Mémoires du comte Reynier … Campagne d'Égypte, deuxième partie. Berthier Louis-Alexandre
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Название: Mémoires du comte Reynier … Campagne d'Égypte, deuxième partie

Автор: Berthier Louis-Alexandre

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/39325

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СКАЧАТЬ étaient d'abord celle d'Alexandrie à Damiette en suivant la côte (elle le fut par l'établissement de barques pour le passage des bouches); celles de Rahmaniëh à Damiette, de Rahmaniëh à Salêhiëh, de Damiette à Salêhiëh, du Caire à Damiette, du Caire par Rahmaniëh à Alexandrie et Rosette.

      Pour que ces routes fussent praticables pendant l'inondation, elles devaient être élevées au-dessus du niveau des eaux; on pouvait profiter de plusieurs digues et ponts qui existaient déjà. Les nouvelles levées et les ponts qu'on aurait dû faire, devaient se rattacher au système général d'irrigation de la Basse-Égypte; il était nécessaire de le bien étudier avant de commencer un travail qui pouvait avoir tant d'influence sur les cultures et l'état physique de l'Égypte. On devait chercher à perfectionner la distribution des eaux en traçant ces routes: ainsi les reconnaissances ne pouvaient qu'être fort lentes; et elles n'étaient pas terminées lorsqu'on dut abandonner le pays. Il aurait fallu construire un grand nombre de ponts et faire des levées fort étendues; mais ce travail, indispensable pour perfectionner le système de défense, demandait plusieurs années. Si on n'a pas eu le temps d'exécuter ces routes, les reconnaissances qu'elles ont occasionnées ont du moins procuré au génie militaire, aux ingénieurs des ponts et chaussées et aux ingénieurs géographes, des matériaux très précieux pour la connaissance parfaite de l'Égypte.

      CONSIDÉRATIONS SUR LA CIVILISATION DES DIFFÉRENTES CLASSES D'HABITANS DE L'ÉGYPTE

      La population de l'Égypte est composée de plusieurs races, qui ont toutes dans le caractère des traits communs, mais qui sont cependant distinguées par leur genre de vie, leurs mœurs, leur existence politique et leur religion. L'islamisme, qui est celle de la plus grande partie des habitans, exclut les individus des autres cultes de toute influence politique; tolérés par la loi, ils sont réduits à une entière dépendance, et sans cesse exposés au mépris de l'orgueilleux Musulman.

      On observe, en Égypte, presque toutes les nuances de la civilisation, depuis l'état pastoral jusqu'à l'homme changé, dépravé même par le pouvoir et par le luxe; mais on n'y peut apercevoir celle de l'homme perfectionné par les arts et l'étude des sciences. On y trouve aussi des traces d'un système féodal, qui paraît inhérent aux premiers degrés de la civilisation.

      Ces nuances seront plus frappantes si on examine séparément les habitans du désert, ceux des campagnes et ceux des villes.

      DES ARABES

      L'Arabe Bédouin, errant dans les déserts, y faisant paître ses troupeaux et se nourrissant de leur lait, retrace encore actuellement les anciens patriarches: mêmes mœurs, mêmes usages, même genre de vie; le pays qu'il habite n'en permettant pas d'autre, il n'a pu changer. Si certains auteurs avaient vécu avec ce peuple; s'ils avaient étudié les hommes formés par cette vie pastorale, ils se seraient épargné beaucoup de déclamations.

      L'Arabe respecte surtout les vieillards; l'autorité paternelle est très étendue chez lui, et tous les enfans restent unis sous le pouvoir du chef de la famille; lorsqu'elle devient considérable, après plusieurs générations, elle forme une tribu dont les descendans du premier patriarche sont les chefs héréditaires chargés du gouvernement, ils attirent à eux l'influence et les richesses; ils finissent par dominer et par former une classe supérieure; alors ils usurpent une espèce d'autorité féodale sur le reste de la tribu.

      Les cheiks représentent le père de la famille, et jugent les différends de leurs enfans; mais plus la famille ou la tribu est considérable, moins leurs jugemens sont respectés: de là naissent des querelles, et l'homme de la nature qui se croit lésé a recours à sa force personnelle. Les jalousies entre les frères, fruit d'un défaut d'équilibre entre l'affection qu'ils inspirent ou les biens qui leur sont dévolus, sont très fréquentes, notamment après la mort du père; et quoique le droit d'aînesse soit reconnu, il n'est pas rare de voir des frères guerroyer lorsqu'ils sont assez puissans pour que leurs querelles portent ce nom. Les rixes entre familles et tribus voisines sont assez fréquentes; des empiètemens sur les pâturages, des enlèvemens de bestiaux, etc., en sont la cause ou le prétexte. Aucune autorité supérieure n'existe pour les juger, ou pour les contraindre à un accommodement: et cette vie pastorale primitive, qu'on croyait si paisible, n'offre que le tableau d'un état de guerre presque continuel.

      Rien ne lie les Arabes à une société générale: leur religion, qui devait être un moyen d'union, ne les a réunis que lors de l'impulsion fanatique donnée par Mahomet, et continuée sous ses successeurs, par une suite nombreuse de conquêtes étonnantes qui changèrent les mœurs de ces générations. Chaque tribu a son chef de religion, qui, dans les affaires intérieures trop importantes pour être décidées par le cheik, juge d'après les principes du Koran; mais ces ministres du culte ont peu d'influence pour étouffer les dissensions entre les tribus.

      Les querelles sont interminables, des haines héréditaires font naître des combats, des pillages, des assassinats sans cesse renaissans; le sang doit être vengé par le sang. Les localités, des intérêts communs et des haines semblables, unissent quelquefois, pour un temps, des familles et des tribus sous un même chef; mais la fin de la guerre, le partage du butin, brisent ces liens d'un moment, dès que les mêmes dangers ne les forcent plus de rester alliées.

      Quoique dominés par des passions haineuses et les jalousies qui naissent de cet état habituel de guerre, les Arabes ont de belles qualités morales. Ils exercent, même envers leurs ennemis, l'hospitalité, plus commune chez l'homme de la nature, malgré ses besoins, que chez l'homme civilisé au sein de ses trésors. Cette vertu commence à perdre chez eux de sa pureté, par l'ostentation qu'ils y mettent, et parce qu'elle tient au besoin qu'ils ont de trouver des asiles dans les orages fréquens auxquels ils sont exposés.

      Passionnés pour leur indépendance, ils méprisent le cultivateur et l'homme des villes; ils ont de la fierté dans le caractère et quelques sentimens élevés. C'est même une question à résoudre, si la fausseté, la dissimulation qu'on leur reproche, notamment dans leurs relations politiques et particulières avec les classes plus civilisées, sont le résultat de leurs mœurs, ou de l'expérience de la mauvaise foi de ces dernières? La flatterie adroite qu'ils savent employer dans certaines occasions, tient-elle à leur caractère, où l'ont-ils apprise dans leurs relations étrangères?6

      Les qualités que les Arabes estiment particulièrement, sont la franchise et la bravoure: chez eux, un des plus grands éloges est de dire d'un homme qu'il n'a qu'une seule parole. Ils étaient peu habitués, avant l'arrivée des Français, à rencontrer cette qualité chez les dominateurs de l'Égypte.

      Aucun titre à leurs yeux n'est plus beau que celui de père; aussitôt qu'un Arabe a un fils, il change de nom et prend celui de père de ce fils. Ce que les Arabes désirent le plus, c'est la multiplication de leur race, parce que leur pouvoir et leur ascendant s'accroissent dans la même proportion; c'est comme leur donnant beaucoup d'enfans qu'ils honorent leurs femmes; réduites aux travaux du ménage et aux soins des troupeaux, elles n'ont ordinairement aucune influence publique. Cependant il est quelques exemples de femmes considérées pour leur aptitude aux affaires, qui ont succédé à leurs maris dans la place de cheik.7

      Les guerres fréquentes ont déterminé les familles et tribus à convenir des limites de territoire, et des puits du désert qui appartiendraient à chacune d'elles; ce genre de propriété est général pour toute la tribu. Les propriétés personnelles sont les troupeaux, dont la vente leur produit des grains, des armes et du tabac; et leur industrie, qui se réduit à la location de leurs chameaux et à quelques branches très faibles de commerce, telles que le charbon, la gomme, le sel, le natron, l'alun, etc., etc., que les localités restreignent à certaines tribus.

      Les Arabes ne connaissent pas l'usage des impôts pour subvenir aux dépenses générales. СКАЧАТЬ



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J'ai souvent été surpris d'entendre des Arabes, élevés dans le désert, d'un aspect sauvage et couvert de haillons, sachant à peine lire quelques passages du Koran, employer, dans certaines discussions, une adresse de raisonnement et des détours dignes des négociateurs les plus subtils, des flatteries qu'avouerait le courtisan le plus exercé, et parsemer leurs discours de grandes et belles images. En général, l'imagination vive et les sentimens élevés des Arabes contrastent avec le sol brûlant et stérile qu'ils habitent, avec la simplicité et même la misère de leur vie. Dans leurs poésies, ils chantent l'amour, tandis que leurs institutions, la polygamie et l'état d'abjection où leurs femmes sont réduites, devraient détruire presque entièrement cette passion.

<p>7</p>

La tribu de Békir en Syrie, qui est fort puissante, depuis la mort d'Akmet-Békir, cheik très considéré, obéit à sa mère. Il en est aussi dans la Haute-Égypte, mais ces exemples sont très rares.

Dans une visite à la tribu de Néfahat, j'interrogeais un vieillard qu'on me présenta comme l'historien de sa tribu: Il me dit, en parlant de leur établissement en Égypte, que la femme de Néfoa, lorsqu'il y vint, avait les yeux aussi vifs et aussi perçans que la balle qui sort du fusil; elle avait un grand caractère et beaucoup d'esprit; aussi ses enfans ont prospéré, et les Néfahat ont actuellement cinq cents cavaliers, tandis que les Lomelat n'en ont pas cent; ils descendent cependant d'un frère de Néfoa, qui vint en même temps que lui; mais dont la femme avait des yeux de gazelle, était douce et timide.