur la première nuit qu'il l'avoit possédée.

      Or ça, je te tiens, mon cœur,

      Guillemette mon bonheur,

      Guillemette ma rebelle,

      Ma charmante colombelle.

      Mon cher cœur, voici le temps,

      Qui nous doit rendre contens,

      Nous donnant la jouissance

      De notre longue espérance.

      Donc, à l'honneur de Cypris,

      Passons cette nuit en ris;

      Et dans ces douces malices,

      Nous trouverons nos délices.

      Quoi! cruelle, qu'attens-tu?

      Las! que ne me permets-tu,

      Que ne permets-tu, farouche,

      Que je te baise la bouche?

      Las! Guillemette, dis-moi,

      Dis à mon âme pourquoi,

      Cruelle, tu me dénie

      Ce que tu as tant d'envie?

      Tu ne demandes pas mieux,

      Mais je vois bien que tu veux

      D'un front masqué contrefaire

      La pudique et la sévère.

      Ha! tu te veux déguiser,

      Et tu feins de mépriser

      Mes folâtres gaillardises,

      Et mes douces mignardises!

      Mais par tes yeux éclairans

      Comme deux astres naissans

      Dans la céleste voûture,

      Par ton beau front je te jure,

      Et par cette bouche encor,

      Mon plus précieux trésor,

      Par cette bouche rosine,

      Par tes lèvres ambrosines;

      Par tes blonds cheveux épars,

      Dont l'or fin de toutes parts

      Au gré du vent par secousse

      Baise СКАЧАТЬ



<p>80</p>

Rendez-vous.

<p>81</p>

Nouvelle calomnie, si contraire à toutes les traditions que nous n'avons pas même à la discuter.